OPINION SYLVAIN CHARLEBOIS

Quand on préfère Gwyneth Paltrow au Guide alimentaire

Selon un récent sondage des universités Dalhousie et Guelph, 74 % des Canadiens savent que le pays s’est doté d’un nouveau Guide alimentaire, mais seulement 29 % pensent l’utiliser. Tandis que certains croient qu’il coûte cher de suivre les recommandations du Guide, d’autres estiment qu’il ne reflète aucunement nos us et coutumes à la table.

Ce sondage révèle que le Guide alimentaire ne constitue pas vraiment un document influent pour le commun des mortels. Comme source d’information nutritionnelle, il ne se classe qu’au sixième rang en importance pour les Canadiens.

La famille, les amis et les réseaux sociaux représentent des sources plus importantes aux yeux des personnes sondées. Pire encore, les célébrités occupent une plus grande place que le Guide auprès des consommateurs âgés de 38 ans et moins. Il est tout de même incroyable de constater que pour un groupe important, une vedette hollywoodienne comme Gwyneth Paltrow, qui fait la promotion de diètes particulières, a plus de portée sur nos habitudes alimentaires que le Guide alimentaire canadien.

Autrement dit, peu de Canadiens considèrent le Guide comme un ouvrage de référence influent et essentiel pour leur bien-être. 

Après avoir consulté le Guide, on remarque qu’il nous offre un portrait complet fondé sur une science alimentaire à jour. Malgré une approche riche de sens, il fait toutefois piètre figure sur le plan du réalisme.

Le fameux « plat à trois sections » présente un idéal, un portrait que plusieurs Canadiens auront du mal à reproduire dans leur assiette, puisque les fruits et légumes proviennent d’ailleurs durant l’hiver tandis que les lentilles, le tofu et d’autres produits se détachent complètement de la culture franco-canadienne. Notre climat nordique représente un obstacle incontournable qui agit sur nos choix alimentaires au quotidien, et l’achat local en prend pour son rhume.

Le Guide influence peu nos vies pour plusieurs raisons. D’abord, l’héritage d’un ancien Guide qui n’avait rien à voir avec nos habitudes pendant tant d’années n’a pas aidé la cause.

Pendant que plusieurs consommateurs optaient pour autre chose, le Canada demeurait l’un des seuls pays à poursuivre la promotion combative du lait et des produits laitiers, tandis que les viandes formaient toujours une catégorie distincte d’aliments. 

Autrement dit, le Guide alimentaire faisait davantage la promotion des produits que de la nutrition. Le nouveau Guide démocratise le concept de la protéine, mais présente toujours un idéal hors de la portée de plusieurs. Depuis quelques années, on assiste à l’éclatement de l’offre des protéines et les consommateurs de plus en plus curieux essaient différents produits. Le Canada compte maintenant 466 000 véganes, ce qui équivaut environ à la population de la ville de Québec, et ce chiffre ne cesse d’augmenter.

Si le nouveau Guide aspire à sensibiliser un plus grand nombre de personnes, il doit tenir compte du quotidien des consommateurs avec les réalités socioéconomiques qui influencent leur budget.

Mais surtout, le Guide ne doit pas négliger la valorisation de notre culture ni de notre histoire culinaire. Les communautés autochtones recevront un Guide tout à fait unique cette année, et pourquoi pas ? Mais on comprend difficilement pourquoi Santé Canada ne le fait pas pour l’ensemble des communautés, en commençant par le Québec.

L’autre problème associé au Guide réside dans son lent et pénible processus de renouvellement. Le Canada a maintenant son premier Guide alimentaire en 12 ans. Ce cycle beaucoup trop long incite les consommateurs à l’oublier, tout simplement. Comme dans d’autres pays, le Guide requiert une révision quinquennale.

Des économies

Mais il y a tout de même une bonne nouvelle : selon une étude de l’Université Dalhousie, si une famille canadienne choisit de suivre le nouveau Guide alimentaire, elle pourrait épargner 1,86 $ par jour par rapport à l’ancienne version. Pas si mal ! Le hic cependant, c’est qu’il faut cuisiner chaque repas, et que le gaspillage alimentaire ne fait pas partie de l’équation dans ce calcul. Le nouveau Guide alimentaire reste donc abordable, mais il faut faire preuve de discipline.

* Sylvain Charlebois est également directeur scientifique de l’Institut des sciences analytiques en agroalimentaire.

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