À votre tour

Dénoncez !

Depuis quelques années, nous remettons à l’ordre du jour l’intimidation et le harcèlement vécus par les jeunes. Travaillant moi-même auprès des jeunes enfants depuis maintenant 14 belles années, j’ai dû intervenir à plusieurs reprises pour régler des situations d’intimidation. Si ce phénomène est malheureusement présent chez les jeunes, il est tout aussi présent chez les adultes.

Il y a maintenant quatre ans, j’ai vécu de l’intimidation et du harcèlement psychologique au travail durant deux longues années. Tout a commencé de façon bien anodine. On se moquait de moi « gentiment » pour mon sens de l’organisation aigu. On prenait plaisir à cacher mon matériel et même ma boîte à dîner, sous prétexte que c’était pour rire (elles étaient bien les seules à rire de ces actes de harcèlement). Elles ont poussé l’audace jusqu’à pénétrer dans ma classe à maintes occasions pour déplacer et cacher mon matériel et tout cela, en me laissant sous-entendre que le fait de verrouiller ma porte n’y changerait rien. Je me souviens des réunions d’équipe-école où je me présentais avec la peur au ventre et l’angoisse d’entendre leurs commentaires mesquins à mon endroit et leurs sous-entendus malveillants au sujet de ma relation harmonieuse avec la direction.

L’enseignement a toujours été pour moi une vocation et c’était le bonheur chaque matin de me présenter à l’école pour y exercer ma passion. Mais, à cette époque-là, je me levais angoissée et j’appréhendais mon arrivée à l’école en ne sachant pas si j’allais retrouver ma classe dans l’état où je l’avais laissée la veille.

Après ces deux années d’intimidation et de harcèlement, j’ai pris mon courage à deux mains et j’en ai informé ma direction. Tout en racontant ce que j’avais enduré, j’avais un sentiment de honte à cause de ma lenteur à réagir et de ma naïveté d’avoir cru que la situation allait se régler par elle-même.

À mon grand soulagement, mon directeur m’a écouté très attentivement et m’a fait comprendre que la situation était grave et qu’il allait intervenir auprès de ces enseignantes. Enfin, me suis-je dit, j’allais pouvoir enseigner en toute quiétude. Encore une fois, ma naïveté m’a joué un bien vilain tour. Au même moment, j’ai appris que j’avais un cancer de stade trois avancé et que je devais cesser d’enseigner pour une période indéterminée. Non seulement ma vie s’écroulait, mais en plus, j’avais créé un « tsunami » dans l’école en « osant » dénoncer le harcèlement psychologique dont j’avais fait l’objet.

J’ai pensé que mes collègues allaient faire preuve de compassion et d’empathie à mon égard. Mais non ! Lorsque je me présentais à l’école pour aller chercher une dose d’énergie, je devais affronter des regards fuyants, des gens qui me tournaient le dos et des ragots mensongers sur moi. 

Je ne pouvais pas croire que je subissais ça dans un établissement scolaire, ce même milieu qui mettait en place un plan de lutte contre l’intimidation.

Cela m’a permis de comprendre pourquoi les gens victime d’intimidation et de harcèlement hésitent à dénoncer leur intimidateur, pourquoi certains préfèrent se taire et endurer ce calvaire et pourquoi d’autres choisissent malheureusement d’en finir avec la vie.

Aujourd’hui, j’ai vaincu mon cancer et je suis pleinement heureuse au travail. Grâce au départ de ces enseignantes, au soutien de quelques amies très chères et à une incroyable force de caractère et de détermination, j’ai survécu à ces grandes épreuves.

Je demande aux victimes de ce fléau de dénoncer. Ne supportez pas cette situation et n’encouragez pas les intimidateurs à poursuivre leurs agissements malsains et destructeurs. À vous intimidateurs, je dis ceci : « Cessez, car vos actes et vos paroles peuvent détruire quelqu’un à tout jamais. »

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