CENTRES DE CRISE

De nombreux défis

Depuis la création des centres de crise, il y a 30 ans, leur réalité a évolué et les obstacles se sont multipliés. Dans un contexte où les urgences psychiatriques débordent et où l’accès à des soins en santé mentale se complexifie, ils font aujourd’hui face à de nombreux défis. En voici quelques-uns.

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De nombreux défis

Clientèle lourde

Selon un rapport rédigé par Yves Lecomte, psychologue et professeur à la TELUQ, la clientèle des centres de crise s’est considérablement alourdie au fil des ans. Les acteurs du milieu le confirment. On parle d’une clientèle « multiproblématique » : troubles de santé mentale, toxicomanie, prostitution, itinérance, etc. Certains ont des comportements automutilatoires ou agressifs. Une majorité ont des idées suicidaires. Les éléments déclencheurs sont variés : conflits relationnels, problèmes de logement, événement traumatique, problème de santé mentale, etc. Environ 10 % de la clientèle est récurrente.

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Manque de financement

La situation financière des centres est précaire, certains sont d’ailleurs incapables d’offrir les services prévus. C’est le cas, par exemple, à Repentigny, où la ligne de soutien téléphonique n’est pas opérationnelle. « Les centres peinent à répondre à la demande. Ici, on a dû couper certains services pour pouvoir assurer un soutien téléphonique en tout temps », indique Christine Deschênes, directrice générale du centre TRACOM. « Pour éviter d’avoir des listes d’attente pour notre équipe mobile, on a dû ajouter du personnel à même notre budget », dit Robert Dubuc, directeur du centre de l’Ouest-de-l’Île et président du RESICQ. « Le travail y est très exigeant, les équipes sont restreintes et le salaire est jusqu’à 30 % inférieur à celui dans le réseau de la santé. Les centres peinent à attirer des candidats compétents et à retenir leurs employés. On y fait ses armes et on s’en va », explique Yves Lecomte.

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Services non arrimés

« Dans un système public qui ne fonctionne pas, qui ne peut accueillir toutes les demandes, les centres de crise sont essentiels », croit Yves Lecomte. Encore faut-il qu’ils puissent garder leur autonomie et leur souplesse et qu’il y ait une continuité des services, ajoute Suzanne Larose. « Si les centres ne peuvent orienter leur clientèle vers des services en santé mentale, souvent inaccessibles, on revient au point de départ. Quelle est la portée de leur action ? Il faut revoir toute l’organisation des services. » À Montréal, on parle d’une offre de services abondante, mais éclatée, en silos. « La clientèle des centres de crise est de plus en plus “désocialisée”, repoussée par le milieu institutionnel », note Yves Lecomte. Leur dossier est traité de façon morcelée « et sans nécessairement avoir d’ancrages », dit-il.

De nombreux défis

Mandat à redéfinir

Les centres de crise sont-ils toujours les mieux placés pour répondre aux demandes d’aide ? « Tous ne s’entendent pas sur la définition de crise, et ça crée un flou dans les critères d’admission. Même au sein des équipes d’intervenants, l’interprétation diffère », note Suzanne Larose, coordonnatrice de stage à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. Elle déplore par ailleurs que certains centres ciblent une clientèle précise avec des critères d’exclusion stricts. On ne tient pas compte « de la complexité des problématiques », selon la psychoéducatrice. Par exemple, dans certains centres, il faut être suicidaire pour recevoir des services. « On peut vivre une crise sans vouloir se suicider. Peut-on aussi les accompagner ? » Elle ajoute qu’il faut davantage miser sur la prévention. « L’hébergement doit être vu comme un levier d’intervention et non comme une réponse à la crise. Sinon, on reproduit un modèle qui vise essentiellement à traiter le symptôme. Mais la détresse demeure », indique Mme Larose, qui a travaillé dans les centres de crise pendant 23 ans.

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Développement incomplet

Souhaitant réduire l’engorgement des urgences psychiatriques et offrir une réponse non médicale lors de crises psychosociales, le ministère de la Santé a mis en place, dès 1986, un réseau de centres communautaires spécialisés en intervention de crise. Aujourd’hui, 21 centres sont en activité. On offre un hébergement temporaire, un suivi à court terme, des interventions à domicile ainsi qu’une ligne téléphonique de crise 24 heures sur 24, sept jours sur sept. « Les centres ne sont pas implantés dans toutes les régions, on travaille actuellement à leur développement », dit Christine Deschênes, vice-présidente du Regroupement des services d’intervention de crise du Québec (RESICQ). Parmi les régions non desservies : I’Abitibi, la Mauricie, les Cantons-de-l’Est et la Côte-Nord.

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