Bilinguisme dans les aéroports canadiens

La majorité des superviseurs ne parlent pas français

Les superviseurs chargés d’évaluer la qualité du service en français dans les aéroports canadiens sont en majorité unilingues anglais, indique un rapport publié hier par le Commissariat aux langues officielles. Le document révèle aussi que plusieurs employés de l’aéroport Montréal-Trudeau sont incapables de servir le public en français.

Enjeu « crucial »

Le Commissariat a mené une vaste enquête sur le bilinguisme dans six aéroports du pays – Montréal, Toronto, Ottawa, Vancouver, Edmonton et Halifax – entre décembre 2015 et mars 2016. L’objectif : s’assurer que l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) respecte la Loi sur les langues officielles. Selon le Commissariat, l’offre active d’un service dans les deux langues est « cruciale » aux points de fouille, où travaillent 6000 employés de l’ACSTA. « Les agents de contrôle sont en position d’autorité lors du passage des voyageurs au point de contrôle, ce qui fait en sorte que ces derniers sont moins enclins à faire valoir leurs droits linguistiques par crainte de répercussions négatives, comme des retards ou des obstacles dans leur plan de voyage. »

Plaintes nombreuses

Des informations révélées par La Presse cette semaine confirment un recul quasi généralisé du bilinguisme dans les aéroports canadiens depuis 2010, y compris à Montréal. Dans son rapport publié hier, le Commissariat confirme que l’ACSTA vient au deuxième rang des organismes publics ayant reçu le plus grand nombre de plaintes par rapport aux langues officielles (32) l’an dernier. Le système actuel de vérification du bilinguisme dans les aéroports laisse à désirer, souligne le document. Par exemple, l’ACSTA emploie une quarantaine de superviseurs au pays – appelés « agents de rendement » –, qui doivent veiller au respect d’une « offre active » dans les deux langues. Ceux-ci doivent notamment s’assurer que les employés de l’ACSTA sont capables de dire « bonjour, hi », et que leurs épinglettes sont réglementaires.

Superviseurs anglophones

Le problème, souligne le Commissariat, est que la majorité des postes « d’agent de rendement » sont désignés unilingues anglais. Ces superviseurs n’ont ni l’obligation ni la capacité d’évaluer la qualité du français des employés aux points de fouille. « Il est nécessaire que les agents de rendement puissent évaluer le service de qualité égale et, pour ce faire, ils doivent pouvoir comprendre la langue de la minorité », souligne-t-on. Parmi les 15 recommandations formulées dans son rapport, la commissaire par intérim aux langues officielles, Ghislaine Saikaley, suggère que l’ACSTA « revoie l’identification linguistique des postes de ses agents de rendement dans les aéroports et assure un nombre suffisant d’agents bilingues pour effectuer la surveillance efficacement et mesurer le service de qualité égale dans les deux langues officielles ».

Réponse favorable de l’ACSTA

L’ACSTA entend vite se conformer à la recommandation de la commissaire. « D’ici les prochains mois, l’ACSTA reverra l’identification linguistique de certains postes dans le but d’augmenter le nombre d’agents bilingues, a affirmé à La Presse Mathieu Larocque, porte-parole de l’agence fédérale. Plusieurs fonctions peuvent tout de même être évaluées pour les agents, notamment l’offre active, c’est-à-dire l’accueil de tous les passagers dans les deux langues officielles (hello/bonjour). » M. Larocque ajoute que l’ACSTA a déjà mis en œuvre – ou est sur le point de le faire – la plupart des 15 recommandations formulées dans le rapport. Le Commissariat aux langues officielles a d’ailleurs salué hier les efforts déployés par la haute direction de l’ACSTA pour mieux se conformer aux lois sur le bilinguisme.

Employés unilingues à Montréal

Parmi les autres éléments contenus dans le rapport, on apprend que le pourcentage d’agents de l’ACSTA « pouvant servir le public en français » s’élève à 99 % à l’aéroport Montréal-Trudeau. C’est de loin le meilleur score au pays, mais cela signifie tout de même qu’une demi-douzaine des 731 agents de contrôle ne maîtrisent pas la langue de Molière. Le porte-parole de l’ACSTA n’a pas été en mesure de confirmer ce chiffre, ajoutant que le nombre d’agents en poste fluctue chaque semaine à Montréal. « Il est important de se rappeler que ce ne sont pas toutes les positions qui requièrent une interaction avec le public. Par exemple, plusieurs agents peuvent être assignés au contrôle des bagages enregistrés qui s’effectuent dans une section de l’aéroport où les passagers n’ont pas accès », a soutenu Mathieu Larocque. À Toronto, à peine 5 % des agents maîtrisent le français.

Le ministre Garneau interpellé

Marc Garneau, ministre fédéral des Transports, a dû défendre la position du gouvernement libéral dans ce dossier. Interpellé par le député néo-démocrate François Choquette pendant la période des questions, il a affirmé hier que le bilinguisme et la Loi sur les langues officielles sont « extrêmement importants » pour les troupes de Justin Trudeau. « Nous prenons cela très au sérieux. Nous sommes bien sûr responsables de la sécurité de nos aéroports, mais nous insistons pour que ce soit fait avec respect et avec courtoisie, en respectant les langues officielles. » Plus tôt en journée, le NPD a déposé une motion pour enjoindre à la commissaire par intérim aux langues officielles de venir expliquer son rapport sur l’ACSTA devant le Comité permanent des langues officielles du Parlement.

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