Grand Prix de Québec

« Il fallait attendre jusqu’au dernier kilomètre »

QUÉBEC — On avait presque oublié qu’il était déjà monté sur le podium à Québec. Rigoberto Urán s’est chargé de le rappeler en s’extirpant de la meute juste après la flamme rouge. En quelques coups de pédales, le mince écart s’est transformé en gouffre impossible à combler.

Double vice-champion du Tour d’Italie, Urán a signé sa première victoire dans une classique, remportant le Grand Prix cycliste de Québec, hier après-midi.

« C’est un grand soulagement pour moi après une saison un peu malchanceuse, avec plusieurs petits problèmes », a commenté le coureur d’Etixx-Quick-Step. « Mais je n’ai jamais abandonné. Après le Tour de France, j’ai dit : “OK, je dois garder ma concentration et continuer d’y mettre les efforts.” J’ai travaillé fort pour être prêt à ce moment de la saison et le résultat est là avec une victoire. »

Empruntant une page au livre de Thomas Voeckler, auteur d’une manœuvre similaire lors de l’épreuve inaugurale en 2010, le grimpeur colombien de 28 ans a relancé devant le Château Frontenac après une attaque de Robert Gesink. Il a ensuite résisté au retour des meilleurs puncheurs dans le final en faux plat montant.

« Je connaissais bien cette course, j’avais fini troisième en 2011, a souligné Urán. Je savais que sur ce parcours, il y a une chance d’anticiper les choses dans le dernier kilomètre, et je l’ai fait. J’ai continué comme ça, j’ai tout donné et j’ai gagné. »

Après 201,6 km et 5 heures 9 minutes 47 secondes de course, le gagnant a devancé l’Australien Michael Matthews (Orica GreenEDGE) et le Norvégien Alexander Kristoff (Katusha), deux as finisseurs qui s’annoncent comme de grands favoris pour les Mondiaux de Richmond, le 27 septembre.

Avec de gros canons comme le champion du monde Michal Kwiatkowski, le roi des Flandres Tom Boonen et le fringant Julian Alaphilippe, Urán a su se faire oublier au sein de l’armada Quick-Step. « Nous avons essayé de faire une tactique intelligente, a dit celui qui passera chez Cannondale-Garmin l’an prochain. Il fallait attendre jusqu’au dernier kilomètre puisque c’est là où tout s’est joué. Je pense qu’on a bien réussi. »

L’équipe BMC a été la grande perdante de ce sixième GP de Québec. Manifestement en jambes, Philippe Gilbert, vainqueur en 2011, s’est découvert une première fois avec deux tours à faire. Greg Van Avermaet a accéléré dans le dernier passage de la côte de la Montagne, mais Kwiatkowski l’a immédiatement marqué.

Silvan Dillier a tout tenté pour faire recoller ses coéquipiers belges à Urán, mais Gilbert (7e) et Van Avermaet (10e) ont dû ramasser les miettes.

UN « BEAU DIABLE »

Disputée sous le soleil et devant un public encore une fois très nombreux, l’épreuve s’est déroulée selon le scénario classique avec une longue échappée condamnée à l’avance. Les six volontaires du jour, dont l’avance a frôlé les 10 minutes à un certain moment, provenaient des quatre formations invitées par l’organisation.

Le Canadien Ryan Roth (équipe nationale) et l’Italien Cesare Benedetti (Bora-Argon 18) se sont montrés les plus tenaces, ce qui a dû faire un velours à l’ancien champion canadien Gervais Rioux, dont la compagnie Argon 18 fournit les vélos aux deux coureurs.

Le peloton s’est animé avec une cinquantaine de kilomètres à faire. Hugo Houle s’est mis le nez dans le vent sur les plaines d’Abraham, cherchant à s’insérer dans un contre. Son faciès sur l’écran géant témoignait de l’âpreté de l’effort.

« C’était dur pour tout le monde, mais je me suis dit : “Je vais essayer d’y aller, tant qu’à attendre” », a expliqué le Québécois de l’AG2R La Mondiale. « Après, j’étais un peu cuit ! J’ai essayé d’aider les gars au maximum pour les placer sur le boulevard Champlain. »

Avouant que ses jambes n’étaient « pas terribles », Houle s’est accroché jusqu’à la dernière montée de la côte de la Montagne. « Hugo avait à cœur de bien faire », a souligné son patron Vincent Lavenu, qui vient de lui accorder une prolongation de contrat jusqu’en 2017. 

« Il [Hugo Houle] est un peu court en compétitions, mais évidemment, il s’est accroché comme un beau diable pour faire plaisir à son public. Comme d’habitude, il nous a satisfaits. »

— Vincent Lavenu, directeur de l’équipe AG2R La Mondiale

Romain Bardet et Jan Bakelants, deux des cartes maîtresses d’AG2R, ont tenté en vain d’anticiper les choses dans les derniers tours.

« En ce qui nous concerne, on a bougé beaucoup trop tôt, a jugé Lavenu. C’est une question d’émotions. Le coureur a des sensations, il a des émotions. Le plus difficile est de rester maître de ses émotions quand on est en plein effort. C’est plus facile sur le bord de la route que quand on est sur le vélo. » À moins qu’on ne s’appelle Rigoberto.

Les mêmes protagonistes se mesureront demain sur le mont Royal dans le cadre du GP de Montréal.

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