Médecine

Des questions et encore trop peu de réponses

À l’invitation de l’hôpital Sainte-Justine, Montréal accueillait plus tôt ce mois-ci des experts de l’autisme des quatre coins du monde, réunis en congrès pour faire le point sur la recherche. Constat : même si certaines réponses commencent à émerger, ce trouble continue de méduser les experts à plus d’un égard. 

L’autisme peut-il se guérir ?

Plusieurs symptômes s’atténuent avec le temps et jusqu’à 20 % des autistes finissent par ne plus présenter ceux qui ont fait en sorte qu’un diagnostic a été initialement posé. « Chez eux, l’autisme ne disparaît pas pour autant comme par magie », a souligné Marc Woodbury-Smith, professeur au département de psychiatrie et de neurosciences comportementales de l’Université McMasters.

À son avis, les médecins ont simplement plus de mal à identifier les difficultés fonctionnelles qui continuent d’alourdir le quotidien de bon nombre de leurs patients une fois qu’ils ont atteint l’âge adulte.

Pourquoi moins de filles sont-elles autistes ?

De façon générale, on estime qu’il y a quatre garçons autistes pour une fille autiste. Le Dr David Skuse, directeur du département des sciences neurologiques et comportementales du University College de Londres, avance, lui, que la vraie proportion est probablement de l’ordre de 2,5 pour 1. « Le problème vient de ce que l’autisme est plus difficile à diagnostiquer chez les filles, qui ont moins de comportements répétitifs que les garçons et dont les difficultés sont moins visibles que les leurs », indique-t-il.

À l’école, les filles qui souffrent d’autisme sans avoir encore reçu de diagnostic en ce sens ont souvent moins de mal à socialiser que les garçons. Par contre, indique le Dr Skuse, les parents indiquent qu’elles font beaucoup de crises à la maison.

« L’autisme, chez ces filles, se manifeste beaucoup par la dépression et par l’anxiété […]. Comme les outils de diagnostic ont été élaborés en fonction des manifestations de l’autisme chez le garçon, plusieurs filles passent sous le radar. »

— Le Dr David Skuse, directeur du département des sciences neurologiques et comportementales du University College de Londres

Une fois adultes, comment les autistes composent-ils avec leur état ?

Comme l’a indiqué le Dr Woodbury-Smith, ils demeurent plus touchés par la maladie mentale que le reste de la population. Selon la littérature scientifique, plus de 60 % d’entre eux devront composer toute leur vie avec l’anxiété et avec des épisodes dépressifs. Ils vivent le plus souvent beaucoup d’instabilité dans leurs relations amoureuses et selon une étude citée par le Dr Woodbury-Smith, à peine 5 % d’entre eux finissent par se marier. Très peu d’entre eux auront des problèmes avec la justice. « Leur tendance à suivre les règles de manière très rigide fait en sorte que ce sont des citoyens qui respectent très bien la loi en général. »

De la même façon, très peu d’entre eux fumeront ou auront des problèmes de dépendance, des habitudes qui sont toutes perçues comme étant « mauvaises » à leurs yeux.

Est-on près de trouver une cause de l’autisme ?

« Nous sommes encore à la recherche d’un modèle génétique qui identifierait l’autisme, mais nous en sommes encore loin », explique le Dr Stephan Sanders, professeur adjoint de psychiatrie à l’Université de Californie.

Quelque 1000 gènes semblent être en cause et ce sont aussi bien des variations génétiques spontanées qu’héritées des parents qui poseraient problème, selon toute vraisemblance.

D’autres études évoquent aussi des causes environnementales. Une étude scandinave a aussi récemment évoqué le syndrome des ovaires polykystiques comme l’une des pistes d’étude.

Saura-t-on un jour pendant la grossesse qu’on attend un enfant autiste ?

La difficulté de trouver la cause de l’autisme est telle qu’on est encore très loin de pouvoir le diagnostiquer pendant la grossesse, souligne le Dr Stephan Sanders.

« Et même si on le pouvait, que pourraient faire les parents avec l’indication qu’ils ont par exemple 10 % de risque d’avoir un enfant autiste ? En plus, cela ne leur dirait pas à quoi ressemblerait la vie de leur enfant. Serait-il en mesure d’aller à l’université ou pas, par exemple ? On ne pourrait pas le prédire. »

— Le Dr Stephan Sanders, professeur adjoint de psychiatrie à l’Université de Californie

Les médecins peuvent-ils bien conseiller un couple qui hésite à avoir un deuxième enfant après en avoir eu un premier qui était autiste ?

Comme la cause de l’autisme n’est pas encore cernée, le Dr Sanders croit que pour l’instant, il est impossible de donner un avis médical aux parents à ce sujet, ne serait-ce qu’avec un minimum de certitude. 

D’un point de vue pharmacologique, quels traitements sont actuellement étudiés ?

La mémantine, plus communément prescrite aux gens qui ont l’alzheimer, le riluzole, habituellement donné aux personnes souffrant de sclérose latérale amyotropique, et l’ocytocine, une hormone administrée pour entraîner physiologiquement les contractions du travail lors de l’accouchement, font l’objet d’études.

En évoquant ces diverses pistes, la Dre Evdokia Anagnostou, chercheuse et clinicienne à Toronto, n’a pas manqué de souligner à quel point ces traitements sont expérimentaux et qu’ils doivent faire encore l’objet de plusieurs études avant d’être plus largement prescrits, leurs effets secondaires pouvant être importants.

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