Analyse

Le Québec poursuit son p’tit train-train

En principe favorisé par la chute des prix de l’or noir, le Québec paraît encore incapable de se hisser au rang de moteur de la croissance canadienne.

En avril, l’économie n’a pu faire mieux que du surplace, après deux reculs de production d’affilée. En fait, l’acquis de croissance de 1,1 % après quatre mois, sur la période de janvier à avril 2015, est uniquement tributaire du bond exceptionnel du produit intérieur brut réel, observé en janvier.

D’un océan à l’autre, l’économie a retrouvé faiblement la voie de la croissance en avril après deux replis mensuels. Après quatre mois, l’acquis de croissance atteint 1,4 %.

Les données publiées hier par l’Institut de la statistique (ISQ) divergent à plus d’un titre de celles de Statistique Canada qui collige la production à l’échelle du pays.

Par exemple, les services ont annulé la croissance de 0,3 % observée dans la production de biens. Au Canada dans son ensemble, c’est l’inverse qui s’est produit, bien que la chute de 1,4 % des activités d’extraction minière et de production non conventionnelle de pétrole et de gaz n’ait pas entièrement annulé les gains dans le commerce de gros et de détail, le transport et l’entreposage ou les services immobiliers et financiers.

Chose certaine, le Québec tout comme le Canada se sont retrouvés pour pleurer l’absence de leurs sept équipes de la Ligue nationale de hockey dans les séries éliminatoires. Le segment des arts, spectacles et loisirs recule de 3,9 % dans les deux cas. La performance exceptionnelle des Raptors dans la NBA n’a pu endiguer la déprime.

La progression observée dans la production de biens au Québec a été possible en dépit du troisième repli d’affilée dans la fabrication dont 12 des 19 segments ont reculé.

Au Canada dans son ensemble, la fabrication a plutôt rebondi de 0,4 %, malgré les baisses notables observées dans la production de bois et de machines, deux segments de poids dans le tissu manufacturier québécois.

Les incendies de forêt qui ont compromis la moitié de la production de pétrole synthétique durant plusieurs jours dans la région de Fort McMurray, dans le nord de l’Alberta, ont sans doute fait reculer l’activité économique canadienne en mai. Le Québec a pu faire un peu mieux que la moyenne dans pareil contexte, d’autant que les données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada indiquent une solide augmentation de l’emploi au cours du mois.

Il n’y a pas encore de quoi se réjouir.

L’indice précurseur Desjardins a modestement augmenté en mai, après plusieurs mois de stagnation ou de légers reculs. Cela suggère une expansion limitée en fin de printemps et durant l’été.

L’Indice de momentum économique provincial développé par la Banque Nationale signalait encore en mai un repli de l’activité économique pour le deuxième trimestre, au Québec, tout comme en Ontario, en Alberta et en Saskatchewan. La faiblesse des ventes des manufacturiers et des grossistes sont grandement responsables de cette situation, insiste l’institution montréalaise.

Les données du commerce extérieur ne doivent pas faire illusion. S’il est vrai que le Québec a enregistré un deuxième surplus réel d’affilée en mai, il est attribuable à la baisse plus prononcée des importations que celle des importations.

Et qu’a-t-on surtout acheté en moins à l’étranger ? Du pétrole. Ce n’est pas dû à l’engouement souhaitable pour la voiture mue à l’électricité, mais plutôt à l’inversion du pipeline d’Enbridge qui relie Sarnia à Montréal. Les raffineries de Suncor à Montréal et de Valero à Lévis s’approvisionnent désormais davantage en bruts léger et lourd venus d’Alberta et de Saskatchewan plutôt que d’or noir en provenance de mer du Nord ou d’Algérie. La baisse des importations internationales signifie alors une augmentation des importations interprovinciales. Au bout du compte, cela modifie assez peu le bilan du commerce extérieur du Québec.

Bref, la croissance économique a toutes les chances de rester en deçà de la moyenne canadienne cette année encore.

Est-ce dû à son tissu industriel distinct, au sous-investissement récurrent des entreprises, au vieillissement plus marqué de sa population ou aux contrecoups du redressement des finances publiques ? Sans doute à un mélange de tout ça.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.