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Quand le Barça se mêle de politique

C’est l’un des clubs les plus populaires sur terre. Mais le FC Barcelone est avant tout catalan.

On en a eu la preuve ces dernières semaines, alors que le débat fait rage en Espagne quant à l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Le gouvernement conservateur en place à Madrid refuse catégoriquement de reconnaître un scrutin. La coalition indépendantiste au pouvoir en Catalogne entend tenir le référendum le 1er octobre, envers et contre tous. 

Début mai, le Barça a pris position : dans un communiqué, il a dit soutenir la démarche référendaire. Puis, dimanche dernier, l’ancien entraîneur du Barça Pep Guardiola a prononcé un vibrant discours pour l’indépendance devant une foule de 40 000 personnes à Barcelone. 

À l’heure où le sport est avant tout marketing, comment expliquer qu’une équipe accepte de se mouiller dans la joute politique ? La Presse s’est entretenue avec l’historien Ángel Iturriaga Barco, qui a rédigé une thèse de doctorat sur l’histoire politique du Barça et qui a publié plusieurs livres sur l’équipe.

À quel point est-ce que le FC Barcelone soutient le mouvement d’indépendance en Catalogne ?

Pour l’instant, voilà ce qu’on peut dire : le Barça soutient la tenue d’un référendum pour savoir si la Catalogne deviendra une république indépendante. Le club a rejoint ce qu’on appelle ici le Pacte Nacional pel Referèndum. Donc, c’est une prise de position. Par contre, le club a été l’une des dernières institutions en Catalogne à rejoindre le Pacte. Le leadership de Josep Maria Bartomeu [président du club] est très prudent quant à la politique ; ça n’a rien à voir avec ce qu’on a connu sous Joan Laporta, président de 2003 à 2010, qui était ouvertement catalaniste.

Certaines équipes, comme le Canadien de Montréal, sont très liées historiquement à des identités nationales. Mais il semble que le Barça le soit encore plus et ose se mêler de politique.

Le Barça a toujours été lié au catalanisme. Son fondateur, Joan Gamper, était catalaniste, bien que d’origine suisse. Quand son club a été en difficulté financière, proche de la faillite, ce sont des membres d’un parti politique catalaniste, la Lliga Regionalista, qui sont venus à son secours. En 1918, le catalan a été désigné langue officielle du club. Depuis 1919, chaque année le 11 septembre, le Barça a une délégation à la Fête nationale de la Catalogne. En 1925, le Barça a été suspendu six mois parce que la foule avait hué l’hymne national espagnol [sous la dictature de Primo de Rivera, qui avait notamment interdit la langue catalan]. Et après, sous le règne de Francisco Franco, c’est le pouvoir qui pendant plusieurs années choisissait le président du Barça pour éviter le catalanisme. Après la dictature, l’âme catalane est revenue au Barça. Tout cela est très important pour comprendre les racines catalanes de l’équipe.

Alors que les équipes essaient de se mondialiser, est-ce que ces prises de position pourraient aliéner certains amateurs ?

Bien sûr que ça pourrait éloigner certains partisans, surtout ceux qui le sont devenus à cause de joueurs comme Ronaldhino ou Messi sans connaître l’histoire du club. Le Barça est un club mondial et a des millions de fans aux quatre coins du monde. La plupart de ces gens ne connaissent pas l’histoire politique de cette équipe. Mais je crois que le Barça ne peut oublier ses racines catalanes. Sous Laporta, l’association avec l’UNICEF était très habile. C’était une manière de concilier des valeurs mondiales et locales. Mais aujourd’hui, sous Bartomeu, l’association avec le Qatar n’est pas la meilleure manière de véhiculer les valeurs du club. C’est un équilibre difficile à atteindre dans le sport moderne.

Extrait du discours de Pep Guardiola

L’entraîneur du FC Barcelone de 2008 à 2012 a livré un discours, dimanche, lors d’une manifestation pour l’indépendance catalane.

« Nous, Catalans, allons voter le 1er octobre pour décider de notre avenir. Nous allons voter même si l’État espagnol ne le veut pas. Nous avons essayé 18 fois de parvenir à un accord sur un référendum et la réponse a toujours été non. Nous n’avons d’autre option que de voter. Aujourd’hui, nous, Catalans, sommes victimes d’un État qui persécute politiquement, qui n’est pas digne d’être une démocratie du XXIe siècle […]. Nous appelons la communauté internationale à nous soutenir et les démocrates du monde entier à nous aider à nous battre pour les droits qui sont menacés en Catalogne, comme la liberté d’expression et le droit de vote. »

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