Montréal en lumière

Toutes ces femmes qu’incarne Marie-Josée Lord

Le principe féminin est le thème central d’une démarche entreprise par Marie-Josée Lord. Un concert et un album intitulés Femmes se veulent l’aboutissement symphonique à travers lequel la soprano incarne des personnages d’opéras signés Giuseppe Verdi, Giacomo Puccini et Jules Massenet.

Avec l’Orchestre symphonique de Laval (OSL) dirigé par Alain Trudel, elle y interprète des airs tirés des opéras Aïda, La Traviata, La bohème, Madama Butterfly, Suor Angelica, Le Cid, Hérodiade et Thaïs.

Le lien entre la chanteuse, le maestro et son orchestre n’a cessé de se cimenter au fil des ans. En 2015, par exemple, dans le contexte du 50anniversaire de Laval, plus de 10 000 personnes s’étaient massées devant le Centropolis afin d’entendre Marie-Josée Lord et l’OSL.

Le 25 octobre dernier à l’église Sainte-Rose-de-Lima de Laval, la relation s’est raffinée davantage : en concert, la soprano y enregistrait le contenu de cet album rendu public le 23 février, sous étiquette Atma Classique.

« J’ai souvent travaillé avec Alain Trudel, résume la soprano. Avec lui, tu dois te mettre en mode sport : vite, efficace, puissant ! Ainsi, nous avons choisi d’enregistrer le répertoire de l’album dans cette église afin d’obtenir la meilleure qualité acoustique possible. À la prise de son et à la réalisation, Johanne Goyette travaillait dans l’ombre, elle a si bien fait son travail ! Qu’elle soit aussi musicienne, ça joue pour beaucoup dans le résultat. »

Présenté de nouveau avec l’OSL, cette fois au Théâtre Maisonneuve dans le cadre de Montréal en lumière, le contenu discographique de Femmes pourrait être repris à l’avenir. « Bien sûr. J’aimerais éventuellement offrir le concept à d’autres orchestres », affirme Marie-Josée Lord.

La créature féminine

Au départ, rappelle-t-elle, Femmes était un concert plus intime, que la chanteuse a imaginé en 2014, et qu’elle a tourné jusqu’en 2017.

« Je suis partie de moi-même ; étant soprano, je n’incarne que des personnages de femmes dans le répertoire lyrique, et je voulais également partager avec mon public ce thème universel de la créature féminine. Évidemment, elle s’exprime à travers les personnages de l’opéra, qui nous disent des choses sur sa conception de l’amour, de la vie, de la vieillesse, de la mort. »

Force est de déduire que ces thèmes éternels sont les axes de ce concert.

« La vieillesse est un thème vraiment sensible chez la femme, car elle en subit la pression dès la naissance : elle doit être belle, mère, amante et… quand elle vieillit, elle éprouve des craintes et des angoisses, dont celle de la mort à laquelle nous devons tous faire face. »

— Marie-Josée Lord

« Il y a aussi la vie que porte la femme, d’autant plus qu’elle se met en danger en donnant la vie, poursuit-elle. Enfin, l’amour est un thème central pour la femme, comme pour l’humanité entière : l’amour donne des ailes, stimule, repousse les frontières, mais il n’est pas toujours rose. »

À ce titre, Marie-Josée Lord cite l’amour à la fois naïf et tragique de Cho-Cho San dans Madama Butterfly, celui de Violetta, déchirant dans La Traviata, ou encore l’amour triangulaire que doit vivre Aïda.

« Cho-Cho San croit qu’elle obtiendra délivrance de son statut de geisha ; elle se fie à la parole de son amoureux occidental qu’elle déifie. Ses attentes seront bafouées, Pinkerton l’abandonnera et reviendra marié à une autre femme pour lui prendre leur enfant. Quant à l’amour de Violetta, il est passionné et tragique. Après avoir résisté à l’amour véritable, la courtisane plonge dans l’aventure et doit finalement y renoncer vu son statut social jugé immoral par la famille de son prétendant. Pour Aïda, c’est le triangle amoureux : fille du roi d’Éthiopie, elle est réduite à l’esclavage en Égypte, mais aime Radamès qui l’aime tout autant. Fille du pharaon égyptien, Amneris aime aussi Radamès qui convoite la direction des armées… »

Élargir son répertoire

Avant d’adopter sa forme symphonique, le spectacle Femmes ne comportait pas exactement le même répertoire, explique sa conceptrice.

« Nous avons donné une cohérence à l’enregistrement en nous limitant aux musiques et aux airs de Verdi, Puccini, Massenet, sans compter Bernstein pour le rappel ; ainsi, nous en avons ajouté et en avons retiré d’autres que j’interprétais précédemment dans le spectacle. »

Plus précisément, de l’opéra Aïda (Verdi), Marie-Josée Lord interprète « Ristorna vicitor ! I Sacri nomi di padre, d’amante » ; de La Traviata (Verdi), le Prélude à l’acte 1 précède « E strano… sempre libera » ; de La bohème (Puccini), elle chante « Quando M’en Vo » ; de Madama Butterfly (Puccini), « Piangi ? Perche ? Un bel di vedremo » ; de Suor Angelica (Puccini), « Senza mamma » ; du Cid (Massenet), « De cet affreux combat… pleurez, pleurez mes yeux » ; d’Hérodiade (Massenet), l’introduction et « Celui dont la parole… Il est doux, il est bon » ; de Thaïs (Massenet), « Ah ! Je suis seule, seule enfin ! Dis-moi que je suis belle » ; de West Side Story (Bernstein), Somewhere.

La soprano fait ainsi évoluer son répertoire à travers les compositeurs sélectionnés pour cet album-concept.

« Les Verdi du concert Femmes, je les ai chantés pour la première fois, à part l’air de La Traviata. Aïda, je n’y avais pas touché avant 2015. De Massenet, je n’avais fait qu’« Adieu notre petite table ». Butterfly, je ne l’avais jamais chanté avec orchestre. Vous savez, on ne peut pas tout interpréter au début d’une carrière. En 2006, à l’Opéra de Montréal, j’avais fait Suor Angelica ; je chanterais encore mieux cet opéra aujourd’hui, car j’aurais une plus grande maîtrise de mon personnage : technique, maturité émotionnelle, endurance, gestion de l’énergie, connaissance acquise de son corps… »

Redouté par la femme si l’on s’en tient au cliché, un âge plus avancé comporte ses avantages… Marie-Josée Lord en fait l’éloquente démonstration.

Au Théâtre Maisonneuve, le 27 février à 20 h, dans le cadre de Montréal en lumière

CHANT LYRIQUE

Femmes

Marie-Josée Lord avec l’Orchestre symphonique de Laval

Atma Classique

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