OPINION

TRAITEMENT DU CANCER
Quand les oncologues donnent moins de chimiothérapie, pour les bonnes raisons

Il y a un peu plus d’un an, une polémique est apparue au Québec à la suite des sorties d’une chroniqueuse qui a contesté les bases sur lesquelles les médecins proposent ou pas des traitements de chimiothérapie pour prévenir la récidive de cancer après une intervention chirurgicale.

Je me permets de réveiller le sujet à la suite des annonces très médiatisées du congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology cette semaine.

Études

Il y un peu plus de 40 ans, des études médicales ont prouvé que pour les patientes qui ont un cancer du sein, l’ajout de chimiothérapie diminue le risque de récidive. Ces résultats ont par la suite permis le développement d’études subséquentes qui ont maintenu ces conclusions, mais soulevant aussi le fait que pour certaines catégories de patientes avec un cancer du sein localisé relativement précoce, près de 80 % d’entre elles recevaient possiblement de la chimiothérapie inutilement puisque l’hormonothérapie était considérée suffisante. Par contre, 20 % profitaient d’un avantage en contrant la récidive et, fait notable, il était impossible de prédire quelles patientes faisaient partie des 20 % devant être traitées.

Des analyses génétiques ont par la suite permis d’identifier des patientes avec un faible risque de récidive ne nécessitant pas de chimiothérapie et un haut taux de récidive pour lesquelles il est indiqué de donner de la chimiothérapie. Ces analyses génétiques identifiaient aussi une catégorie de patientes à risque intermédiaire pour lesquelles il était impossible de prédire si la chimiothérapie accordait une protection supplémentaire contre la récidive de la maladie. 

En se basant sur un test qui étudie l’expression d’un grand nombre de gènes, une étude a été conduite et a requis la participation de plus de 10 000 femmes qui ont eu un diagnostic de cancer du sein.

Les résultats de cette étude ont permis d’affirmer que, principalement pour les patientes ménopausées avec une maladie localisée de risque intermédiaire, la chimiothérapie n’apportait pas de bénéfice.

Les oncologues ont donc maintenant des données valables pour dire à un grand nombre de patientes que l’hormonothérapie sera le traitement principal pour elles. Mais attention ! Cette étude nous a aussi montré que malgré l’hormonothérapie, plusieurs patientes avaient tout de même une récidive.

La conclusion est donc que les chimiothérapies conventionnelles ne sont pas efficaces pour prévenir ces récidives, mais aussi que de nouvelles études avec des agents thérapeutiques novateurs (et plus coûteux), plus spécifiques aux caractéristiques du cancer du sein documentées avec les analyses génétiques plus récentes, devront être entreprises avec des résultats qui ne seront disponibles que dans 8 à 10 ans.

La participation aux études cliniques de 10 000 femmes permettra à des milliers d’autres d’éviter la chimiothérapie, et il faudra encore la participation de milliers de patientes pour développer des thérapies qui profiteront aux futures patientes.

La recherche est un travail ardu et de longue haleine qui doit être valorisé, en ne cherchant pas les réponses faciles ou les attitudes nihilistes que plusieurs portent envers la sphère médicale.

Il est aussi essentiel de ne pas retenir que les titres accrocheurs, parce qu’en médecine, les progrès se font par petites avancées quotidiennes. Les maladies complexes comme le cancer demandent des stratégies multimodales pour en venir à bout.

Notons cependant que le Québec n’est malheureusement pas un leader dans l’offre de tests génétiques liés au cancer ni dans l’organisation des soins pour permettre aux personnes souffrant de cancer de participer à une étude clinique. Un coup de barre sérieux, que tous les oncologues espèrent dans cette période préélectorale, serait plus que bienvenu pour démontrer que le Québec se met à la page des avancées qui sont annoncées lors de grands congrès internationaux. Peu de chercheurs québécois ont le privilège de présenter leurs données lors de tels congrès, et il serait grand temps qu’on laisse place aux talents des chercheurs d’ici pour que cela profite aux patients québécois.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.