ON A RÉPONSE À TOUT... OU PRESQUE

Pourquoi a-t-on cru que la tablette allait rester sur une tablette ?

Un dialogue (un brin) impertinent sur un enjeu d’actualité

Qu’est-ce que c’est ? Un gros iPhone ? Un ordinateur sans clavier ? À quoi ça peut bien servir ? Il y a cinq ans cette semaine, les adeptes de techno examinaient avec perplexité cette nouvelle bébelle présentée par Apple. Révolutionnaire, la tablette ? Ils étaient loin d’en être convaincus.

Des ballons ? Des serpentins ? Des crécelles ? Mais qu’est-ce que ce bazar ?

Pardon pour ce désordre. Il y a eu un anniversaire cette semaine. Un cinquième anniversaire, qui est étonnamment resté quasi inaperçu.

Ah bon ? Que s’est-il passé d’heureux en janvier 2010 ? Parce qu’on se souvient surtout du tremblement de terre en Haïti, ou de l’hystérie autour de la grippe H1N1.

Le 27 janvier 2010, devant des millions d’yeux ébahis, Steve Jobs présentait sa nouvelle création : la tablette numérique iPad.

Ah bon ? Ça ne fait que cinq ans ? J’ai du mal à me rappeler aujourd’hui comment je faisais pour respirer sans ma tablette.

Et pourtant, à l’époque, le dévoilement du premier iPad avait été reçu non seulement avec un mélange de perplexité et de scepticisme, mais aussi avec un gros éclat de rire.

On a ri de la tablette ?

Beaucoup. À commencer par le nom « iPad » lui-même – en anglais, « pad » ne signifie pas que « tablette », mais aussi « serviette hygiénique »… Dans l’heure qui a suivi l’annonce, le mot-clic #iTampon était parmi les plus utilisés sur Twitter, et les comiques se demandaient si les prochaines générations de tablettes allaient s’appeler « Maxi Pad » ou si elles allaient avoir des « ailes ». Mais les blagues ont fait leur temps et plus personne ne s’esclaffe en se baladant avec son « pad ». Même qu’en octobre dernier, une étude américaine a montré que le nom de marque « iPad » était désormais plus populaire chez les 6-12 ans que Disney, Oreo, Toys"R"Us ou McDonald’s. 

En effet. Les blagues d’iPad, ça fait tellllllement 2010.

On a aussi passé beaucoup de temps à se demander à quoi servait ce « gros iPhone », sorte d’ordinateur portable sans clavier et sans caméra dans sa première version. Les critiques ont varlopé Apple parce que la tablette n’offrait pas le multitâche – encore aujourd’hui, naviguer d’une application à l’autre n’est pas aussi aisé que sur un portable. Le fait que l’iPad ne supportait pas les animations et vidéos créées avec Adobe Flash était également perçu comme un défaut majeur.

Majeur ? Ben voyons. Je me souviens à peine à quoi servait Flash.

À l’époque, c’était la technologie de référence pour la vidéo. Aujourd’hui, elle se meurt. Les tablettes fonctionnant avec Androïd ne reconnaissent pas Flash non plus, et cette semaine, Google et YouTube l’ont laissé définitivement tomber au profit du HTML5. Tout ça pour dire qu’en 2010, la présentation de l’iPad n’avait pas impressionné tout le monde. En fait foi la parodie du film allemand La Chute, mise en ligne deux jours après l’annonce, où Hitler se déchaîne contre les défauts de la tablette de Jobs. « Stupide iPad !, fait-on dire au Führer. J’ai perdu la foi en Apple ! »

Et comme on se demandait si la tablette pouvait vraiment remplacer le papier dans toutes les occasions, les publicitaires s’en sont donné à cœur joie.

Ha ! Mais si les gens doutaient autant de l’utilité de la tablette, les ventes ont dû mettre du temps à décoller ?

Même pas. Dès après le lancement, Apple a vendu trois millions d’iPad en moins de trois mois. Quand les tablettes Nexus (Androïd) et Surface (Microsoft) ont été lancées en 2012, la progression des ventes de tablettes a été fulgurante. Juste au Québec, annonçait cette semaine le CEFRIO, la courbe d’adoption de la tablette numérique est impressionnante. Le nombre d’adultes qui possèdent une tablette est passé de 7 % en 2010 à 39 % en 2014. Globalement, 45 % des foyers québécois ont une tablette. Et parmi tous les foyers qui comptent au moins un enfant, la proportion grimpe à 64 % ! 

Ça ne m’étonne pas. Mes vilains garnements n’en ont que pour ces jeux Minecraft ou Clash of Clans. Perso, je préfère lire mon journal.

Vous voyez, même vous, vous êtes converti. En passant : bravo ! Vous avez lu ce texte jusqu’au bout, sans qu’aucun membre de votre famille réclame votre tablette !

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