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Édition du 17 mars 2019,
section ACTUALITÉS, écran 8
WASHINGTON — Un demi-siècle après Apollo 11, l’homme est sur le point de retourner sur la Lune. D’ici 10 ans, une station spatiale habitable devrait être en orbite autour de la Lune. Ce projet annoncé en 2017 a fait saliver les spécialistes des vols spatiaux habités à la dernière réunion annuelle de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), à la mi-février à Washington.
Un camp de base
La station lunaire Gateway, formellement annoncée en 2017 et financée – à hauteur de 500 millions US – depuis l’an dernier par la NASA, devrait être rapidement construite. « On parle de seulement trois ou quatre modules », a expliqué Craig Kundrot, directeur de la recherche sur la vie dans l’espace à la NASA, lors d’une conférence de presse à la réunion de l’AAAS. « Ils ne seront au départ habités qu’un mois par année. Le programme Apollo n’a pas permis d’étudier les effets des radiations solaires pendant plus de quelques jours. Si on veut aller vers Mars, ce qui est l’objectif d’une base orbitale lunaire, ou sur la Lune elle-même, il va falloir y aller graduellement. On veut aussi tester le concept de l’exploration de notre Système solaire [Deep Space], qui prévoit que les vaisseaux au long cours seront assemblés à Gateway ou son successeur, en orbite lunaire. Le type de vaisseau, sur le plan de la structure et de la propulsion, est très différent selon qu’on veut quitter la gravité terrestre ou voyager entre les planètes. » À titre de comparaison, la Station spatiale internationale, qui est trois fois plus grande, a coûté 150 milliards US à construire.
Santé
Pour le moment, les conséquences de l’apesanteur sur le corps humain semblent réversibles, selon Christopher Mason, de l’Université Cornell, qui a supervisé l’expérience comparant les jumeaux Mark et Scott Kelly – ce dernier a passé un an dans la Station spatiale internationale (SSI). « On a vu des impacts génétiques, mais pour le moment, rien d’inquiétant », a expliqué M. Mason lors de la même conférence de presse. Mais la SSI est protégée des particules radioactives du Soleil par le champ magnétique terrestre. « Les astronautes du programme Apollo n’ont pas non plus eu de problèmes, mais on parle de quelques jours seulement. Alors il sera important de voir ce qui se passe sur la station Gateway. Une mission vers Mars durerait trois ans. » Pour détecter les problèmes le plus rapidement possible, la NASA a donné le mandat à un biologiste français, Sylvain Costes, de mettre au point une base de données, GeneLab, couvrant les centaines d’expériences avec des êtres vivants menées dans la SSI et la navette spatiale. « Avec GeneLab, on va pouvoir maximiser notre compréhension des impacts génétiques associés aux symptômes qu’on observe chez les astronautes. »
Astéroïdes
Plusieurs petits astéroïdes de moins d’un mètre passeront près de la station Gateway. À une conférence à Houston l’an dernier, des ingénieurs de la NASA ont proposé d’utiliser une sonde pour ces petits astéroïdes comme une répétition générale pour une mission plus ambitieuse de capture d’astéroïdes dans le but d’en exploiter le potentiel minier. Ces « mini-Lunes » sont partiellement captées par la gravité terrestre, et elles sont généralement détectées avec peu de préavis, ce qui donne un grand avantage à une sonde stationnée sur une station lunaire.
La Chine
Dans le film The Martian, la Chine aidait la NASA à secourir un astronaute – incarné par Matt Damon – coincé sur Mars. Mais dans la vraie vie, la Chine et les États-Unis semblent rejouer la course à la Lune NASA-URSS des années 60. La Chine n’est en effet pas partenaire de la station Gateway et a son propre programme lunaire. L’empire du Milieu a envoyé une première sonde en orbite lunaire en 2007 et a réussi, en 2013, à y faire atterrir un rover qui a arpenté notre satellite jusqu’en 2015. En janvier dernier, la sonde chinoise Chang’e-4 a été la première à atterrir sur la face cachée de la Lune. Le programme Chang’e – le nom de la déesse de la Lune – prévoit une sonde qui ramènera 2 kg de sol lunaire au début de 2020 et, en 2027, la construction d’un prototype de base à partir des minerais lunaires.
Cubesats
L’une des fonctions importantes de la station Gateway sera de chorégraphier le ballet des Cubesats, des satellites de 10 cm de côté qui exploreront la surface lunaire et permettront de multiplier les expériences sur des organismes vivants dans l’espace à l’extérieur de la coquille protectrice du champ magnétique terrestre. Les Cubesats pourraient aussi servir à explorer à distance les astéroïdes qui passent près de la Terre.
En chiffres
Station lunaire Gateway
Équipage maximal
4
Volume pressurisé
125 m3
Longueur
35 m
Station spatiale internationale
Équipage maximal
6
Volume pressurisé
930 m3
Longueur
109 m
Nombre de jours que mettra Gateway à faire le tour de la Lune
6
Sources : NASA, ESA
Les stations au fil des ans
1971
Première des sept stations spatiales soviétiques Salyut
1973
La station spatiale américaine Skylab est habitée pendant six mois, puis inhabitée jusqu’à sa destruction dans l’atmosphère en 1979
1986
Début de la construction de la station soviétique Mir
1998
Début de la construction de la Station spatiale internationale (SSI)
2000
Premier équipage dans la SSI
2001
Fin de la vie utile de Mir, destruction dans l’atmosphère
2008
Fin de la construction de la SSI
2022
Début de la construction de Gateway
2024
Fin prévue de la vie utile de la SSI
2026
Premier équipage sur Gateway
2027
Arrimage du vaisseau Deep Space Transport (DST) à Gateway
2033
Premier vol aller-retour inhabité de DST vers Mars
Sources : NASA, Space.com
Envisagé pour la première fois en 2012, le Canadarm 3 aura un budget de 2,05 milliards sur 24 ans. Le premier bras canadien a coûté 100 millions en développement entre 1974 et 1981.
Un deuxième bras de 1,9 m s’attachera au Canadarm 3 et pourra entrer dans la station Gateway pour des manipulations quand il n’y aura pas d’équipage. Il s’appuiera sur des poignées adaptées.
Le Canadarm 3 pourra aussi capter des satellites. Depuis quelques années, des tests de réparation de satellites, notamment pour l’armée américaine, sont en cours par le fabricant des bras canadiens, MDA.
« On a appris avec Dextre, le manipulateur de la Station spatiale, qu’avec un petit bras et un grand bras, on peut faire la majorité des manipulations », dit Gilles Leclerc, directeur général de l’exploration spatiale à l’Agence spatiale canadienne.
15 m
Longueur du premier bras canadien
17 m
Longueur du bras canadien de la Station spatiale internationale
8,5 m
Longueur du bras canadien de la station lunaire Gateway
Source : ASC
Vaut-il la peine d’essayer de coloniser la Lune même si le coût est très élevé ?
La NASA (en 2014) et l’Agence spatiale européenne (en 2015) ont tenu des conférences sur les plans, coûts et avantages d’une colonisation de la Lune. Grosso modo, le principal objectif, outre de meilleures connaissances sur la Lune elle-même, est d’établir un modèle de colonie pour Mars. Une base lunaire pourrait être capable de fabriquer elle-même son oxygène et d’obtenir son eau. Objectif plus ambitieux : une base lunaire pourrait extraire des minéraux susceptibles de servir à la fabrication de certains composants des fusées nécessaires pour aller sur Mars et en revenir, ou alors de carburant. Un « ascenseur spatial » qui permettrait d’acheminer ces minerais à la station orbitale lunaire Gateway a même été proposé. Enfin, certains astrophysiciens ont souligné que la Lune abrite des veines de minerais rares, utilisés dans l’électronique de pointe, à des concentrations plus élevées que sur Terre. — Mathieu Perreault, La Presse
Dans le cadre d’un projet spécial, des écoles de la région montréalaise ont soumis des questions scientifiques à notre journaliste, qui y répondra d’ici à la fin de l’année scolaire. Si votre école désire participer au projet l’automne prochain, où que vous soyez au Québec, écrivez-nous !