Montréal en histoires 

Le canal de Lachine en huit temps

En Nouvelle-France, les colons comprennent rapidement que le fleuve Saint-Laurent constitue une formidable voie de développement du territoire… mais que les rapides de Lachine forment tout un obstacle à franchir. Pour les contourner, l’idée de creuser un canal à travers l’île de Montréal s’impose. Mais de là à la concrétiser, il faudra du temps et beaucoup de ressources.

1670-1700

Les prêtres sulpiciens établis à Montréal lancent les premières initiatives de creusage, mais doivent chaque fois abandonner pour différentes raisons : attaques des Iroquois, manque de fonds, etc. Un des premiers initiateurs est le missionnaire et explorateur François Dollier de Casson, qui a dessiné des plans de la ville et même écrit une Histoire de Montréal (1640-1672).

1819 

Des gens d’affaires de Montréal se regroupent autour de la Compagnie des propriétaires du canal de Lachine. Parmi eux, John Richardson, homme d’affaires, homme politique et juge de paix qui, lit-on dans le Dictionnaire biographique du Canada, désire intensifier le commerce avec le Haut-Canada en y expédiant des produits de base comme les céréales et le bois. Le 26 juillet 1819, il est élu à la présidence du comité de surveillance du creusage.

1821-1825 

Le groupe de Richardson étant incapable de soutenir financièrement le projet, le gouvernement du Bas-Canada en reprend les rênes. Richardson en demeure responsable. C’est lui qui fait la première pelletée de terre, le 17 juillet 1821. Les travaux sont achevés en 1825. Quelque 500 ouvriers, en majorité irlandais, ont œuvré sur le chantier. Le canal fait 13,4 km de longueur, 14,6 m de largeur et 1,4 m de profondeur. Il permet « le passage de petits voiliers à fond plat », dit-on sur le site du Lieu historique national du Canal-de-Lachine.

1843-1848 

On entame des travaux pour doubler la largeur et la profondeur du canal. Environ 1300 personnes, des Irlandais en majorité, y travaillent. Or, comme plusieurs sont de nouveaux (et vulnérables) immigrants, l’entrepreneur baisse les salaires ! De trois shillings et demi en argent comptant reçus en 1842 pour 12 heures de travail, les employés ne reçoivent plus que 2 shillings, sous forme de bons de crédit échangeables dans les magasins de l’entrepreneur en 1843. Pis encore, le travail se poursuit durant l’hiver, où les employés creusent le sol au pic et à la pelle. Une grève de trois mois éclate le 24 janvier 1843. L’armée doit intervenir pour mater les émeutes. Au terme du conflit, les travailleurs gagnent uniquement le retrait du salaire sous forme de notes de crédit.

1873-1885 

Autre phase d’agrandissement, autre conflit. Cette fois, on élargit le canal à 45 mètres et on étend la profondeur de 4,3 mètres. Outrés par leurs conditions de travail, les ouvriers débraient en décembre 1877. Des catégories d’ouvriers spécialisés (maçons, tailleurs de pierre) ont gain de cause, mais pas les manœuvres, dont les gains sont au mieux partiels, affirment Yvon Desloges et Alain Gelly dans leur ouvrage Le canal de Lachine : du tumulte des flots à l’essor industriel et urbain. Les grévistes sont appuyés par Charles McKiernan, connu sous le nom de Joe Beef. Du 17 au 26 décembre 1877, le tavernier leur distribue 3000 pains et 500 gallons de soupe, indique le Dictionnaire biographique du Canada.

26 JUIN 1959 

La voie maritime du Saint-Laurent est officiellement ouverte en présence de la reine Élisabeth II, du premier ministre canadien John Diefenbaker et du président américain Dwight D. Eisenhower, tous à bord du yacht royal Britannia. Cette inauguration marque le début de la fin pour le canal de Lachine. Celui-ci a tout de même connu quelques décennies de gloire, notamment à la veille de la grande crise de 1929 alors que près de 15 000 navires l’empruntaient annuellement et que d’innombrables industries s’y sont installées, lit-on dans un document de Parcs Canada.

 

30 NOVEMBRE 1970 

Fermeture définitive du canal. « Entre 1970 et 1974, le canal est un objet désuet, inutile, symbole de la désindustrialisation », a dit Paul Émile Cadorette, de Parcs Canada, dans une conférence prononcée le 1er mars 2006 et disponible en ligne. Même si une piste cyclable y ouvre en 1976, la vétusté se poursuit, poursuit M. Cadorette. Toutefois, un projet de revitalisation prend peu à peu forme.

18 MAI 2002 

Après cinq ans de préparation et l’investissement d’une centaine de millions de dollars, le canal de Lachine est rouvert à la navigation de plaisance. Le tout a lieu en présence du maire Gérald Tremblay et de plusieurs ministres provinciaux et fédéraux, au lendemain du 360e anniversaire de Montréal. Le 25 mai, un grand défilé nautique, incluant bateaux avec ou sans moteur, a lieu sur les eaux du canal.

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