TRANSPORT ACTIF

Le Trottibus fait son chemin

Au Québec, de plus en plus d’élèves du primaire montent à bord du Trottibus – un autobus terrestre, sans roues ni chauffeur – afin de se rendre à l’école de façon sûre et encadrée en marchant. Le nombre d’écoles participantes grimpe en flèche depuis quatre ans, mais elles sont encore l’exception. Pour combien de temps encore ?

LE TROTTIBUS, C’EST QUOI ?

Le Trottibus est un autobus terrestre destiné aux enfants du primaire. Accompagnés de bénévoles (souvent des parents), des élèves de la maternelle à la 6e année peuvent ainsi marcher en groupe, de façon sûre et encadrée, pour se rendre à l’école le matin. Les élèves marcheurs se rendent à un arrêt planifié à proximité de la maison d’où ils rejoignent le cortège animé. Les autobus terrestres sont déjà bien implantés en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Suisse. La Société canadienne du cancer chapeaute le programme, d’abord un projet-pilote en 2010, et accompagne les écoles participantes partout au Québec depuis 2013 (en collaboration avec l’Agence de santé publique du Canada).

COMBIEN D’ÉCOLES PARTICIPENT ?

Encore très peu, mais la tendance est à la hausse. Plus de 2200 enfants de 82 écoles différentes ont marché en Trottibus durant l’année scolaire 2015-2016. L’année précédente, 51 écoles étaient actives. Mais le Québec compte 1800 écoles primaires ! « Nous souhaitons pouvoir accompagner 80 nouvelles écoles actives chaque année. D’ici à 2018, nous aimerions que le programme soit implanté dans 300 écoles », indique Véronique Gallant, responsable du transport actif à la Société canadienne du cancer. En moyenne, chaque école propose deux trajets. L’école de la Chantignole, à Bromont, en propose sept !

CONSTAT ALARMANT

« En 30 ans, le nombre d’élèves qui se déplacent à pied ou à vélo pour se rendre à l’école a diminué de 50 %. On doit renverser cette tendance », indique Sylvie Bernier, porte-parole de Québec en forme. Au Canada, un enfant sur trois souffre d’embonpoint ou est obèse. À peine 4 % bougent 90 minutes par jour, comme recommandé. Seulement 28 % des enfants marchent pour aller à l’école. « Les principaux freins à cette pratique, ce sont la crainte des parents et le manque de temps. Les deux parents travaillent, ils sont pressés, la voiture devient le moyen de transport le plus rapide, le plus efficace », dit Véronique Gallant.

DES BIENFAITS TANGIBLES

Pour chaque kilomètre parcouru à pied chaque jour, le risque d’obésité serait diminué d’environ 5 %. Si un enfant bouge avant l’école, sa capacité de se concentrer en est améliorée pendant quatre heures après l’exercice. « Le transport actif, c’est amusant. Ça ne coûte rien et c’est facile, insiste Sylvie Bernier. L’enfant s’y fait des amis, il développe son estime personnelle et son autonomie. Il découvre son quartier – un parc ici, une piscine là – et développe un sentiment d’appartenance et de sécurité. » Avec le Trottibus, il apprend aussi à être un bon piéton.

TOUS Y GAGNENT

Devant la circulation routière parfois chaotique aux abords des écoles, les parents préfèrent accompagner leur enfant… en voiture. « C’est un cercle vicieux, note Véronique Gallant. En accompagnant à pied les enfants à l’école, ça réduit le trafic en zone scolaire. Les parents d’enfants inscrits peuvent se rendre directement au travail, sans passer par l’école. La sécurité en est augmentée, la qualité de l’air aussi. » Les parents accompagnateurs participent à un projet rassembleur, passent du temps de qualité avec leur enfant et… bougent eux aussi.

EN VILLE, EN CAMPAGNE

« Le programme fonctionne particulièrement bien dans les banlieues de la Montérégie, mais nous sommes aussi présents à Montréal et en région rurale. Nous ciblons surtout les écoles de quartier », dit Mme Gallant. À la campagne, les possibilités sont plus limitées, en raison d’un nombre restreint d’enfants au village, de la présence de routes numérotées, de l’absence de trottoir. À la Société canadienne du cancer, on propose une solution là où l’autobus est nécessaire. « On pourrait faire un débarcadère sécuritaire à un kilomètre de l’école, d’où les élèves marcheraient jusqu’à l’école. » 

BÉNÉVOLES RECHERCHÉS

« La pérennité du programme dépend de l’implication de bénévoles », insiste Mme Gallant. Si un parent inscrit son enfant, on l’invite (sans obligation) à participer un matin par semaine. La Société canadienne du cancer recommande un minimum de deux bénévoles par trajet, pour un rapport d’un accompagnateur pour huit enfants. « Ces bénévoles sont souvent des parents, mais ça peut être des voisins, des grands-parents. » Trois exigences : n’avoir aucun antécédent judiciaire, avoir suivi la formation sur la sécurité routière (déplacement en groupe) et porter le dossard. Les personnes intéressées peuvent s’adresser à la Société canadienne du cancer.

LA RESPONSABILITÉ DE TOUS

Avec le Trottibus, les enfants marchent 4 ou 5 fois par semaine, et ce, pendant 27 semaines. Avant, 40 % de ceux-ci se déplaçaient uniquement en voiture. Les parents (83 %) sont depuis plus enclins à marcher ou à prendre le vélo pour accompagner leur enfant à l’école, et 74 % des parents hésitent davantage à prendre la voiture quand ils peuvent se déplacer à pied ou à vélo. « Pour rendre possible le transport actif, il faut travailler avec les parents qui doivent changer leur perception, mais aussi avec les écoles dont les installations doivent être sécuritaires et avec les policiers et les municipalités pour développer des mesures d’apaisement de la circulation. C’est la responsabilité de tous », souligne Sylvie Bernier.

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