POLITIQUE QUÉBEC SOLIDAIRE

Le Conseil national de Québec solidaire se déroule en fin de semaine à Montréal. Tour d’horizon des débats.

laïcité

Des divisions autour du port de signes religieux

Des lignes de fracture sont apparues au grand jour dans les rangs de Québec solidaire (QS), hier, alors que le parti s’apprête à redéfinir sa position sur la laïcité.

Des membres de partout au Québec sont réunis à Montréal depuis vendredi à l’occasion du Conseil national de la formation, le premier depuis les élections du 1er octobre. Le rassemblement vise à faire le point sur la campagne historique qui a mené à l’élection de 10 députés solidaires.

Mais en parallèle, les délégués entament une réflexion sur l’enjeu explosif de la laïcité. En mars, ils seront appelés à redéfinir la position du parti sur l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique. Et déjà, les clivages étaient apparents hier.

« Ça peut être très déchirant », a convenu Lise Boivin, coordinatrice du Collectif pour la laïcité de Québec solidaire.

Ce groupe milite pour une interdiction complète des signes religieux dans l’ensemble de la fonction publique, une position plus ferme encore que celle de la Coalition avenir Québec. Mme Boivin fait valoir que les employés de l’État ne peuvent afficher leur appartenance à un parti politique. Selon elle, il devrait en être de même pour la religion.

« La religion, c’est une idéologie aussi. On est libre d’adopter celle qu’on veut. Mais quand on est au service des citoyens, on ne devrait pas afficher notre appartenance religieuse. »

— Lise Boivin, coordinatrice du Collectif pour la laïcité de Québec solidaire

À l’autre bout du débat, on trouve l’ancienne candidate dans Mont-Royal–Outremont, Ève Torres. Cette musulmane féministe porte le voile. Elle souhaite que l’aile parlementaire du parti cesse de défendre le compromis Bouchard-Taylor, qui propose l’interdiction des signes religieux aux fonctionnaires en position de coercition comme les policiers, les juges et les gardiens de prison.

« Ce n’est pas ma position personnelle, a affirmé Mme Torres. Pour moi, il est évident, en tant que féministe, que personne très engagée pour la justice sociale, pour moi il n’y a pas de compromis possible parce que j’ai bien conscience de l’impact que ça a. »

Les tenants des deux positions ont disposé des tables dans le collège de Maisonneuve, où se tient le Conseil national. Ils distribuent des tracts aux membres, qui recevront demain un document de réflexion sur le sujet.

ÉCHANGE ET DISCUSSION

La co-porte-parole de QS Manon Massé ne craint pas que la laïcité sème la discorde au sein de ses troupes.

« Ce que ça démontre, c’est que QS n’est pas le parti dogmatique qu’on tend à vouloir dépeindre. Il y a de la vie, il y a de l’échange, il y a de la discussion. Ce n’est pas tout le monde qui pense pareil et c’est ce qu’on veut permettre avec le cahier de réflexion. »

— Manon Massé, chef parlementaire de Québec solidaire

Les députés interrogés hier matin n’ont pas manifesté le désir de changer leur position sur le compromis Bouchard-Taylor.

« Moi, je suis à l’aise de défendre cette position en ce moment, a résumé la députée de Sherbrooke, Christine Labrie. Mais je trouve qu’effectivement, ça vaut la peine de se poser la question à savoir si c’est encore la meilleure position. »

« Ma position, c’est le compromis Bouchard-Taylor, a renchéri le député de Jean-Lesage, Sol Zanetti. C’est ça qu’on défend. Il est possible que ce soit maintenu, il est possible qu’on diffère. »

« Sensible »

Émilise Lessard-Therrien, qui représente Rouyn-Noranda–Témiscamingue, s’est dite à l’aise avec la position actuelle du parti. Elle s’attend cependant à un débat vigoureux dans les rangs solidaires au cours des prochains mois.

« Possiblement que ça va être quelque chose de sensible, a-t-elle reconnu. Mais en même temps, on peut juste l’appréhender. On ne l’a pas vécu encore et ça va se passer au cours des prochains mois. »

POLITIQUE CONGRÈS DE QUÉBEC SOLIDAIRE

Un ex-candidat solidaire critique la tenue vestimentaire des députés

Québec solidaire a fait de la « provocation » en permettant à ses députés de se présenter à l’Assemblée nationale en jeans, en souliers de course et en chandail à manches courtes, a dénoncé un ex-candidat, hier. Il tient les leaders du parti responsables de ce « dérapage ».

Dans une intervention percutante au Conseil national du parti à Montréal, l’ex-candidat dans Lafontaine, David Touchette, a reproché à la direction de QS d’avoir cautionné la tenue vestimentaire des députés Catherine Dorion et Sol Zanetti.

« S’habiller propre, chic, c’est une question de fierté, a dénoncé M. Touchette, qui œuvre dans l’industrie de la mode. Alors si, par le nivellement par le bas, on pense s’adresser à la population de cette façon, je me questionne et j’ai besoin de réponses. »

Les deux élus de la région de Québec ont défrayé la chronique au cours des derniers jours parce qu’ils se sont présentés au Salon bleu dans une tenue décontractée. Ils n’ont enfreint aucune règle de l’Assemblée nationale, mais l’épisode a monopolisé une grande partie de la couverture médiatique des derniers jours.

Lors de son bilan de fin de session, vendredi, la chef parlementaire Manon Massé a convenu qu’elle aurait préféré débattre d’environnement plutôt que de la tenue vestimentaire de ses députés.

Or, a fait valoir M. Touchette, le parti est responsable de la situation. C’est lui qui a autorisé Mme Dorion et M. Zanetti à poser pour un quotidien, et dont les membres ont diffusé des articles sur le sujet dans les réseaux sociaux.

« À deux reprises, des députés se sont présentés avec des vêtements qui ont fait réagir les médias. Pendant deux jours, on a parlé de Québec solidaire à cause des vêtements et les gens ont dit que c’est les médias qui en avaient parlé. Je m’excuse, mais il y a eu une provocation. »

— David Touchette, ex-candidat de Québec solidaire dans Lafontaine

Mme Massé a de nouveau défendu l’habillement unique de ses troupes en point de presse hier.

« On n’a pas rappelé à l’ordre personne, que ce soit Émilise [Lessard-Therrien] avec ses bottes, Sol [Zanetti] avec ses running shoes ou Catherine [Dorion] avec ses Dr. Martens, a dit Mme Massé. Ce qu’on souhaite, c’est du respect, et en ce sens-là, nos députés n’ont dépassé aucune ligne. »

Selon elle, l’Assemblée nationale doit entamer une réflexion sur le code vestimentaire des élus. Celui-ci prévoit que les députés doivent maintenir le décorum et porter une tenue de ville.

« Personne n’a volontairement violé un code, a renchéri le député de Rosemont, Vincent Marissal. On respecte l’institution. On n’est pas des kamikazes vestimentaires. »

Pas de virage au centre

Québec solidaire n’a pas l’intention d’effectuer un virage au centre pour augmenter ses chances de prendre le pouvoir, ont affirmé ses leaders, hier. Dans le passé, certains partis progressistes ont délaissé les propositions les plus radicales de leur programme afin de plaire à un plus grand nombre d’électeurs. Ç’a été le cas du Parti travailliste au Royaume-Uni, qui a pris le pouvoir sous Tony Blair dans les années 90. Québec solidaire n’a aucune intention de suivre cette voie. « De penser que la prise du pouvoir pour un parti passe nécessairement par un recentrage, c’est une vieille manière de comprendre la politique, a affirmé son co-porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois. Ce à quoi on assiste à travers le monde, c’est l’émergence de mouvements politiques qui prennent ou s’approchent du pouvoir parce qu’ils ont un agenda de changement assumé. »

— Martin Croteau, La Presse

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