Transports collectifs

QUI PAIERA QUOI ? ET COMMENT ?

La mise en service du futur REM rend incontournable la refonte de la tarification des transports collectifs dans la région métropolitaine. Selon les résultats d’un sondage, les Montréalais se disent « très favorables » à des prix réduits pour les personnes à faibles revenus. Mais peu importe la grille tarifaire, des inconditionnels de l’auto resteront dans leur véhicule. un dossier de bruno bisson

Sondage

La tarification sociale séduit les Montréalais

Une large majorité des Montréalais et des habitants de la banlieue se disent « très favorables » à une « tarification sociale » des transports qui permettrait aux personnes à faibles revenus, en situation d’invalidité ou à la recherche d’un emploi d’avoir accès à prix réduit au métro, aux autobus ou aux trains de banlieue.

Selon une vaste enquête réalisée auprès de 3565 résidants de la région de Montréal, 63 % des personnes interrogées se sont dites « très favorables » à un tarif réduit pour les personnes à faibles revenus.

Seuls 11 % des répondants, dans l’ensemble de la région, qu’ils soient usagers ou non des transports collectifs, ont affirmé être « peu favorables » à une telle mesure, selon un rapport d’enquête qui sera rendu public aujourd’hui par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

Cette enquête, réalisée en novembre dernier par la firme de recherche Dialogs, visait à « évaluer les perceptions, les attitudes et les attentes des citoyens de la grande région de Montréal quant à différentes options tarifaires potentielles pour le transport collectif ».

Pas moins de 3565 résidants de tous les secteurs de la région métropolitaine ont été recrutés à partir d’un panel en ligne. De ce nombre, 1961 personnes, soit 55 %, étaient des utilisateurs réguliers ou assidus des transports collectifs, alors que 1604 autres personnes étaient des « non-usagers », n’utilisant jamais, ou utilisant très rarement, les réseaux de transport publics.

Un système à refaire

La publication de ce rapport d’enquête sur une nouvelle plateforme web interactive baptisée « Parlons tarification » vise à lancer le débat entourant le coût et le financement des services de transports collectifs dans la grande région de Montréal.

Au cours des prochains mois, l’ARTM prévoit aussi organiser de larges consultations où « les citoyens, les usagers, les organismes de transport collectif, les autorités municipales, la CMM, les acteurs gouvernementaux, les groupes d’intérêt, les experts indépendants et les entreprises du domaine du transport seront invités à s’exprimer » sur tous les enjeux liés à la tarification des services, qui assurent plus de 1,5 million de déplacements, chaque jour, dans la grande région de Montréal.

La nécessité d’intégrer le futur Réseau express métropolitain (REM) aux réseaux de transports publics existants d’ici à sa mise en service, à partir de 2021, rend la refonte complète du système tarifaire métropolitain actuel incontournable, et ce, à brève échéance.

Dans deux ans à peine, les tarifs des transports collectifs, la façon de les acquitter, les modes de perception et tout ce qui touche à la relation « financière » entre les utilisateurs et leurs réseaux de transports seront probablement complètement transformés.

Est-ce qu’on pourra payer son passage avec un téléphone cellulaire ou une carte de crédit ? Ouvrir un compte « mobilité durable » et y faire facturer automatiquement chacun de ses déplacements en métro, en Communauto, à BIXI ou en taxi ? Est-ce qu’on paiera des tarifs en fonction de la longueur du trajet, de l’heure du jour, de la beauté de l’autobus ?

On n’en sait encore rien.

Une question centrale

C’est dans ce contexte que l’implantation de mesures de « tarification sociale » des transports collectifs sera débattue, dans les prochains mois. Bien que l’idée d’un tarif réduit pour les personnes les plus pauvres semble populaire dans la population en général, elle est loin de faire l’unanimité dans la région de Montréal.

Appuyée publiquement cet hiver par l’administration de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, la possibilité d’accorder des tarifs réduits aux personnes à faibles revenus a aussitôt été critiquée comme « prématurée » par son homologue de Longueuil, Sylvie Parent.

Les maires de plusieurs municipalités défusionnées de l’île de Montréal, qui croient qu’on devrait privilégier l’amélioration des services, ont demandé de leur côté un droit de retrait, pour ne pas avoir à en assumer les coûts.

Combien coûterait l’implantation de nouvelles mesures de tarification sociale dans les transports collectifs ? Qui essuierait le manque à gagner dans les recettes tarifaires, qui permettent de financer les services au quotidien ? Comment la tarification sociale s’appliquerait-elle au quotidien ? Qui y aurait droit ?

Ces questions demeurent, pour le moment, sans réponse. Des études sont en cours.

Réserves

Sur le site parlonstarification.quebec, l’ARTM se montre prudente quant à la mise en place éventuelle de mesures de tarification sociale dans les réseaux de transports collectifs, dont les coûts d’exploitation s’élèvent, déjà aujourd’hui, à près de 3 milliards par année.

« Afin de mener à bien l’évaluation de la faisabilité d’un modèle de tarification sociale, estime l’ARTM, certains éléments doivent être pris en compte, notamment le manque à gagner en termes de recettes tarifaires, l’augmentation potentielle du risque de fraude ou encore la hausse du niveau de service liée à une augmentation de l’achalandage. »

Il sera également important de considérer, poursuit l’Autorité, « les coûts associés à l’administration du programme de tarification sociale, dont ceux découlant de la gestion du processus d’admissibilité, des canaux de distribution et de l’information au public ».

Sur son site internet, l’ARTM cite le cas de Calgary, où une telle réduction de tarifs est accordée aux personnes à faibles revenus, et de Toronto, où un projet pilote est en cours pour déterminer les impacts et les coûts de telles mesures.

Méthodologie de l'étude

Sondage par panel en ligne réalisé entre le 1er et le 22 novembre 2018. La durée moyenne du questionnaire était de 16 minutes. La population cible est formée des résidants de la région de Montréal habitant le territoire desservi par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). L’échantillon comprend 3565 répondants, répartis dans trois secteurs géographiques (Montréal centre, banlieues rapprochées et couronnes de banlieue). De ce nombre, 1961, soit 55 %, sont des usagers des transports collectifs et 1604 (45 %) sont des « non-usagers ». Les résultats ont été pondérés selon la région, le sexe, l’âge et le statut d’utilisation des transports collectifs, pour former un échantillon représentatif de la population.

Cinq mesures de tarification sociale évaluées

Prix réduit pour les étudiants

Très favorable  74 %

Neutre ou plutôt favorable  21 %

Défavorable  5 %

Prix réduit pour les aînés 

Très favorable  73 %

Neutre ou plutôt favorable 21 %

Défavorable  7 %

Prix réduit pour les personnes à faibles revenus

Très favorable  63 %

Neutre ou plutôt favorable  26 %

Défavorable  11 %

Prix réduit pour les déplacements en famille

Très favorable  62 %

Neutre ou plutôt favorable  29 %

Défavorable  9 %

Prix réduit pour les personnes à conditions particulières

(invalidité, recherche d’emploi)

Très favorable  58 %

Neutre ou plutôt favorable  30 %

Défavorable  12 %

Source : ARTM

Transports collectifs

Les usagers veulent être récompensés pour leur fidélité

Les usagers des réseaux de transports collectifs aimeraient bénéficier de rabais sur les tarifs lorsqu’ils utilisent très fréquemment ces services ou qu’ils s’engagent à les utiliser pour une longue période. Les 3565 usagers et non-usagers des transports collectifs de la région de Montréal sondés par la firme Dialogs ont été appelés à évaluer huit principes de tarification différents, qui existent dans d'autres réseaux de transport. Voici ce qu'ils en ont pensé. 

Achat de titres à l’avance

Exemple : un engagement d’utilisation pour une année complète, payable mensuellement, coûte moins cher par mois que les 12 titres mensuels achetés séparément. C’est ce principe qui suscite le plus large appui, tant chez les usagers que chez les non-usagers des transports collectifs. Il plaît davantage « aux répondants ayant un horaire et des besoins préétablis en matière de transport, et qui n’ont pas d’enjeu à s’engager à long terme pour obtenir un rabais ».

Très favorable : 52 %

Neutre ou plutôt favorable : 32 %

Défavorable : 16 %

En fonction de la fréquence d’utilisation

Exemple : les usagers réguliers paient moins cher par déplacement que les usagers occasionnels. Ce principe de tarification « intéresse particulièrement les usagers actuels » des transports collectifs qui les utilisent de cinq à sept fois par semaine ou plus.

Très favorable : 47 %

Neutre ou plutôt favorable : 31 %

Défavorable : 22 %

En fonction du mode de transport utilisé

Exemple : l’utilisation de l’autobus coûte moins cher que l’utilisation du train de banlieue pour un même déplacement. Des utilisateurs actuels des transports collectifs, en particulier les usagers du métro ou des services de bus, se montrent plus intéressés par ce principe de tarification que d’autres groupes, selon l’enquête de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

Très favorable : 32 %

Neutre ou plutôt favorable : 40 %

Défavorable : 28 %

En fonction de la distance parcourue

Exemple : plus le parcours en transports collectifs est long, plus il coûte cher. Paradoxalement, ce sont les usagers habitant les couronnes de banlieue, qui doivent faire les trajets les plus longs, qui seraient les plus ouverts à ce principe de tarification. Selon les sondeurs, « ceci s’explique entre autres par le fait que ce principe s’apparente à leur réalité actuelle ».

Très favorable : 29 %

Neutre ou plutôt favorable : 33 %

Défavorable : 38 %

En fonction des zones géographiques

Exemple : un déplacement à travers une seule zone coûte moins cher qu’un déplacement à travers plusieurs zones. C’est sur ce principe qu’est actuellement fondée la grille des tarifs métropolitains des transports collectifs. Or, s’il faut en croire les opinions recueillies dans cette enquête, le système en vigueur depuis plus de 20 ans dans la région métropolitaine de Montréal a peut-être, aujourd’hui, fait son temps.

Très favorable : 29 %

Neutre ou plutôt favorable : 34 %

Défavorable : 37 %

En fonction de la période de la journée

Exemple : les déplacements hors des heures de pointe coûtent moins cher que les déplacements aux heures de pointe. Ce principe de tarification « est plus attrayant pour les usagers dits “occasionnels” du transport collectif, dont les personnes de plus de 65 ans et les personnes seules, sans obligations familiales ». L’élément commun reliant ces usagers est la possibilité d’un horaire flexible favorisant les déplacements hors pointe (moins chers).

Très favorable : 26 %

Neutre ou plutôt favorable : 28 %

Défavorable : 46 %

En fonction du type de ligne d’autobus

Exemple : les lignes d’autobus ordinaires coûtent moins cher que les lignes directes ou express. Ce principe de tarification attire davantage les personnes qui ont un horaire de déplacement flexible, comme les personnes retraitées, selon les sondeurs.

Très favorable : 24 %

Neutre ou plutôt favorable : 32 %

Défavorable : 44 %

En fonction de la fréquence de passage

Exemple : un mode de transport qui passe toutes les 30 minutes coûte moins cher que celui qui passe toutes les 5 minutes. Ce principe intéresse moins du quart des usagers et des non-usagers des transports collectifs. « On note, précise le rapport d’enquête, que les hommes et les personnes ayant un revenu familial inférieur à la moyenne se disent plus favorables que les autres à ce principe. »

Très favorable : 24 %

Neutre ou plutôt favorable : 32 %

Défavorable : 45 %

Pour l’amour du volant

L’amour du volant et la liberté de rouler seul dans son automobile sont encore et toujours, et de loin, la raison la plus souvent invoquée par les « non-usagers » pour ne pas utiliser les transports collectifs, à Montréal et dans les banlieues rapprochées.

Pour les non-usagers, le coût d’accès au métro, aux trains de banlieue ou aux autobus n’est pas un frein à l’adoption des transports collectifs. À peine 15 % des gens qui n’utilisent pas ces services ont cité des tarifs « dispendieux » comme un obstacle à leur fréquentation, selon l’enquête de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

Il y a des gens qui ne prendront jamais les transports collectifs. C’est leur choix. Mais pourquoi ? Cela ne « correspond pas à mon style de vie », ont répondu 28 % des non-usagers sondés en novembre dernier pour le compte de l’ARTM. Le tiers des répondants (33 %) qui vivent dans l’île de Montréal estiment quant à eux que le service est trop lent.

Mais la raison la plus souvent invoquée pour ne pas utiliser les transports collectifs, dans l’ensemble de la région métropolitaine, c’est toujours l’attachement à l’automobile.

L’enquête révèle toutefois que dans les couronnes de banlieue, cet amour dépendant et inconditionnel s’émousse un peu. Pas surprenant : jour après jour, ce sont les résidants de ces couronnes qui effectuent les trajets les plus longs, et qui passent le plus de temps dans leur véhicule.

Quant aux raisons soulevées par les non-usagers des couronnes pour ne pas utiliser les transports collectifs, elles pointent plus souvent qu’à Montréal et dans les banlieues les plus proches vers les déficiences déjà bien identifiées des réseaux de trains et d’autobus dans les couronnes : trop loin, trop compliqué, pas assez flexible.

Les trois raisons les plus souvent citées

(selon les secteurs géographiques)

Montréal (1)

J’aime conduire ma voiture 47 %

Les transports collectifs sont trop lents  33 %

Ça ne correspond pas à mon style de vie  26 %

Banlieues rapprochées (2)

J’aime conduire ma voiture 51 %

Les transports collectifs sont trop lents  29 %

Ça ne correspond pas à mon style de vie 27 %

Couronnes de banlieue (3)

Difficile d’accès, pas situé à proximité 43 %

J’aime conduire ma voiture 36 %

Trop compliqué à planifier 34 %

(1) Centre-ville et centre de l’île

(2) Laval, agglomération de Longueuil et pointes est et ouest de l’île

(3) Municipalités des couronnes nord et sud de la banlieue

Pour la facilité d'accès

L’aspect « économique et abordable » des transports collectifs est l’une des plus importantes motivations de leurs usagers à en faire leur principal moyen de déplacement, et ce, dans l’ensemble de la région métropolitaine.

Les 1961 habitués des réseaux de métro, de trains de banlieue et d’autobus de la grande région de Montréal interrogés dans le cadre de l’enquête de l’ARTM ont cité le plus souvent (dans l’ordre) la facilité d’accès, les tarifs abordables, la facilité d’utilisation, l’aspect écologique et la rapidité des déplacements comme raisons d’utiliser les transports en commun.

Les données révèlent aussi que pour 23 % des usagers sondés, les transports collectifs ne sont pas seulement un choix : c’est le seul mode de transport auquel ils ont accès.

Un examen zone par zone des raisons les plus souvent mentionnées par les usagers pour utiliser les transports en commun révèle par ailleurs des divergences notables quant à la « facilité d’accès » aux services.

À Montréal et dans les banlieues rapprochées, l’accès au métro, à un circuit d’autobus ou à une ligne de train à proximité de la résidence est de loin la raison la plus souvent citée pour utiliser ces réseaux de transport.

Pas dans les couronnes de la banlieue. De l’avis des usagers, la facilité d’accès arrive seulement cinquième parmi les raisons d’utiliser ces services, après les vertus écologiques des transports collectifs, leur coût abordable, leur facilité d’utilisation et leur aspect « pas stressant ».

Le peu d’enthousiasme des usagers par rapport à l’accès aux services dans les couronnes de banlieue semble ainsi recouper de manière cohérente l’opinion des non-usagers des transports collectifs (voir autre texte), qui citent la difficulté d’accès aux réseaux comme premier motif pour ne pas les utiliser.

LES TROIS RAISONS LES PLUS SOUVENT CITÉES

(selon les secteurs géographiques)

Montréal (1)

Facile d’accès, situé à proximité 59 %

Économique/abordable 49 %

Facile d’utilisation 48 %

Banlieues rapprochées (2)

Facile d’accès, situé à proximité 47 %

Économique/abordable 43 %

Facile d’utilisation 41 %

Couronnes de banlieue (3)

Écologique 42 %

Économique/abordable 38 %

Facile d’utilisation 37 %

(1) Centre-ville et centre de l’île

(2) Laval, agglomération de Longueuil et pointes est et ouest de l’île

(3) Municipalités des couronnes nord et sud de la banlieue

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