La Presse à Toronto

Les grands changements

La dernière tentative de rajeunissement de la marque Sears, en 2012, n’avait pas été un succès ; les changements étaient trop mineurs pour convaincre de nouveaux clients de franchir les portes. Cette fois, les vieux tapis ont été arrachés, tous les murs ont été abattus, le rayon des cosmétiques est méconnaissable et un café sympa propose des pâtisseries cuisinées localement. Cela peut-il sauver Sears ? Visite.

À l’extérieur, les clients sont accueillis par de grosses affiches WTS, pour What the Sears, en référence à WTF, une expression assez vulgaire pour les anglophones. Et à l’intérieur, on entend la chanson Human Nature, de Madonna.

« Quand on parle de réinvention, ce n’est pas juste un mot, martèle le porte-parole Vincent Power, qui travaille pour Sears depuis 42 ans. C’est vraiment cela. » Si tout se passe comme prévu, le concept sera amené dans la région de Montréal en 2018.

Entrée dégagée

Règle générale, peu importe où on se trouve sur la planète, il y a des cosmétiques dans l’entrée des grands magasins. Sears n’a jamais fait exception… sauf dans son concept 2.0. L’entrée est désormais dégagée de tout présentoir Estée Lauder, Clinique ou Lancôme. « Il y a avait toujours des enseignes promotionnelles qui descendaient du plafond et on ne voyait pas le magasin », rappelle M. Power. Le jour de notre passage, l’entrée était utilisée pour mettre en valeur une collection de vêtements et d’accessoires à l’effigie du 150e anniversaire du Canada. « C’est une zone de décompression. La cliente entre, elle regarde, prend son souffle et décide où aller. »

Murs abattus

Tous les murs ont été abattus. Il ne reste que des colonnes pour soutenir le toit. Pour créer des espaces et des frontières entre les rayons, des présentoirs sur roulettes sont utilisés. Cela donne beaucoup de flexibilité. Par exemple, l’espace consacré aux vêtements pour enfants sera agrandi lors de la rentrée scolaire, puis reviendra à la normale à mesure que les stocks diminueront. Cela permet aussi de créer un espace pour les articles saisonniers, lorsque nécessaire. Les caisses enregistreuses dispersées ça et là ont aussi pris le chemin du dépotoir (façon de parler). On n’en trouve plus qu’au centre, ce qui libère de l’espace.

Tapis arrachés

Lors de la dernière mise à jour de son concept, Sears avait conservé ses vieux tapis pas toujours nickel. Un détail qui sautait tout de suite aux yeux. Cette fois, le tapis a été arraché et tout le magasin est sur le béton. Il n’est certes pas impeccable, mais ce matériau qu’on voit abondamment dans les lofts des quartiers à la mode donne assurément un look plus jeune à l’espace. « Ça fait New York ! », juge Vincent Power. Aussi, ce nouveau plancher uni ne crée pas de frontières comme le faisait le tapis avec ses lignes.

Marques privées : de 62 à 1

En mode, Sears mise sur trois créneaux : la mode junior, The Cut et sa nouvelle marque privée, tout simplement baptisée Sears. Jusqu’en 2016, il y avait pas moins de 62 marques privées dans le rayon des vêtements, dont Jessica, Nevada, Retreat et Boulevard Club. Désormais, tout est vendu sous la marque Sears, à l’exception des électroménagers Kenmore. « Avant, l’acheteur de jeans pour hommes ne parlait pas à celui des jeans pour femmes. Donc, le rapport qualité/prix n’était pas toujours constant d’une marque à l’autre », confie Vincent Power. Aujourd’hui, tout le monde travaille pour la même marque et les produits doivent respecter la même liste d’une douzaine de critères pour porter le nom Sears.

Cosmétiques et chaussures en libre service

Fini le temps où il fallait attendre qu’un employé aille derrière des portes closes nous chercher notre pointure de souliers. Dans le Sears 2.0, toutes les boîtes sont accessibles aux clients, qui doivent eux-mêmes se servir (comme chez Yellow). Le même concept de libre-service a été repris dans le rayon des cosmétiques ; les comptoirs n’encerclent plus les employés. Modernes et judicieusement éclairés, les présentoirs permettent aux clients de tester les produits et de prendre ceux qu’ils désirent acheter. Des employés s’assurent de limiter les vols à l’étalage.

The Cut, un petit Winners

« C’est le concept Winners », lance sans gêne Vincent Power. Vêtements, chaussures, bijoux, sacs à main, articles pour la maison et même aliments y sont vendus au rabais, en plein centre du magasin. Près de 20 % de l’espace est consacré à ce créneau. Il s’agit du seul élément testé dans le nouveau concept qui ait été adopté par tous les Sears au pays. Une équipe de 10 acheteurs travaille à New York pour trouver de la marchandise pour The Cut. De plus, pour rajeunir sa clientèle, des marques de vêtements « juniors » comme One Fashion by Vero Moda et Jacqueline De Young sont mises en évidence près de l’entrée principale. Les prix et les styles rappellent clairement H & M.

Casser la croûte de nouveau

À une certaine époque, les restaurants Sears étaient bondés de clients qui aimaient bien le confort de ses banquettes et le réconfort de ses repas après avoir feuilleté l’épais catalogue. Les temps ont bien changé, Sears a fermé tous ses restos, mais revient avec un café qui propose en outre du thé et des pâtisseries cuisinées localement. « Ça donne une raison de plus de venir en magasin. Ce n’est pas vraiment pour faire des profits. » L’espace est lumineux, les meubles invitent à la détente et on peut y recharger son téléphone.

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