Dépression

Et si on encadrait mieux le retour au travail ?

Lorsque le professeur Marc Corbière s’est interrogé sur les impacts de la dépression en milieu de travail, il croyait que la question avait déjà été retournée, encore et encore. Il a toutefois constaté que la question soulève toujours un vif intérêt.

Le chercheur senior et une équipe du département d’éducation et pédagogie de l’UQAM ont publié les résultats d’une étude sur le sujet dans le journal Disability and Rehabilitation. Au cœur de leurs recherches : le parcours de 22 personnes dont la dépression a été liée en partie ou totalement au milieu de travail.

Constat récurrent : les gestionnaires et les syndicats sont souvent tout aussi démunis que les employés devant la maladie mentale.

Pourquoi vous intéresser à la dépression liée au milieu de travail, en particulier ?

L’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économiques) mentionne qu’entre 30 et 50 % des maladies de longue durée chez les personnes d’âge actif sont imputables à un trouble mental. Déjà, c’est un problème humain et financier important. Et pourquoi la dépression en particulier ? Parce que c’est la maladie mentale la plus prévalente.

Parler de dépression en milieu de travail, c’est encore tabou ?

Ce que l’on voit, c’est que de plus en plus de gestionnaires sont de plus en plus sensibles à la question de la santé mentale, et tout particulièrement la dépression. C’est une situation qui est d’ailleurs assez courante. La population en général juge moins ceux qui en souffrent, mais il y a quand même une peur très fréquente de perdre son emploi, ou de ne pas obtenir de promotion parce qu’on a mentionné qu’on éprouvait des problèmes de santé mentale.

C’est évidemment un élément qui est très délicat. Quand on divulgue son trouble mental, il y a des conséquences positives et négatives. Évidemment, en abordant la question avec son supérieur, on peut obtenir des aménagements sur le plan du travail. Par contre, il y a effectivement encore des risques d’être victime de préjugés. Je dirais qu’il est préférable souvent de parler de ses limites plutôt que du diagnostic de maladie mentale en tant que tel.

Les origines de la dépression sont aussi parfois difficiles à cerner…

Les facteurs sont nombreux : la surcharge de travail, les mauvaises relations avec un collègue ou un supérieur, les problèmes d’organisation, un surinvestissement de l’employé, des raisons personnelles… […] La littérature scientifique nous apprend aussi que si une personne fait une dépression, elle augmente ses risques d’en faire une seconde de 50 %. Ce qui nous intéresse, c’est le maintien à l’emploi, c’est-à-dire nous assurer que ces personnes vont rester au travail à long terme après leur retour. Si on prévient les rechutes, on fait aussi de la prévention.

Quels sont les éléments les plus importants pour un retour au travail réussi ?

Au départ, le travailleur doit avoir une bonne communication avec son supérieur immédiat. C’est essentiel pour qu’il soit en mesure de parler de sa situation avec ce gestionnaire. Idéalement, il pourrait même en avoir parlé avant de s’absenter, mais comme on le disait, ces travailleurs craignent d’être stigmatisés, d’être jugés, ou de perdre leur poste.

Le retour au travail se planifie, donc. L’employeur doit alors mettre en place des aménagements pour faciliter ce retour. Ce que l’on voit, souvent, c’est que l’employeur accepte le retour au travail progressif prescrit par le médecin, mais demande souvent de faire le même volume de travail, en moins de temps. Il n’y a pas d’ajustement de la tâche.

Souvent, l’employé va vouloir recevoir des commentaires constructifs de son supérieur immédiat. Certains vont dire que ce n’est pas un aménagement de travail, que tout le monde devrait avoir droit à des commentaires constructifs, mais c’est particulièrement important pour ceux qui reviennent après six mois, un an… Ils en ont vraiment besoin.

L’attitude des collègues est importante, aussi ?

Tout à fait. Le soutien des collègues est primordial, mais parfois, ce n’est pas évident, car l’équipe a parfois dû accomplir le travail de la personne absente. On entend parfois des commentaires comme « hey, tu as pris des vacances et nous, on a fait ton travail à ta place »… Dans ce cas, le retour sera difficile, car l’accueil sera négatif.

Existe-t-il un guide de normes à suivre pour les employeurs lorsqu’un employé fait un retour au travail ?

C’est ce que l’on préconise ! Mais il n’y a pas de procédure systématique pour un retour au travail. Ça dépend des entreprises, de l’implication de certains acteurs. On a réalisé que le rôle des différents intervenants est flou. Ça dépend de la culture de l’entreprise, ça dépend du zèle des acteurs syndicaux, ça dépend de plusieurs éléments.

Si on a une procédure systématique, ça va rassurer les employés parce que tout le monde va passer par cette procédure systématique. Si on laisse un flou à ce sujet, on crée de l’anxiété chez les gens. Bien sûr, on peut ajuster les étapes en fonction de la personne qui revient au travail, mais on pourrait ainsi diminuer le stress des employés dans leur processus de retour au travail.

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