Dans l’œil des experts

Un gardien et une équipe qui ont tout à prouver

Comme l’an dernier, Mathias Brunet analysera les matchs du CH avec deux experts. Martin Raymond, ancien entraîneur adjoint du Lightning de Tampa Bay désormais avec les Voltigeurs de Drummondville et Hockey Canada, apportera sa vision sur le plan tactique et collectif. Sébastien Farrese, entraîneur des gardiens chez les Bulls de Belleville et à Hockey Canada, scrutera le travail des deux gardiens.

Les failles de Hammond

L’ANALYSE DE SÉBASTIEN FARRESE

Malgré ses succès des dernières semaines, Andrew Hammond est loin de se comparer à Carey Price en termes de talent et de technique.

Au bénéfice des lecteurs de La Presse+, j’ai revu et analysé certains des matchs récents de Hammond. Pour le battre, les joueurs du Canadien devront le forcer à multiplier les déplacements latéraux. Hammond est généralement bien centré sur le premier tir, avec sa taille, mais il n’est pas très mobile dans ses déplacements « est-ouest ». Le Canadien, notamment en supériorité numérique, devra faire circuler la rondelle d’un côté à l’autre et tirer sur réception. S’il fait le premier arrêt, il devrait néanmoins donner de gros retours. J’ai remarqué qu’après le premier arrêt, il a tendance à se retrouver sur le dos ou à plat ventre, surtout lorsqu’il est pris hors position. Il n’est pas capable de pousser latéralement en papillon. Quand il faisait l’arrêt sur le retour, c’était généralement grâce à sa longue portée.

Les équipes adverses n’ont pas encore eu le temps de trouver ses failles en raison de l’exigence du calendrier. Ce n’est plus le cas en séries éliminatoires puisqu’on affronte le même adversaire à répétition. Rick Wamsley a fait du bon travail avec lui pour qu’il puisse être efficace lors du premier tir. Mais Hammond doit absolument mieux contrôler ses retours. La plupart des buts qu’il a accordés l’ont été après que l’adversaire eut saisi un retour de tir dans l’enclave. Il peut donc être vulnérable dans une série comme celle-ci. Je ne crois pas qu’il sera un feu de paille dans la LNH, mais il a stagné et il devra améliorer son jeu de pieds et son contrôle des rebonds d’ici l’an prochain, sinon il trouvera le temps long.

Carey Price, lui, est toujours très calme. C’est le jour et la nuit avec 2013. Les séries de l’an dernier lui ont procuré beaucoup de confiance. Il est encore plus patient cette saison. Il sait quand être combatif et être patient. Il contrôle le jeu et c’est la différence entre un bon gardien et un excellent gardien. Il est capable de contrôler le match à lui seul avec sa technique et son tempérament. Il est capable de diriger les retours dans les coins pour ses coéquipiers. Juste par son langage corporel, il calme les gars. La seule façon de le battre sera de l’empêcher de voir le premier tir en plaçant un joueur, peut-être même deux, pour lui obstruer la vue. Surtout en supériorité numérique. Pour obtenir des retours, les Sénateurs devront tirer du côté de son bâton. Il y aura sans doute des joueurs des Sénateurs au cercle des mises en jeu pour guetter les retours.

Price est dans la LNH depuis huit ans alors que Hammond est un gardien recrue. Le gardien des Sénateurs a connu beaucoup de succès depuis février, mais il avait devant lui un club qui jouait avec l’énergie du désespoir. Chaque arrêt sur le deuxième tir était spectaculaire, avec un grand écart ou la mitaine bien élevée. Souvenez-vous de Jaroslav Halak il y a quelques années. Price, de son côté, est capable de faire un deuxième et un troisième arrêt facilement et il a nettement l’avantage dans cet affrontement.

Avantage CH

L’ANALYSE DE MARTIN RAYMOND

Les Sénateurs ont réussi à connaître une formidable séquence de succès depuis février en jouant avec beaucoup d’émotion et de combativité.

On les sentait en « mission » pour creuser l’écart au classement qui les séparait des Bruins de Boston, et la remontée spectaculaire qu’ils ont effectuée est remarquable. Le malheureux décès de leur adjoint Mark Reeds, qui a succombé lundi à un cancer, nous confirme qu’ils ont dû prendre leur mission très à cœur. Il y avait beaucoup d’émotion, ils se sont ralliés à sa cause. Pour les membres d’un club si jeune, c’est tout à leur honneur.

Cela dit, les séries éliminatoires commencent maintenant, et on parle d’une saison complètement différente. Je n’accorde pas beaucoup d’importance aux deux défaites récentes du Canadien contre les Sénateurs. Montréal jouait contre un club en mission, tandis que sa place en séries était virtuellement confirmée.

Le Canadien a quand même terminé au premier rang de sa division et constitue l’un des meilleurs clubs de la Ligue nationale de hockey. Il ne faut pas l’oublier.

Je favorise le Canadien en raison de son expérience et de son jeu méthodique, mais la série sera longue et pourrait durer au moins six matchs. Montréal aura à se battre avec beaucoup d’ardeur, car les Sénateurs ont un club très uni.

La série promet d’être intéressante, car nous avons sous les yeux deux clubs bien différents. Les Sénateurs ont un club très offensif qui aime prendre des risques. Ils viennent au 9e rang au chapitre des buts comptés. Ils sont très jeunes avec une moyenne d’âge de 25 ans. Montréal a plus d’expérience, plus de vécu.

Je remarque aussi de grandes différences sur le plan du gabarit. Les Sénateurs sont nettement plus costauds. Ils ont un seul attaquant de moins de 6 pi et 10 d’entre eux pèsent plus de 200 lb. Mais le Canadien s’est préparé en conséquence. Devante Smith-Pelly a été acquis pour cette raison et il sera un élément important.

Quand tu es plus lourd, les probabilités que tu gagnes tes batailles le long des rampes sont plus grandes. Ça ne veut pas dire que le petit joueur ne gagnera pas ses batailles, mais il aura à déployer plus d’énergie. Mais les petits joueurs du Canadien, les Gallagher et Desharnais, sont très énergiques.

Si on analyse l’échec avant des Sénateurs et leur ténacité, la clé pour le Canadien sera de bien faire circuler la rondelle et d’exécuter ses jeux rapidement, de façon à prendre les Sénateurs le plus possible à contre-pied, avant qu’ils ne puissent installer leur échec avant en zone offensive et en zone neutre. C’est un élément crucial quand tu affrontes une équipe plus grosse que toi. Et le Canadien a connu beaucoup de succès contre des équipes plus costaudes cette saison en faisant bien circuler la rondelle.

J’aime beaucoup la façon de jouer du Canadien. Voilà une équipe qui minimise les risques et qui joue de façon très méthodique. Les Sénateurs, eux, veulent créer des surnombres offensifs, avec Erik Karlsson en tête. Les défenseurs sont très impliqués à l’attaque et en contre-attaque. Ils ont d’ailleurs les éléments pour jouer de cette façon.

Mais si j’ai à faire un choix, j’opte pour le Canadien en raison de son style de jeu et de l’expérience de ses joueurs.

— Propos recueillis par Mathias Brunet

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