Tournages américains au Québec

Legault fait une offre aux producteurs d’Hollywood

Los Angeles — Le premier ministre François Legault offre un avantage financier supplémentaire aux producteurs d’Hollywood en échange d’un engagement à faire plus de tournages au Québec.

Au premier jour de sa mission en Californie, dimanche, il a signalé que l’un de ses objectifs était d’augmenter le nombre de séries et de films américains tournés sur le sol québécois. Il rencontrera lundi des représentants d’acteurs importants de l’industrie comme Disney, Sony, Netflix et NBC-Universal.

« Il y a eu une forte augmentation, plus de 50 %, sur quelques années, mais depuis quelques années, ça stagne », a-t-il souligné lors d’une mêlée de presse à Los Angeles, après la visite de l’amphithéâtre Staples Center avec le président des Kings, le Québécois Luc Robitaille. M. Legault n’a pas donné d’objectif précis, évoquant toutefois au détour d’une phrase une hausse de 10 % ou 20 % par année.

En 2018, le Québec a récolté 378 millions de dollars en dépenses de tournages étrangers, surtout américains. Mais on a déjà atteint 399 millions en 2002-2003. La Presse rapportait en août que l’on s’attend à des dépenses de 340 millions pour cette année.

Crédits d’impôt

À l’heure actuelle, les producteurs étrangers bénéficient de crédits d’impôt lorsqu’ils réalisent des séries ou des films au Québec : 20 % pour certaines dépenses admissibles et 16 % pour les coûts de main-d’œuvre liés à la production d’effets spéciaux et à l’animation informatique, pour un total de 36 %.

François Legault ne veut pas toucher aux crédits d’impôt. Il offre plutôt une aide financière supplémentaire aux producteurs d’Hollywood qui accepteraient de garantir des tournages au Québec sur une période de trois à cinq ans. Il suggère de conclure des « ententes à la pièce » plutôt que de passer par un « programme normé ».

« Si quelqu’un vient au Québec créer 100-200 emplois au moins pour une période de 3 à 5 ans, ça amène des revenus fiscaux additionnels au gouvernement du Québec, donc on peut leur en donner une partie », a-t-il expliqué.

Il a présenté son offre aux producteurs ainsi : « On vous prête un montant d’argent, et si vous créez les emplois que vous nous aviez promis pendant cinq ans, il y a une partie du prêt qui devient une subvention », donc une somme non remboursable.

François Legault souhaite une forme de « permanence » dans l’engagement des producteurs d’Hollywood quant aux tournages au Québec, plutôt que de continuer dans une approche « projet par projet ».

« Il y a une grosse compétition sur les crédits d’impôt, notamment Toronto et Vancouver. Mais ce que je veux essayer de faire avec les compagnies de production, Walt Disney, Netflix, c’est leur dire : pourquoi vous ne venez pas de façon un peu plus permanente ? »

— François Legault

Pour les producteurs, ce serait « plus facile de s’assurer la fidélité des employés ». Le premier ministre y voit également une façon de faciliter le recrutement de travailleurs, au moment où il y a « de plus en plus une pénurie de main-d’œuvre » dans ce secteur au Québec. Cette stratégie, si elle était fructueuse, permettrait de dire aux employés qu’ils ne travailleraient pas seulement sur une production, mais que plusieurs films ou séries seraient à l’agenda pour quelques années, a expliqué le premier ministre.

Le Québec prêt

Le Québec compte deux grands studios – MTL Grandé et MELS – en plus d’avoir plusieurs entreprises spécialisées dans les effets spéciaux et l’animation informatique. « On va dire merci à Bernard Landry qui a commencé à développer ce secteur-là avec les jeux » vidéo, a glissé M. Legault.

Le premier ministre a d’ailleurs rencontré dimanche le président fondateur de la société montréalaise Rodeo FX, Sébastien Moreau. L’entreprise a déjà remporté un Oscar pour avoir contribué aux effets visuels dans Blade Runner 2049 – du cinéaste québécois Denis Villeneuve – et des trophées Emmy pour son travail dans Game of Thrones.

À la sortie de la rencontre, Sébastien Moreau a affirmé que la mission du premier ministre sur le sol californien était susceptible de profiter à l’industrie québécoise. 

« Il y a déjà des bons incitatifs qui sont en place et qui sont très bien, mais en business, [il faut] rappeler toujours les clients, leur parler pour dire qu’on est là. La présence [de M. Legault], de venir les rencontrer en personne, c’est sûr que ça a une grande influence. »

— Sébastien Moreau, président fondateur de Rodéo FX

Il constate que « plusieurs villes à travers le monde offrent des crédits d’impôt importants » et que Montréal doit forcément « toujours bien se placer par rapport aux compétiteurs ». Il reconnaît que l’industrie fonctionne bien souvent « par projet », mais il a bon espoir que des producteurs acceptent de signer des ententes « plus permanentes » comme le veut François Legault.

Le premier ministre a évoqué l’idée d’avoir des « centres plus permanents » au Québec. C’est de toute évidence une allusion aux discussions qui ont cours depuis un certain moment entre Netflix et le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec. L’objectif est d’installer un centre de tournage permanent à Montréal – Netflix en a déjà un à Toronto.

En 2017, Netflix a conclu une entente avec Ottawa pour investir 500 millions de dollars en production au Canada sur une période de cinq ans. François Legault a reconnu qu’il ignorait la valeur des dépenses faites au Québec jusqu’à présent. Il entend en discuter bientôt avec le premier ministre Justin Trudeau.

Loin de voir la popularité de Netflix comme une menace pour la langue française, M. Legault a fait valoir que cette plateforme de diffusion en continu permettait à des productions québécoises d’avoir un plus large auditoire et de se faire connaître à l’étranger.

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