Sauce piquante

Des bayous à chez nous

Edmund McIlhenny était probablement loin de se douter qu’il était sur un coup aussi fumant en inventant la sauce Tabasco, il y a de cela 150 ans. Sa sauce piquante a eu, contre toute attente, un effet explosif sur la cuisine et a fait rapidement le tour du monde. Petite histoire et variantes à la québécoise.

Inventée en 1868, la célèbre sauce Tabasco est devenue un classique pour accompagner les huîtres, relever les Bloody Caesar ou les plats de style tex-mex. Huit déclinaisons de la sauce originale – dont des versions au piment vert, à l’ail et de type sriracha – sont maintenant vendues dans 185 pays à travers le monde.

Chez nous, elle fait partie des condiments incontournables, comme la mayonnaise ou le ketchup, depuis plus d’un siècle. Qu’est-ce qui a bien pu contribuer à rendre si populaire une sauce aussi simple ? C’est la question qui brûle les lèvres…

« C’est un produit polyvalent qui peut rehausser n’importe quel aliment ou boisson », répond le vice-président principal de McIlhenny, Harold Took Osborn, qui appartient à la cinquième génération à diriger l’entreprise à l’origine de la célèbre sauce.

« Au Canada, il est surtout associé au Bloody Caesar. Il relève aussi les plats tomatés, comme la pizza ou les pâtes, enchaîne-t-il. Mais selon les régions du monde, on l’utilise de différentes façons : sur les tacos, les avocats, les œufs… Nous travaillons avec un chef au Royaume-Uni qui aime en mettre sur son popcorn. »

Le respect de la tradition

Depuis ses débuts, la Tabasco est fabriquée à Petite Anse (Avery Island), en Louisiane, une île entourée de bayous. C’est là qu’on cultive toujours une parcelle de petits piments rouges de quelques centimètres de long qu’on appelle tabasco et qui ont valu son nom au produit.

Seuls trois ingrédients entrent dans la composition de la Tabasco : des piments, du vinaigre et un peu de sel. Le secret de cette sauce relèverait plutôt du savoir-faire, selon le dirigeant de McIlhenny.

Les récoltes se font encore à la main, au moyen d’un petit bâton rouge qui fait office de référence pour le choix des piments. « La recette, le processus et les ingrédients sont restés quasi inchangés depuis que mon arrière-arrière-grand-père a commencé à faire la Tabasco en 1868 », affirme M. Osborn.

Les piments sont d’abord broyés et salés avant d’être mis à fermenter en fûts de chêne pendant trois ans. Une fois vieillie, la mixture est filtrée, puis mélangée à du vinaigre et mise en bouteilles. « La recette est peut-être simple, mais il y a beaucoup d’effort déployé dans la production », assure-t-il.

De la chaleur fabriquée au Québec

Sur l’échelle de Scoville, qui est en quelque sorte l’échelle de Richter du piment, la sauce Tabasco se classe entre 2500 et 5000, évalue Christian Bond, cofondateur de SaucesPiquantes.ca. « C’est une puissance de chaleur relativement accessible, si on considère que cette mesure s’échelonne de 0 – qui équivaut à l’intensité du poivron vert – jusqu’à 16 millions dans le cas de la capsaïcine pure, qui est la principale molécule responsable de la sensation piquante. »

La Tabasco demeure un choix prudent quand on a les papilles relativement sensibles, comme c’est le cas chez les Québécois, encore frileux à l’idée de manger piquant, observe Christian Bond. Mais on compte de plus en plus d’amoureux du piment, selon lui. Son entreprise a flairé ce buzz en 2014 et propose maintenant plus de 800 sauces piquantes et produits connexes.

« Les gens veulent explorer. Ils ont peur du piquant, mais ils commencent à s’initier. Les restaurants, entre autres, sont de plus en plus nombreux à mettre les piments au menu. »

— Christian Bond, cofondateur de SaucesPiquantes.ca

Car il y a un monde de chaleur à découvrir au-delà de la Tabasco, considérée, chez les amateurs de piquant, comme une sauce initiatique d’entrée de gamme. Les connaisseurs recherchent non seulement le kick de la brûlure et son effet euphorisant, mais aussi la subtilité des saveurs des piments, qui peuvent être plus florales ou sucrées.

« Le problème est souvent que les gens ne savent pas comment utiliser la sauce piquante en cuisine », estime le spécialiste du piquant. Or, elle a le don de réveiller toutes les préparations – de la vinaigrette aux œufs, en passant par les marinades ou les pommes de terre. Certains en mettent même sur leurs desserts, comme quoi tous les prétextes sont bons pour mettre du piquant dans son assiette.

Sauce piquante

Cinq produits à la sauce d’ici

Dans le style de la Tabasco, on retrouve une variété de sauces québécoises qui ne manquent ni de goût ni de chaleur. Les suggestions de Christian Bond, de SaucesPiquantes.ca.

Sir Richard, de La Boîte à sauce

Une sauce de type sriracha, fermentée comme la Tabasco, mais fabriquée au Saguenay.

Firebarns Original, de Firebarns

Une sauce au goût frais et vif qui promet une sensation de brûlure… agréable !

S’a Coche !!, de la Boucherie Beau-Bien

Des piments scorpions entrent dans la composition de cette sauce légèrement vinaigrée qui se marie bien à un peu tout.

Chaude Boucane, de Britannia Mills

Du piquant et de la fumée, c’est ce que propose cette sauce pimentée au goût boucané.

Spécial Western, de Damn !

Une base tomatée, des piments chipotle et une pointe de fumée dans le style louisianais.

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