Chronique

Uber est illégal. Point.

C’est tout de même extraordinaire de voir une société hors-la-loi « offrir » généreusement au gouvernement une redevance.

OK, d’abord, on va vous envoyer 10 cents par course !, a dit Uber la semaine dernière.

Sympathique, pour une organisation qui ne paie pas un cent de taxe ou d’impôt au Québec, non ?

L’offre mirobolante est venue après que le premier ministre Couillard a imprudemment ouvert la porte à un « encadrement » d’Uber. Tout ça parce que les jeunes libéraux, au nom de l’innovation et de la libre entreprise, ont plaidé pour cette ouverture.

Uber est tout simplement une société de taxi qui déguise ses activités en une sorte d’autopartage très, très cool et foutrement technologique.

C’est évidemment une blague de parler de partage. Si j’appelle une voiture pour me mener du point A au point B contre rémunération, je ne fais pas du covoiturage, j’emprunte un taxi.

Or, les propriétaires de taxi sont soumis à une avalanche de frais fixes : inspections deux fois l’an, réparations obligatoires, permis, assurances, plaque commerciale… Et sans compter la police qui ne vous donne aucune chance.

Ou alors, comme la plupart le font, on loue un taxi pour 500 $ par semaine, et pour en vivre il faut travailler comme un malade 70, 80 heures par semaine.

Au nom de quoi laisserait-on débarquer des gens installés dans un paradis fiscal qui nous prennent pour des idiots et qui fourguent tous les profits à l’extérieur ?

Parce que les taxis ne sont « pas propres » ? Parce que le chauffeur fait la moue quand on veut payer par carte de crédit ?

OK, alors on va régler des désagréments mineurs en cédant les clés du marché du taxi à une entreprise qui se fout royalement des lois du pays ?

Ça n’a aucun sens.

S’il y a une limite de taxis dans une ville (4400 à Montréal, ce qui est proportionnellement plus qu’à New York), c’est pour s’assurer que les gens qui font ce métier gagnent assez d’argent et offrent un service décent. Sans doute les grandes sociétés de taxi se sont-elles assises sur cet oligopole dans un marché protégé.

Mais est-ce une raison pour tout bazarder ? Pour faire crever de faim des chauffeurs qui déjà vivent trop maigre ?

***

Il n’y a qu’une ligne à tenir avec UberX, c’est la ligne dure (l’essentiel des activités, c’est UberX, c’est-à-dire des chauffeurs qui n’ont pas de permis de taxi).

Si je sais lire, la Loi sur les services de transport par taxi dit noir sur blanc que ce que fait Uber, c’est du taxi. C’est du « transport rémunéré de personnes par automobile ». Et ça, les amis, c’est dommage, mais c’est régi par toute une série de règles et de frais.

Il n’y a aucun flou juridique, c’est clair, clair, clair. Je ne vois pas pourquoi on se mettrait à négocier avec une société qui veut contourner les règles.

— OK, d’abord… 15 cents ?

Euh, non merci !

On vous dira qu’il y a eu un jugement à Toronto qui dit que UberX est légal.

Pas vraiment. Le juge Sean Dunphy, de la Cour supérieure de l’Ontario, a simplement rejeté la demande d’injonction de la Ville de Toronto, qui voulait déclarer Uber en contravention du règlement municipal sur le taxi.

Mais s’il l’a fait, c’est uniquement à cause du texte du règlement, qu’il a interprété de manière stricte. Comme Uber ne reçoit pas d’appels, il n’entrait pas dans la case juridique appropriée et il ne correspond pas à la définition de « taxi » dans le règlement.

Bref, c’est une victoire technique qui ne légalise aucunement le statut d’Uber au Québec.

Ne nous laissons pas berner par l’application, ingénieuse il est vrai. Il n’y a rien là-dedans qu’on ne puisse répliquer.

La vraie force d’Uber, c’est son entrée agressive dans le marché – courses gratuites, rabais, etc.

Il y a des noms pour ça. Dumping. Concurrence déloyale.

Bref, c’est illégal. Point.

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