Laval

« Coupable »

Gilles Vaillancourt a reconnu sa culpabilité aux accusations de complot, d’abus de confiance et de fraude

Gilles Vaillancourt est maintenant derrière les barreaux. Celui qui clamait haut et fort son innocence lors de sa démission comme maire, il y a quatre ans, a reconnu sa culpabilité d’une voix presque inaudible hier au palais de justice de Laval.

Complot, abus de confiance et fraude. Et pas n’importe quelle fraude : ce sont des dizaines de millions de dollars dont la Ville de Laval a été frustrée de janvier 1996 à septembre 2010. À la lecture de chaque chef d’accusation, Gilles Vaillancourt, a dit « coupable ». Mais il semblait hésitant et le juge James Brunton de la Cour supérieure lui a posé quelques questions.

M. Vaillancourt a alors suscité l’étonnement en disant qu’il n’avait eu aucune intention criminelle lorsqu’il avait usé de supercherie, de mensonge ou de moyens dolosifs pour commettre une fraude. Une courte suspension de l’audience aura permis de remettre le train de la justice sur ses rails.

Système de collusion et de corruption

Puis, les faits reprochés à M. Vaillancourt et que ce dernier reconnaît ont été présentés au tribunal. Le document est frappé en partie d’une ordonnance de non-publication afin de préserver le droit des 33 autres coaccusés à un procès juste et équitable. On peut toutefois préciser que l’enquête policière, appelée Honorer, a permis de démontrer l’existence d’un système de collusion et de corruption dans l’octroi des contrats de Laval. Et Gilles Vaillancourt en connaissait l’existence. Le système se nourrissait des ristournes sous forme de pourcentage – « en argent comptant avant le calcul des taxes » – prélevées sur les contrats publics.

Les crimes de Gilles Vaillancourt sont aggravés par le fait qu’ils ont été prémédités, planifiés, fréquents, importants et commis dans un contexte où M. Vaillancourt occupait une « position privilégiée ». « En tant que maire, il jouissait de la confiance des membres de l’administration de la Ville et de ses citoyens », peut-on lire dans le document judiciaire.

Malgré l’ampleur des sommes détournées, Gilles Vaillancourt a remboursé à Laval 8,6 millions de dollars provenant notamment de comptes bancaires qu’il détenait ou contrôlait en Suisse. Il a également renoncé à son régime de retraite que lui versait Laval (voir onglet 3).

Le maire de Laval Marc Demers s’est dit satisfait du règlement. 

« Avec ce deal-là, on ne peut pas perdre. »

— Marc Demers, maire de Laval, qui espère que la position adoptée par M. Vaillancourt trouvera un écho chez ses coaccusés et que son emprisonnement redonnera confiance à la population

Le remboursement de M. Vaillancourt a été pris en considération dans la négociation entre la Couronne et les avocats de M. Vaillancourt. D’un commun accord, les parties ont ainsi suggéré au juge Brunton d’imposer une peine de six ans de pénitencier à M. Vaillancourt. La peine sera connue le 15 décembre prochain.

Il y a 18 mois, avant même son enquête préliminaire, Gilles Vaillancourt avait entamé des discussions avec la Couronne pour une reconnaissance de culpabilité qui écarterait le chef d’accusation de gangstérisme.

Il a également été convenu que la Couronne ne ferait pas témoigner M. Vaillancourt contre ses 33 coaccusés. Le procès de ces derniers devrait s’ouvrir en septembre 2017. Des requêtes seront présentées le 12 décembre prochain.

À la toute fin de l’audience, le juge Brunton a demandé à Gilles Vaillancourt s’il avait une déclaration à faire à la Cour. Le coupable a alors été amené à la barre où il a lu un court texte.

« Je regrette très sincèrement la peine que j’ai imposée à ma famille, mes amis et, surtout, aux citoyens de Laval. Je ressens une grande douleur et je sais que cette douleur-là va peut-être m’accompagner jusqu’à la fin de ma vie. »

— Gilles Vaillancourt, s’adressant à la Cour

Ce dernier a tenu à souligner avoir « accompli de grandes choses à Laval » tout en disant que ce qu’il avait fait était « inacceptable ».

C’est en 2010 qu’a démarré l’enquête Honorer. Deux ans plus tard, sous la pression des perquisitions de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), M. Vaillancourt quittait la mairie de Laval. Le 9 mai 2013, il était arrêté avec 36 autres personnes, dont l’ancien directeur général de la Laval, Claude Asselin et l’ancien directeur du service d’ingénierie, Claude Deguise, des ingénieurs, des avocats, un notaire et des entrepreneurs. Depuis, trois coaccusés sont morts.

Laval

Une première nuit en prison

Pour sa première nuit derrière les barreaux, Gilles Vaillancourt a dormi à la prison de Saint-Jerôme, où l’ancien maire de Laval a été transporté après son audience, hier. Il a été envoyé dans le secteur BE, où il y a deux places et où il est accompagné d’un détenu ayant un problème de santé mentale, nous ont confié des sources. Selon celles-ci, Gilles Vaillancourt aurait fait le ménage de sa cellule après son arrivée, car il trouvait l’endroit très sale. Gilles Vaillancourt connaîtra sa peine le 15 décembre seulement. C’est la raison pour laquelle il a été envoyé dans une prison provinciale, et non un pénitencier, pour le moment. Une fois sa peine prononcée, Gilles Vaillancourt pourrait passer encore quelques jours dans une prison provinciale avant d’être envoyé dans un établissement fédéral, le Centre régional de réception à Sainte-Anne-des-Plaines. Il passera de deux à trois mois dans cet établissement, où on évaluera sa cote de sécurité et déterminera les programmes qui lui seront offerts, le cas échéant. « Je ne crois pas qu’il pose un problème de sécurité et sa sentence n’est pas très longue, il devrait aller dans un établissement à sécurité minimale ou moyenne », nous a confié une source.

— Daniel Renaud, La Presse

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