Des œuvres inédites de J.D. Salinger

L’un des plus grands mystères du monde littéraire sera enfin dénoué : le fils de J.D. Salinger annonce la sortie à venir d’une œuvre inédite de son père, aujourd’hui décédé. Dans des commentaires publiés vendredi dans The Guardian, Matt Salinger a confirmé des informations voulant que l’auteur de The Catcher in the Rye (L’attrape-cœurs) aurait continué à écrire pendant des décennies, et ce, bien qu’il eût cessé de publier des livres. Matt Salinger dit travailler « aussi vite que possible », en collaboration avec la femme de son père, Colleen, afin de préparer le matériel à publier. J.D. Salinger, disparu en 2010, n’avait rien publié de son œuvre depuis le milieu des années 60. — Associated Press

Littératures du Nord 

Quand l’art sublime le quotidien

La Peuplade nous avait déjà fait découvrir, il y a deux ans, trois titres originaires de contrées nordiques jusqu’alors inconnus des lecteurs francophones. Voilà que l’éditeur de Chicoutimi garnit maintenant sa collection Fictions du Nord avec deux nouveaux livres attachants, poétiques, publiés presque simultanément : Fair-play de Tove Jansson et Au bord de la Sandá, deuxième roman de Gyrðir Elíasson traduit par la maison d’édition.

Le premier est finlandais, l’autre islandais ; tous deux sont d’intenses réflexions sur la vie d’artiste, la création et la solitude.

Dans Fair-play, l’auteure et peintre finlandaise suédophone Tove Jansson (célèbre pour avoir créé les personnages pour enfants Moomins) capture le quotidien de deux femmes dans la force de l’âge qui ont consacré leur vie à l’art et passent des journées paisibles dans une île au large du port de Helsinki.

Jonna et Mari discutent allègrement, se disputent, partagent des soirées cinéma dans leur salon et s’isolent chacune dans son atelier pour peindre, écrire, bricoler, et finissent toujours par se retrouver lorsqu’elles éprouvent le besoin de s’extraire de leur bulle. Elles vivent en symbiose sans se risquer, cependant, à admettre qu’elles dépendent l’une de l’autre pour briser la solitude qu’entraîne le processus créatif.

Conjuguant la solitude nécessaire à la création au besoin intrinsèque de l’être humain de vivre en compagnie, ces deux femmes incarnent l’artiste heureux à travers des bribes de vie décrites avec candeur – et une légèreté qui n’est pas sans rappeler celle de l’écrivaine islandaise Auður Ava Ólafsdóttir.

« Loup solitaire »

Aux antipodes de ces deux artistes enjouées se profile le peintre taciturne et tourmenté de Gyrðir Elíasson. Celui-ci a choisi un « exil autoproclamé » aux abords de la Sandá, une rivière cernée par la forêt où il a installé ses deux caravanes – l’une d’elles lui sert d’atelier. C’est là qu’il s’évertue à peindre la nature qui l’apaise et le console.

En panne d’inspiration, miné par cet isolement qu’il s’est imposé parce qu’il a échoué à vivre en société, il considère son existence avec mélancolie, « loup solitaire qui rôde dans le sombre enchevêtrement de [sa] vie ». Pour lui, l’art n’est pas la libération exultante qu’il procure aux deux protagonistes de Tove Jansson, mais une pulsion viscérale à laquelle il ne peut que céder, quitte à tout sacrifier.

Au-delà de leur proximité géographique et des paysages évocateurs qui se superposent à l’œuvre, ces deux romans se répondent, explorent le sens de la vie en société et la valeur de la quiétude, cette notion « composite » qui, selon Elíasson, peut être tout aussi redoutable qu’agréable. Deux livres qui représentent avec sensibilité deux facettes de l’artiste – l’ombre et la lumière –, deux parenthèses éthérées qui laissent derrière elles une douce sensation de laisser-aller.

Fair-play

Tove Jansson

La Peuplade

160 pages

Quatre étoiles

Extrait : 

« Les périodes où Jonna pouvait tranquillement se consacrer à ses gravures étaient toujours précédées par la réimpression d’anciennes œuvres, jusqu’alors négligées et délaissées en faveur de nouvelles idées. On sait que le temps de la création est un moment de grâce et qu’il peut être bref. Que soudain et sans signe préalable, les images peuvent disparaître ou se faire chasser par un intrus – quelqu’un ou quelque chose qui anéantit l’envie fragile de capter une perception, une prise de conscience. »

Au bord de la Sandá

Gyrðir Elíasson

La Peuplade

160 pages

(En librairie le 12 février)

Quatre étoiles

Extrait : 

« J’entends la rivière Sandá susurrer dans le voisinage, à deux pas des troncs serrés, et l’air est rempli du parfum des fleurs. Cela donne l’illusion d’être momentanément en voyage à l’étranger, et tous les livres d’enfant sur les forêts me reviennent en mémoire ; celles que je m’imaginais à leur lecture en me disant que de telles étendues boisées me rendraient automatiquement heureux. Mais cela n’a pas été le cas, même si j’ai, par la suite, connu bien des forêts. »

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