formation des prêtres de l’Église catholique

Plaidoyer pour un rôle accru des femmes

Cet automne, le cardinal Marc Ouellet a réclamé un rôle important des femmes dans la formation des prêtres afin de lutter contre le « cléricalisme » à l’origine des agressions sexuelles commises par les prêtres. Pour mieux comprendre ce que signifie cette sortie du prélat québécois, La Presse s’est entretenue avec trois spécialistes de la formation des prêtres.

La proposition

« Nous aurons besoin de plus de participation de femmes dans la formation des prêtres, dans l’enseignement, dans le discernement, dans le discernement des candidats et de l’équilibre de leur affectivité », a déclaré Mgr Ouellet, qui est préfet de la Congrégation pour les évêques, l’un des plus hauts postes du Vatican. Le cardinal québécois a fait cette proposition en réaction à une lettre du pape François dans laquelle ce dernier attribue au « cléricalisme » les problèmes actuels de l’Église, notamment les scandales d’agressions sexuelles aux quatre coins du monde.

Abattre le cléricalisme

La Presse a demandé l’avis de Thomas Reese, un jésuite (comme le pape François) qui a longtemps dirigé la revue jésuite America et enseigné à l’Université Georgetown, à Washington, sur cette sortie de Mgr Ouellet. « Ce que visent François et Ouellet, c’est le cléricalisme, l’isolement des prêtres de la société, qui suscite un sentiment de supériorité et d’impunité, dit le père Reese. Dans la plupart des pays du monde, et encore aujourd’hui dans certains séminaires des États-Unis et du Canada, on isole les séminaristes pour s’assurer qu’ils auront une formation uniforme. C’est parti du concile de Trente au XVIe siècle. À l’époque, beaucoup de prêtres ne savaient ni lire ni écrire, alors c’était nécessaire. Mais avec le temps, on a créé des environnements totalitaires, similaires aux prisons, qui dénaturent les relations affectives normales. Si on regarde la question très simplement, ne serait-il pas bénéfique qu’un futur prêtre côtoie plus de femmes durant sa formation, pour que si son engagement au célibat est chancelant, il s’en rende compte plus tôt ? »

Revoir l’obligation de célibat

Solange Lefebvre, théologienne à l’Université de Montréal, pense qu’impliquer davantage les femmes dans la formation des prêtres ne changera rien aux problèmes de sexualité qui minent l’Église. « Les prêtres ont des mères, des sœurs, alors même s’ils suivent des cours donnés par des femmes ou ont des étudiantes dans leurs classes, ça ne changera rien, dit Mme Lefebvre. La solution, c’est de revoir l’obligation de célibat pour les prêtres. Peut-être pas pour tous les gens ordonnés, mais au moins pour les prêtres. D’ailleurs, un peu partout dans le monde, et même en Europe, on voit un retour aux séminaires fermés où les prêtres suivent des cours entre eux. S’il y a des femmes qui enseignent, ce sont des professeures choisies pour ne pas remettre les pratiques de l’Église en question. La question a été abordée à Québec sous Marc Ouellet, mais finalement, on continue à envoyer les séminaristes à l’Université Laval. »

Implication des femmes

Marc Pelchat, qui est évêque auxiliaire à Québec et a été plusieurs fois recteur de la faculté de théologie de l’Université Laval, voit d’un bon œil la proposition de Mgr Ouellet sur l’implication des femmes dans la formation des prêtres. Il nie que Mgr Ouellet ait envisagé de retirer les séminaristes de l’Université Laval. « Au contraire, il a augmenté d’un an la durée de la formation universitaire des prêtres, en mettant plus de philosophie. »

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