Chronique

Un « acte de Dieu », vraiment ?

Je sais, je sais, les scientifiques ne peuvent pas l’affirmer avec certitude. Et oui, bon, certains diront que ce n’est pas le temps d’en parler quand les gens ont les pieds dans l’eau. Mais justement, n’est-ce pas le meilleur moment d’en prendre conscience ?

Les inondations sont-elles vraiment un « acte de Dieu », comme le disent les anglophones ? Ou ne sont-elles pas plutôt la conséquence de notre indifférence, de notre recherche de confort, de notre je-m’en-foutisme quotidien ?

Aucun scientifique ne peut affirmer que les inondations sont directement attribuables aux changements climatiques, notamment celles de ce printemps. D’ailleurs, on ne pourra jamais dire d’aucune catastrophe qu’elle s’explique exclusivement par le réchauffement de la planète.

En revanche, ce que les scientifiques peuvent dire, c’est qu’il est fortement probable que les changements climatiques provoquent ce genre de bouleversements. Surtout, les plus grands experts de la planète s’entendent pour soutenir que les aléas du climat auront pour effet d’augmenter la fréquence et l’intensité des événements extrêmes comme ces pluies et ces inondations.

Dit autrement, au lieu d’envahir les sous-sols de quelques maisons tous les 25, 50 ou 100 ans, l’eau pourrait faire de tels gros dégâts à un nombre plus important de propriétés et de routes tous les 10 ou 25 ans, par exemple. Même chose pour les incendies de forêt, les tornades, les sécheresses…

« Ce n’est pas du tout une aberration. Les probabilités sont fortes que les changements climatiques ont un rôle à jouer. Et que ces événements exceptionnels seront de plus en plus fréquents », m’explique Jean-François Boucher, professeur en éco-conseil à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

Je sais, il y a encore des irréductibles, qui croient que la Terre est plate. Pourtant, le consensus scientifique sur le réchauffement climatique est aussi fort que la théorie de l’évolution.

Plus précisément, 97 % des scientifiques dans le monde s’accordent pour dire que l’homme est responsable de ce réchauffement climatique.

Ces précisions étant faites, postulons que le réchauffement est l’un des responsables du drame actuel, qui met des familles à la rue et sème le désarroi dans la population. Et que d’autres suivront fort probablement. N’est-ce pas de nature à remettre en question notre mode de vie ?

Notre printemps 2017 va nous coûter, quoi, 50 millions ? Que dis-je, de 100 à 250 millions ? Et on ne parle pas des coûts du travail manqué, des retards dûs à la fermeture de la 50, de la 20 et des autres routes.

Il y a un an, Fort McMurray, en Alberta. Cette fois, on connaît mieux les coûts directs et indirects : 9 milliards, selon une récente étude sérieuse de l’Université d’Edmonton. C’est l’équivalent des investissements pour le nouveau pont Champlain PLUS le train de la Caisse de dépôt (REM).

Selon une autre étude, le coût annuel des conséquences du réchauffement avoisinera les 5 milliards au Canada dans les années 2020… chaque année. Ce chiffre grimpera à plus de 20 milliards par année à partir de 2050, selon l’étude, publiée par la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie. Trois REM par année !

Et qui va payer ? Tout le monde. Le fonctionnement des assurances a pour effet de faire grimper les primes de l’ensemble des assurés quand surviennent des catastrophes. C’est sans compter les coûts assumés directement par les gouvernements, donc par nos impôts.

Imaginez à quel point nos déplacements à l’air climatisé dans nos véhicules utilitaires sport (VUS) nous coûtent cher. Nos voyages dans le Sud de plus en plus nombreux, nos moteurs qu’on laisse tourner l’hiver pour être au chaud, nos maisons à deux étages dans les lointaines banlieues, etc. Il faut vraiment y tenir.

Bien sûr, les particuliers ne sont pas les seuls responsables, mais ultimement, ce sont eux qui prennent les décisions d’achat. Qui s’achètent des VUS, des pick-up, des deuxièmes voitures…

Les gouvernements, les entreprises et les syndicats sont aussi responsables. Parfois, pour le bien de l’environnement, des investissements devraient être adaptés, reportés, annulés, mais on y renonce, car cela freinerait l’économie à court terme, les rentrées d’impôts et la création d’emplois.

Jean-François Boucher, titulaire d’un doctorat en environnement, croit qu’en plus de proscrire la surutilisation des produits fortement émetteurs de gaz à effet de serre (GES), il faut adapter nos projets. Entre autres, nos projets immobiliers devraient nécessairement englober un plus grand couvert forestier.

Les arbres sont d’importants capteurs d’eau, rappelle-t-il, ce qui permet de réduire l’impact des précipitations sur nos cours d’eau. Les arbres sont aussi d’importants capteurs de carbone, ce qui vient compenser l’émission de GES des véhicules, par exemple.

De plus, nos grandes infrastructures devront être conçues pour mieux résister aux extrêmes climatiques plus fréquents, dit-il.

Bien des remises en question en vue, bref. La première : est-ce vraiment un « acte de Dieu » ?

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