Institut national d’excellence en santé et en services sociaux

Prudence vis-à-vis des médicaments « miracles » contre le cholestérol

Le gouvernement québécois joue de prudence vis-à-vis d’une nouvelle classe de médicaments miracles anti-cholestérol très coûteux. Seuls 10 % des patients souffrant d’« hypercholestérolémie familiale » pourront recevoir des inhibiteurs de PCSK9, qui coûtent 7500 $ par année, a tranché hier l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS).

« C’est une décision raisonnable », estime Robert Dufour, directeur associé de la clinique de prévention cardiovasculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). « On couvre tous les gens homozygotes, et on a les critères usuels pour les hétérozygotes. »

L’hypercholestérolémie homozygote, où les deux copies du chromosome portent la mutation, est très rare, mais elle implique des taux de cholestérol jusqu’à dix fois supérieurs à la normale dès l’enfance et une espérance de vie ne dépassant pas la quarantaine. Selon le Dr Dufour, il y a au Québec 30 000 cas d’hypercholestérolémie familiale hétérozygote, dont la moitié sont diagnostiqués. Les restrictions de l’INESSS font que seulement 10 % des cas diagnostiqués pourront recevoir des inhibiteurs de PCSK9.

Mais le vrai test pour l’INESSS surviendra l’an prochain, après la publication d’autres études sur l’hypercholestérolémie non familiale, selon le Dr Dufour. La Sun Life, dans un document publié l’an dernier, chiffrait à 2,5 milliards le coût pour couvrir tous ces cas au Canada, soit plus que les statines, les médicaments anti-cholestérol les plus courants actuellement. 

DES OCCASIONS D’AFFAIRES

Cette perspective fait saliver les sociétés pharmaceutiques : le directeur de la R et D de Sanofi, Elias Zerhouni, a affirmé en 2015 à Bloomberg Businessweek que six millions d’Américains pourraient prendre un inhibiteur de PCSK9, soit 10 à 30 fois plus que les cas d’hypercholestérolémie familiale.

« Pour le moment, c’est surtout un débat aux États-Unis », explique Stéphane Ahern, président du Comité scientifique permanent de l’évaluation des médicaments aux fins d’inscription de l’INESSS et médecin interniste à l’Université de Montréal. « Si les études montrent une baisse du cholestérol chez les patients dyslipidémiques résistants ou réfractaires aux statines, il faut voir si elle va vraiment abaisser la mortalité. Dans le temps, l’ézétimibe était considéré comme un médicament miracle, mais malheureusement, on voit des bénéfices cliniques moins importants que prévu. »

L’avis de l’INESSS est très similaire à celui du NICE, son homologue du Royaume-Uni, selon le Dr Ahern. Tant l’INESSS que le NICE ont posé comme condition que le gouvernement négocie un rabais sur le coût des inhibiteurs de PCSK9.

Deux inhibiteurs de PCSK9 ont été approuvés par Santé Canada : Praluent de Regeneron et Sanofi et Repatha d’Amgen. Un troisième, de Pfizer, s’en vient. 

UNE DÉCOUVERTE MONTRÉALAISE

La proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9), qui a été découverte à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, est une enzyme circulant dans le sang qui interagit avec les récepteurs du cholestérol, des protéines éliminant le cholestérol du sang. Si la PCSK9 est trop active, ces récepteurs ne font pas leur travail et le taux de cholestérol sanguin est élevé. Les inhibiteurs de PCSK9, qui rétablissent le bon fonctionnement de ces récepteurs, diminuant le taux de cholestérol, sont des « anticorps monoclonaux », nouvelle classe de médicaments à action plus ciblée mais souvent onéreux, leur coût pouvant atteindre des dizaines de milliers de dollars.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.