Établissement de détention de Rivière-des-Prairies

Un détenu avale son cellulaire... pour le cacher

Une intervention chirurgicale a été nécessaire pour récupérer l'appareil, que les autorités ont ensuite saisi.

La police de Montréal a obtenu un mandat pour saisir et analyser un minitéléphone cellulaire avalé en prison par un accusé et retiré de son estomac durant une intervention chirurgicale, révèlent des documents judiciaires obtenus par La Presse.

L’accusé en question est Vladimir Laguerre, 28 ans, un individu détenu depuis juin et accusé de complot et de possession d’arme à la suite de l’opération policière Mazout, destinée à résoudre un meurtre et des incendies criminels commis dans le contexte des tensions au sein de la mafia.

L’été dernier, il était en possession d’un téléphone cellulaire gros comme une clé électronique de voiture qui avait franchi les murs de l’Établissement de détention de Rivière-des-Prairies et l’a gobé juste avant que les gardiens procèdent à une fouille dans son secteur.

Mais le téléphone cellulaire n’a jamais été évacué par les voies naturelles. Le 19 août, Laguerre a été transporté à l’hôpital Santa Cabrini – qui est situé non loin de la prison – et y a subi une intervention chirurgicale qui a permis aux médecins de retirer l’appareil. Le téléphone a ensuite été remis aux agents des services correctionnels.

« J’ai déjà entendu parler de minicellulaires que les détenus cachaient dans leurs cavités, mais jamais de détenus qui en avaient avalé. On trouve de ces petits cellulaires tout comme des téléphones intelligents qui arrivent par drones. Il y a maintenant une nouvelle problématique : les téléphones installés dans des montres. L’évolution des technologies nous donne des maux de tête, et le problème est toujours le même : il faudrait que le Ministère investisse pour nous permettre de déceler ces appareils », a réagi le président du Syndicat des agents en services correctionnels du Québec, Mathieu Lavoie.

Un lien avec une victime de meurtre ?

La police demandait, par mandat, de pouvoir saisir le téléphone pour le faire analyser, car elle croit qu’il contient des renseignements qui pourraient l’aider dans l’enquête et les procédures de Mazout et – sans faire de jeu de mots – sur les guerres intestines et les tensions qui secouent toujours la mafia montréalaise.

La police, qui a obtenu le téléphone, veut notamment vérifier s’il y a eu des échanges entre l’appareil de Laguerre et ceux d’Antonio De Blasio, un individu lié à la mafia tué sous les yeux de son fils qui venait de terminer une séance d’entraînement de football, le soir du 16 août dernier, dans un parc de l’arrondissement de Saint-Léonard.

« Antonio De Blasio était relié au crime organisé depuis plusieurs années. Il était le lien entre divers groupes italiens et divers gangs de rue. Il était celui qui recrutait les membres de gangs de rue pour commettre divers délits pour le compte du crime organisé », peut-on lire dans les documents.

De Blasio lui-même a fait l’objet d’une enquête dans le cadre du projet Mazout. L’examen du dossier se poursuivait dans son cas, et il aurait pu être accusé de gangstérisme s’il n’avait pas été tué, apprend-on également dans les papiers.

D’autres messages révélateurs

Toujours selon les documents, avant d’être assassiné, De Blasio aurait également échangé des messages textes avec certains des cinq individus liés aux gangs de rue condamnés pour les meurtres de Gaétan Gosselin et de Vincenzo Scuderi, commis en janvier 2013. Gosselin était l’ami et le confident du caïd Raynald Desjardins, et Scuderi avait le même statut auprès du défunt chef de clan Giuseppe De Vito, empoisonné au cyanure dans sa cellule du pénitencier de Donnacona à l’été 2013.

« De Blasio a, pendant la durée de la surveillance électronique, fait de la pression sur plusieurs personnes afin d’obtenir de l’argent pour les cinq prévenus. Il devait s’occuper d’obtenir de l’argent pour les cantines, pour le paiement de frais d’avocats, pour les prévenus et leur famille respective », décrit un policier dans les documents.

L’analyse du meurtre de Gaétan Gosselin oriente directement les policiers vers le clan des Siciliens, indique-t-on.

Une rencontre importante a eu lieu au centre-ville de Montréal, le 18 avril dernier, entre De Blasio et un autre individu, d’un côté, et deux personnes influentes associées au clan des Siciliens, de l’autre. Le but de la rencontre aurait été de discuter des paiements à venir pour les cinq accusés, selon les documents.

Dans la nuit du 25 avril 2017, un incendie criminel a été allumé au Complexe funéraire Loreto, façade légitime des familles Rizzuto et Renda. La police pense que les commanditaires de l’incendie voulaient ainsi faire pression sur le clan des Siciliens pour qu’une somme d’argent soit versée.

Le 9 mai, les Siciliens auraient versé l’argent demandé, selon la police. Cinq semaines plus tard, les cinq accusés des meurtres de Gosselin et de Scuderi ont plaidé coupable à un chef réduit de complot et ont été condamnés à des peines de 9 à 18 ans.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse courriel de La Presse.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.