Récoltes

Le potager des chefs

Depuis quelques semaines, tous les chefs de la grande région métropolitaine ou presque défilent dans le potager de Michel Lachaume. Ils s’extasient devant les brocolis mauves, les tomates des Abruzzes, le charbon du maïs (huitlacoche) et autres merveilles du jardin expérimental de ce sélectionneur-croiseur d’exception.

Pendant des années, celui qui se décrit lui-même comme un « biologiste frustré » a pratiqué l’hybridation libre et le jardinage de loisir. Agent de communication, puis vendeur de produits financiers, il a fini par tout laisser pour vivre de son vrai dada : la culture, voire la « création »  des meilleurs fruits et légumes qui soient.

« C’est à partir du moment où ils ont dû s’adapter au transport que les fruits et légumes ont perdu en goût », raconte Michel Lachaume. Pour l’entreprise Les Artisans des saveurs, il travaille à l’amélioration de certaines catégories destinées potentiellement au marché de masse : camerise, petites tomates de toutes sortes, mini-poivrons, etc. La gamme s’élargira au fil du temps, avec, par exemple, les exquises fraises Charlotte. « Il faut en moyenne huit ans pour stabiliser une espèce », explique le spécialiste.

Ce sont les fermes de Richard et Lilianne Beauregard, puis de Michel et Victoire Palardy, à Sainte-Madeleine, qui se prêtent au jeu. Fervent défenseur d’une agriculture biologique, M. Lachaume s’évertue à appliquer des protocoles sans pesticides ni engrais chimiques. Il a même développé un biostimulant naturel qui permettrait de diminuer les surfaces de culture, d’augmenter le rendement et de produire des végétaux plus goûteux. C’est donc aussi dans l’esprit de travailler sur la résistance naturelle des espèces et de rendre accessible au plus grand nombre une agriculture plus saine qu’il fait ce qu’il fait.

Pour les chefs, ses grands alliés, il chouchoute un superbe jardin expérimental avec des variétés rares ou prometteuses. Dans leurs cuisines, Riccardo Bertolino (Maison Boulud), Mirko D’Agata (pizzerias No 900 et Arte Farina), Simon Laborde (Les Enfants terribles), Julien Coulombe-Morency (Monopole) et bien d’autres « testent » les produits. Certains légumes garderont un statut de niche. D’autres, comme le joli piment mauve « Oda » et la sarriette africaine citronnée, sortiront du potager test pour s’installer dans les champs ou dans une serre de chez nous.

Agenouillé en plein cœur du Jardin des chefs, Michel Lachaume nous montre avec fierté sa Belle du collège, nommée en hommage au collège d’agriculture d’Alfred, en Ontario. Cocréation avec l’un des plus grands hybrideurs de tomates au monde, Tom Wagner, c’est une belle variété zébrée. « C’est la tomate que tous les chefs veulent. Elle m’a été donnée par Tom en 2009. Sa sélection à lui s’appelait Join or Die ! » Entouré de ses nombreux « bébés », Michel Lachaume s’amuse manifestement comme un fou.

Quelques-unes des fiertés de Michel Lachaume

Haricot lustré

La région des Appalaches américaines (les Carolines, le Tennessee, le Kentucky, la Pennsylvanie, etc.) possède la plus grande diversité de haricots au monde. Chaque famille avait son haricot. La greasy bean est une variété traditionnelle que Michel Lachaume estime beaucoup. C’est un haricot grimpant qui se cultive mieux dans un potager maison qu’en commercial, la récolte étant trop longue et fastidieuse. Petit, on le mange en entier. Plus gros, on peut l’écosser. « Ça goûte l’amande ! », lance le jardinier.

Poire rouge des Abruzzes

En Italie, c’est une variété de tomate avec laquelle on fait des conserves en appellation contrôlée. Elle a une peau particulièrement fragile, qui brûle au grand soleil. M. Lachaume clame que c’est la meilleure tomate à sauce. Pour l’avoir testée, nous serions tentée de confirmer ses dires !

Charbon du maïs (huitlacoche)

Michel Lachaume a mis en champ des maïs de souches anciennes, croisements de maïs amérindiens. Ceux-ci sont plus sensibles à une maladie fongique appelée le charbon du maïs. Cette « maladie » produit en fait le fameux huitlacoche, ou caviar mexicain. « Personnellement, je l’adore au stade jeune et encore blanc, il goûte le maïs sucré ET le champignon, mais on le voit plus mature dans le commerce », écrit M. Lachaume sur sa page Facebook.

Verge d’or odorante

Ce pourrait être la première herbe fine véritablement locale. Peut-être déjà établie à l’état sauvage dans la MRC de Bellechasse, c’est une cousine de la verge d’or commune, dont il existerait une soixantaine d’espèces en Amérique du Nord. Son goût est puissant et rappelle à la fois l’estragon et l’anis.

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