NUTRITION

Manger moins et bouger plus n’est pas la solution

C’est clair : si on mange trop de calories, on engraisse, dit Jean-Claude Moubarac, chercheur en nutrition publique à l’Université de São Paulo, au Brésil. « La véritable question, c’est : pourquoi consomme-t-on trop d’énergie ? », demande-t-il.

Réponse facile : parce que nous sommes des sédentaires ayant un accès constant à la bouffe. « Depuis des années, le message de la santé publique, c’est : si les gens prennent du poids, c’est parce qu’ils mangent trop et ne bougent pas assez », résume Michel Lucas, chercheur invité au département de nutrition de l’Université Harvard et épidémiologiste, nutritionniste et professeur adjoint à la Faculté de médecine de l’Université Laval. « La solution logique, c’est réduire sa consommation d’aliments et augmenter sa dépense énergétique pour maigrir. »

Le problème ? Ça peut marcher si on souffre d’un léger embonpoint, mais c’est peu efficace chez les obèses, qui sont rares à ne pas reprendre les kilos perdus. Pas par manque de volonté. « Manger plus et bouger moins, on se rend compte que ce n’est pas nécessairement la cause, mais plutôt des symptômes de l’obésité », avance M. Lucas.

TRANSFORMATIONS BIOLOGIQUES

Le vrai coupable serait la mauvaise qualité de notre alimentation, modifiée à outrance par l’industrie, qui nous transforme biologiquement. « Cette alimentation entraîne une hausse du taux d’insuline, qui fait en sorte que l’énergie consommée est stockée dans les tissus adipeux, donc moins disponible, résume le chercheur. Pire encore, on voit une diminution du glucagon, une hormone qui permet de relâcher l’énergie qui est en réserve. Les gens sont donc dans un état de carence physiologique : ils ont faim et sont fatigués, peu après avoir mangé. » Ils remangent alors, encore et encore.

« C’est un cercle vicieux, convient le Dr Martin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal. Chez les enfants obèses, il y a un effet probable de toutes sortes d’hormones libérées par la graisse viscérale, qui affectent le cerveau et rendent plus amorphe. Mais le surpoids a commencé à un moment donné… »

ÉVITER LES GLUCIDES RAPIDEMENT ABSORBABLES

La solution est simple : il faut beaucoup mieux s’alimenter. « L’important, ce n’est pas de manger 1800 ou 2000 calories par jour, soutient le Dr Juneau. C’est, premièrement, de manger des aliments de qualité. Et, deuxièmement, de limiter les quantités. »

Que faut-il sortir de son panier d’épicerie ? Pas tous les gras comme on l’a longtemps cru, mais plutôt les glucides rapidement absorbables, comme le sucre, les biscuits, les gâteaux, les pâtes, le riz et le pain blancs, selon une étude publiée dans Public Health Nutrition. Sans oublier les boissons gazeuses, riches en fructose. « Le fructose augmente le taux de ghréline, qui est l’hormone de la faim », explique le Dr Juneau.

Il ne faut pas s’attarder à l’index glycémique d’un seul aliment, mais à l’ensemble du repas, nuance M. Moubarac. « La pomme de terre a un index glycémique assez élevé, illustre-t-il. Mais si on la mange dans une soupe aux légumes, l’index glycémique du repas ne sera pas aussi élevé que si on la mange toute seule, en purée. »

CUISINER TOUT SOI-MÊME

Il vaut mieux éviter tous les produits ultra transformés « parce que leur teneur en sucre, en gras et en sel joue sur les hormones qui régulent l’appétit, plaide M. Moubarac. Plus on les consomme, plus la qualité de notre alimentation diminue et plus le risque d’obésité augmente ».

Il faut évidemment fuir les croustilles et les céréales sucrées, mais aussi les boissons gazeuses diètes, les sauces en conserve, les yogourts contenant des substances laitières modifiées, etc. Ce ne sera pas du gâteau. Au Canada, à peine 25,6 % des calories provenaient d’aliments non ou peu transformés en 2011, selon une étude publiée par M. Moubarac dans la Revue canadienne de la pratique et de la recherche en diététique.

« Je recommande aux gens de cuisiner le plus possible à la maison ou de manger dans des endroits où on cuisine comme à la maison, dit M. Moubarac. C’est sûr que c’est un défi. Mais il y a des gens qui y arrivent, parce qu’ils mettent ça comme priorité dans leur vie, en considérant que c’est important pour leur santé. »

Pour lire un résumé de Increasing Adiposity, Consequence or Cause of Overeating? (en anglais), publié en mai 2014 dans JAMA

Pour lire un résumé de How calorie-focused thinking about obesity and related diseases may mislead and harm public health. An alternative (en anglais), paru en novembre dans Public Health Nutrition

Pour lire Treating obesity seriously : when recommendations for lifestyle change confront biological adaptations (en anglais), paru en février dans The Lancet

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