2 de 3  Opinion  projet d’Oléoduc Trans Mountain

Respecter les obligations du Canada envers les Premières Nations

Que feriez-vous à la place du premier ministre Trudeau ?

C’est la question que nous avons posée à des constitutionnalistes dans le débat sur l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.

Deuxième de trois textes.

L’approbation de la construction de l’oléoduc Trans Mountain a été faite en rupture des obligations internationales et constitutionnelles du Canada envers les Premières Nations.

À la place du premier ministre, nous nous acquitterions des obligations du Canada et nous reconnaîtrions les risques juridiques trop élevés que comporte la mise en marche du projet. Si le respect des obligations du Canada implique la fin du projet de la compagnie Kinder Morgan, il faut que le premier ministre accepte cette conséquence.

À la place de Justin Trudeau, nous agirions en conformité avec les obligations internationales du Canada envers les Premières Nations. En effet, le gouvernement Trudeau a adopté en 2016 la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones dont l’article 3 affirme le droit à l’autodétermination des peuples autochtones et l’article 19 confirme : 

« Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés – par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives – avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. »

Le gouvernement Trudeau est aujourd’hui en train de violer ce principe. Si plusieurs Premières Nations ont donné leur consentement au projet d’oléoduc de Kinder Morgan, plusieurs ne l’ont pas accordé.

L’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique s’est prononcée contre le projet et sept nations, dont Tsleil Waututh, Musqueam, Squamish et Sto:lo, s’opposent à l’oléoduc devant les tribunaux. 

Malgré cela, c’est dans l’absence criante des représentants de ces nations que Justin Trudeau a rencontré dimanche dernier ses homologues provinciaux. Le premier ministre oublie ses obligations internationales et sa position ne fait qu’encourager une opposition ferme au projet sur le terrain.

Éviter la crise

À la place de Justin Trudeau, nous respecterions les obligations constitutionnelles du Canada. L’article 35 de la loi constitutionnelle de 1982 stipule que « les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés ». 

Interprété par la Cour suprême du Canada, cet article protège le droit des Premières Nations au titre ancestral, ainsi que le droit d’être consultées par la Couronne lorsque la conduite de celle-ci pourrait affecter leurs droits (Tsilhqot’in, 2014). Ces devoirs sont particulièrement importants en Colombie-Britannique, où une forte proportion des Premières Nations n’a jamais cédé ses territoires à la Couronne par traité – ce qui veut dire que certaines peuvent démontrer leur titre ancestral. 

Quelques Premières Nations en litige contre l’oléoduc devant la Cour d’appel fédérale revendiquent ce titre ancestral, et allèguent que le processus de consultation était inadéquat.

Devant cela, le premier ministre continue d’agir dans le dossier sans attendre les décisions des tribunaux saisis de ces questions constitutionnelles.

Autrement dit, dans sa hâte de satisfaire les exigences des investisseurs américains, Justin Trudeau oublie l’état de droit canadien.

À sa place, nous reconnaîtrions que d’aller de l’avant avec ce projet est trop risqué juridiquement. Nous ne plierions pas devant l’ultimatum de Kinder Morgan, parce que l’entreprise connaissait très bien le risque que comportait ce litige pour son projet avant d’investir. Les milliards de dollars d’argent public que le premier ministre propose de mettre dans le projet ne réduiront pas le risque qu’un tribunal reconnaisse le titre ancestral et la rupture de l’obligation de consultation. 

L’impasse constitutionnelle créée par le comportement du premier ministre dans le dossier de l’oléoduc Trans Mountain nous mène vers une crise de la légitimité de l’État canadien causée par la violation de ses obligations envers les Premières Nations. À sa place, nous éviterions cette crise.

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