elizabeth holmes, fondatrice de l’entreprise theranos

L’héroïne déchue de la Silicon Valley

Elle était la « prochaine Steve Jobs », la plus jeune femme milliardaire « autoréalisée » du monde. Le mois dernier, Elizabeth Holmes, 34 ans, s’est livrée au FBI, et elle risque 20 ans d’emprisonnement dans des accusations de fraude criminelle. Dans son nouveau best-seller Bad Blood : Secrets and Lies in a Silicon Valley Startup, John Carreyrou, le journaliste du Wall Street Journal qui a exposé la supercherie, raconte l’histoire du scandale qui ébranle la Mecque de la technologie. Voici cinq éléments de cette saga.

Comme Steve Jobs

Avec son regard intense, ses cols roulés noirs, et le fait qu’elle a abandonné ses études universitaires pour « changer le monde », Elizabeth Holmes était comparée à Steve Jobs – une comparaison qu’elle appréciait et encourageait. Channing Robertson, professeur d’Elizabeth Holmes à Stanford, a dit qu’enseigner à la jeune femme « était comme enseigner le piano à Beethoven ou les sciences à Einstein ». Son projet : commercialiser un appareil compact que les gens pourraient avoir chez eux et qui analyserait leur état de santé à partir d’une seule goutte de sang, au lieu des multiples fioles que nécessitent les appareils de laboratoire. Son appareil promettait aussi d’enrayer les épidémies et d’aider les militaires blessés au combat.

Partenaires célèbres

Elizabeth Holmes n’avait que 19 ans lorsqu’elle a fondé son entreprise baptisée Theranos en 2003. Pour asseoir sa crédibilité, elle s’est dotée d’un conseil d’administration à toute épreuve : il incluait l’actuel secrétaire à la Défense Jim Mattis, les anciens secrétaires d’État George Schultz et Henry Kissinger, de même que l’avocat David Boies, célèbre pour avoir représenté avec succès le gouvernement américain dans sa poursuite anti-monopole contre Microsoft. Des investisseurs, dont le milliardaire Rupert Murdoch et la famille Walton, fondatrice des magasins Walmart, ont collectivement donné plus de 700 millions US à Theranos : au sommet de sa valeur, en 2014, l’entreprise était évaluée à près de 10 milliards US.

Faux tests

Grâce à un partenariat signé avec l’importante chaîne de pharmacies Walgreens, Theranos analysait des échantillons sanguins du public. Or, comme ses machines n’étaient pas au point, les résultats transmis aux patients étaient inexacts – un fait qui a mis en danger leur santé. Les multiples ratés n’ont pas mis fin à l’entente : quand Kevin Hunter, un consultant qui travaillait pour Walgreens, a énuméré tout ce qui n’allait pas avec Theranos, Renaat Van den Hooff, la personne responsable du projet pilote chez Walgreens, lui a répondu : « On ne peut pas ne pas le faire. On ne peut pas risquer un scénario où CVS [une chaîne de pharmacies concurrentes, NDLR] conclut une entente avec eux dans six mois et que la technologie finit par fonctionner. »

Les yeux fermés

Au fil des ans, Elizabeth Holmes et son partenaire Ramesh Balwani, connu pour ses colères et son style de gestion belliqueux, ont menti à répétition quand ils affirmaient que leurs machines étaient au point et fiables – leurs propres employés s’évertuaient à leur dire que ce n’était pas le cas. Or, même lorsqu’ils étaient mis au courant de la duperie, la plupart des partenaires et investisseurs refusaient de couper les ponts. « Je sais que tu n’es pas stupide, mais je crois que tu te trompes », a déclaré l’ex-secrétaire d’État George Schultz à son petit-fils Tyler, un employé de Theranos qui a tenté de l’alerter après avoir démissionné de l’entreprise.

Dénonciateurs

C’est finalement un ex-employé de Theranos prêt à dénoncer la supercherie qui a parlé avec John Carreyrou, journaliste au Wall Street Journal. Menacés de poursuites par l’avocat de Theranos David Boies, Carreyrou et son employeur ont néanmoins publié une série d’articles qui a mené à la chute de l’entreprise. Le mois dernier, Elizabeth Holmes et son partenaire Ramesh Balwani ont été accusés de fraude : selon la poursuite, le duo n’a « pas seulement fraudé les investisseurs, mais, plus grave encore, a trompé les médecins et les patients au sujet de la fiabilité des tests médicaux qui ont mis en danger la santé et des vies humaines ». Holmes et Balwani font face à 20 années d’emprisonnement s’ils sont reconnus coupables des faits reprochés.

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