Remaniement ministériel

Entre  enthousiasme et méfiance

Chez ceux qui connaissent les rouages de la machine gouvernementale, l'idée de réunir les ministères de la Sécurité publique et des Affaires municipales suscite tantôt l’enthousiasme, tantôt la méfiance.

LOUISE HAREL

Ex-ministre des Affaires municipales (PQ) 1998-2001

OPPOSÉE

« C’est absurde, c’est antinomique ! Ce serait un choc des cultures incroyable. Il y a une incompréhension de ce qu’est le monde municipal dans ça », lance d’emblée l’ex-ministre.

Mme Harel croit en un ministère des Affaires municipales touche-à-tout.

« La sécurité est une dimension parmi de très nombreuses autres dimensions de la vie municipale, comme les loisirs, la culture, le tourisme, l’environnement, l’assainissement des eaux, le logement social, l’agriculture urbaine, le transport. La spécificité du monde municipal c’est d’être extrêmement généraliste. Même l’idée de confier à un seul ministre les Transports et les Affaires municipales, comme l’a fait Pauline [Marois], je ne trouvais pas que c’était une bonne idée », dit-elle.

YVON PICOTTE

Ex-ministre des Affaires municipales (PLQ) 1989-1990

PLUTÔT FAVORABLE

M. Picotte croit que la réunion de ces deux ministères pourrait améliorer la marge de manœuvre du ministre. « Il y avait des dossiers à l’époque qui étaient soumis par les municipalités, et finalement le ministre des Affaires municipales n’avait pas beaucoup de réponses à leurs problèmes. Il devait constamment négocier avec ses collègues avant de leur revenir, ça alourdissait le système. Donc là, il y a quelque chose d’important », croit-il.

Mais il s’interroge sur la capacité de faire avaler la fusion aux fonctionnaires.

« Ça, c’est plus compliqué. Ça va supposer qu’ils comprennent les vraies affaires. Quand les gens travaillent dans leur domaine, souvent ils se soucient peu des autres domaines. Ça va nécessiter une collaboration étroite et souvent on est jaloux de nos prérogatives », observe-t-il.

DENIS CODERRE

Maire de Montréal

OUVERT

« Ce modèle se retrouve ailleurs dans le monde. Plusieurs dossiers du ministère de la Sécurité publique touchent des questions directement reliées au monde municipal : la police, la sécurité incendie, la sécurité civile, la prévention de la criminalité, la réinsertion sociale », dit-il.

« Le premier ministre a choisi M. Coiteux pour évaluer l’opportunité de fusionner ces deux ministères. Avec son pragmatisme et sa rigueur, M. Coiteux est un parfait candidat pour faire une telle évaluation », ajoute le maire.

PIERRE BÉLANGER

Ex-ministre de la Sécurité publique (PQ) 1997-1998

INCRÉDULE

« Comme ministre de la Sécurité publique, j’étais appelé excessivement souvent à interagir avec les maires, pour les services spécialisés de police, les escouades spéciales et tout ça. Donc, au niveau pratico-pratique, je vois ça d’un bon œil qu’une personne soit à la fois ministre de l’un et de l’autre. Surtout avec la menace terroriste, le fait d’avoir une plus grande capacité d’intervention au niveau législatif est intéressant », dit-il.

Il imagine mal toutefois de fusionner les ministères.

« Ce sont tellement des mentalités différentes, ce n’est pas évident. Juste au sein du ministère de la Sécurité publique, c’était déjà un défi de faire cheminer ensemble la police, la sécurité civile et les services correctionnels. Sans compter la compétition entre les verts [la Sûreté du Québec] et les bleus [les polices municipales]. Ça va m’intéresser tout de même », dit-il.

DENIS CÔTÉ

Président de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec

CURIEUX

« J’ai hâte de voir. Je ne suis pas constitutionnaliste, mais quand on regarde les pays où il y a un ministère de l’Intérieur, ce sont des États, des pays francophones, comme la France et l’Algérie. Alors qu’ici, nous sommes pris avec certaines compétences qui sont de juridiction fédérale. Est-ce qu’il y aurait des problèmes de juridiction ? », se demande-t-il.

M. Côté espère par ailleurs qu’un ministre responsable à la fois des villes et de la Sécurité publique sera sensible à ce qu’il considère comme l’iniquité entre les municipalités qui ont un corps de police à elles et celles qui sont desservies par la SQ. « Le problème de fonds, ça reste que les villes qui ont un service de police de base ne reçoivent pas de subventions pour les services de base. Ça doit être corrigé en priorité », dit-il.

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