Opinion

Ma génération oubliée

Les milléniaux ont la cote par les temps qui courent. Hyperconnectés, consommateurs avertis, politisés, impliqués. Ah ! Qu’ils sont intéressants, ces Y ! Qu’ils sont beaux dans les festivals, les manifs, attablés au resto branché du coin, actifs sur leurs portables à accumuler des « like » ou à partager un selfie pris lors d’un récent voyage humanitaire. Impossible de les manquer.

Prenons ici une pause pour parler d’une autre génération, celle qui comprend les individus nés grosso modo entre les années 1962 et 1981 : la génération X. Celle qu’on a déjà surnommée « l’oubliée », « la perdue », « no future », « bof », « sacrifiée », et j’en passe. Pas surprenant que cette génération n’intéresse pas l’opinion publique !

Qui veut s’intéresser à une génération qualifiée de cynique, de désintéressée, de paresseuse et d’apathique ? Une génération qui, dit-on, ne croit pas aux institutions, aux traditions et qui tarde à fonder une famille ? Qui veut animer une tribune téléphonique sur la première génération de l’histoire de l’humanité qui a vécu le divorce, à une époque où ses parents ne savaient pas comment divorcer ?

La génération X a le taux de suicide le plus élevé au Canada. Sur les 4000 enregistrés en moyenne chaque année, plus de 1500 sont commis par des membres de la génération X.

Chaque génération a ses figures, pense-t-on, ses célébrités. Mark Zuckerberg, Cœur de pirate, Norman-fait-des-vidéos pour l’une. Hillary Clinton, Bill Gates, John Lennon pour l’autre. Qui sont les visages des X ? Dédé Fortin, Nelly Arcan, Kurt Cobain, Chris Cornell, etc.

« Bonyeu ! Donne-moé une job ! »

Les X sont entrés sur le marché du travail sur le tard, contrairement aux boomers. Ces mêmes boomers qui encourageaient les « X » à poursuivre leurs études afin qu’ils puissent, à leur tour, « changer le monde ». Changer le monde ? Dans son enfance, la génération X a vu tomber le mur de Berlin. Comment lui a-t-on expliqué cela ? Par la thématique de la fin de l’histoire, de la mort des grandes idéologies révolutionnaires ! C’est foutu, disait-on. Le Jaggernaut de l’américanisme triomphant va coloniser les consciences. On entre dans la société du spectacle. Paul Valery l’avait dit : le temps du monde fini commence. Les X entraient à reculons dans un monde « sans avenir », sponsorisés par des prêts étudiants…

On les dit anarchistes, individualistes, conjoints de fait, self-made-man et travailleurs autonomes. Les X ne souhaitent pas, contrairement aux milléniaux, « un autre gouvernement », ou « une forme plus légitime d’autorité ». Le pouvoir ? Ils n’en veulent pas. Lorsqu’ils y goûtent, ils y trouvent amertume et déception. Où est Jean-Martin Aussant ? Que fait Mario Dumont ? Ils pensent à eux, à leurs proches. Et, en bon X que je suis, je dois admettre qu’ils n’ont pas tort. Monsieur le premier ministre Trudeau, sauf votre respect, la désillusion est proche…

Toutes les générations ont leurs films fétiches. Les milléniaux en ont de superbes : La Matrice, le Seigneur des anneaux, Harry Potter. Pour les X, qu’avons-nous ? Orange mécanique ? E.T. l’extraterrestre ? Breakfast Club ? Ce film où cinq « loosers » désespérés éclectiques et égocentriques se retrouvent en retenue après les cours, obligés de rédiger une dissertation qui devra s’intituler : « Qui pensez-vous être ? »

Qui pensons-nous être, nous, les X ? C’est une bonne question. Luc De la Rochellière a peut-être un début de réponse : « Ma génération n’a plus d’histoires à raconter. Que des rêves à inventer, sans illusion. »

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