Éditorial  Primaires américains

L’Amérique dans tous ses états

Nos voisins américains veulent-ils vraiment une « révolution » politique ?

En examinant les résultats des caucus de l’Iowa et en écoutant certains des prétendants à la Maison-Blanche qui y ont fait bonne figure, on est tenté de le croire.

D’abord du côté des républicains. Des quatre candidats qui ont récolté le plus grand nombre de voix, trois dénoncent ouvertement les grandes institutions américaines : Ted Cruz, Donald Trump et Ben Carson.

Ces trois politiciens ont obtenu près des deux tiers (61 %) des votes des électeurs républicains de l’Iowa.

« Le futur président des États-Unis ne sera pas choisi par les médias, ni par l’establishment de Washington, ni par les lobbyistes », mais bien par le peuple, a lancé Ted Cruz après avoir remporté les caucus.

Le candidat démocrate, Bernie Sanders, lui a fait écho. « Les habitants de l’Iowa ont envoyé un message très profond à l’establishment politique, à l’establishment économique et (…) à l’establishment des médias », a-t-il déclaré.

Le message dont il parlait, c’est sa performance remarquable dans ce petit État du Midwest. Il a récolté 49,6 % des voix lors des caucus, qui représentent la première étape de la course à la Maison-Blanche. Presque autant qu’Hillary Clinton, qui, à 49,9 %, a remporté une victoire trop courte pour sabrer le champagne.

Le sénateur du Vermont, qui se dit tout autant socialiste que démocrate, a soutenu que les électeurs de l’Iowa viennent de déclencher une « révolution politique ».

Il faut pour l’instant analyser ces résultats en respirant par le nez, sans sauter aux conclusions trop rapidement.

L’Iowa, au fil des ans, nous a montré qu’il peut être un miroir déformant. Il reflète souvent mal la réalité politique américaine dans son ensemble.

Du côté républicain, les participants aux caucus sont souvent des conservateurs purs et durs. En majorité des chrétiens évangéliques. Ils avaient permis à Rick Santorum de triompher en 2012 et à Mike Huckabee de finir premier en 2008. Ni l’un ni l’autre n’a pu profiter de l’élan fourni par l’Iowa pour remporter l’investiture du parti.

Du côté des démocrates, l’Iowa est aussi une anomalie. Selon un sondage effectué le mois dernier auprès des électeurs démocrates de cet État, 43 % d’entre eux se décrivent comme des socialistes. Seuls 38 % se disent capitalistes. C’est loin d’être le cas dans l’ensemble des États-Unis.

Il y a de toute évidence un malaise au pays de Barack Obama. Un sondage Gallup effectué le mois dernier indique que 76 % des Américains sont « insatisfaits de la façon dont les choses se déroulent » dans leur pays.

Le désarroi des Américains est donc indéniable. Ils espèrent, une fois de plus, du changement. Mais de là à dire qu’ils réclament en majorité de brusques changements politiques, il y a un pas qu’il ne faudrait pas franchir prématurément.

Car, après les primaires du New Hampshire (mardi prochain), les autres étapes de la course à la Maison-Blanche seront plus représentatives de la diversité de l’électorat américain. Ces scrutins sont susceptibles de réserver des mauvaises surprises aux candidats les plus subversifs. Qui dit malaise ne dit pas nécessairement révolution.

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