Serres Demers

La culture de tomates grâce aux biogaz d’un dépotoir

Serres Demers fera plus que doubler sa production de tomates à compter d’octobre, une fois terminé son complexe de 10 hectares de Drummondville. Le producteur exploitera ainsi la plus grande serre de tomates du Québec.

À terme, Demers produira 9000 tonnes de tomates qui seront distribuées à 90 % au Québec, principalement auprès des trois grands distributeurs alimentaires (Loblaws, Sobeys et Metro).

« Ça représente 90 millions de portions de 100 g. Or,  100 g, c’est une portion de légumes, selon le Guide alimentaire canadien. Avec une production de 9500 tonnes de tomates, on offre l’équivalent de seulement deux journées complètes de portions de fruits et légumes pour tous les Québécois », dit le PDG de Productions horticoles Demers, Jacques Demers, 54 ans, que nous avons rencontré sur le chantier.

Avec son frère Réjean, Jacques a racheté en 1990 la ferme fondée par ses parents en 1962. Les deux frères en sont les actionnaires majoritaires.

Outre les tomates, l’entreprise cultive des fraises et des framboises dans 43 hectares de champs dans le secteur Saint-Nicolas à Lévis, où elle produit aussi des poivrons en serre. Elle possède une troisième serre, à L’Assomption.

En 2015, Demers a essayé sans succès d’acquérir la marque Savoura. Comme solution de remplacement, elle a choisi d’agrandir son complexe du Centre-du-Québec. L’investissement de 25 millions est financé notamment par Desjardins capital régional et coopératif, Capital Financière agricole et Fonds de solidarité FTQ.

Les serres emploient 200 employés en période de pointe. Un nombre qui passera à 250 avec l’ouverture de la nouvelle unité de production. En incluant la production de la nouvelle serre, les revenus de l’entreprise dépasseront les 15 millions par année.

Malgré cet essor, les serriculteurs d’ici ne parviennent qu’à combler une partie congrue des besoins locaux. La production serricole locale demeure 10 fois plus petite que celle de l’Ontario, bien servi par la desserte en gaz naturel.

L’énergie bon marché, un facteur essentiel

La principale pierre d’achoppement, soutient le président des Producteurs en serre du Québec, André Mousseau, demeure le coût de l’énergie, qui augmente le prix de revient des produits frais et les rend moins concurrentiels face aux exportations du Mexique de même qu’aux produits de l’Ontario.

« Il y a des producteurs qui ont accès à des sources d’énergie et d’autres qui n’y ont pas accès. Ce n’est pas égalitaire pour tout le monde », dit M. Mousseau, lui-même producteur de cactus en serre.

À Drummondville, Demers a l’avantage d’avoir accès à une source d’énergie deux fois meilleur marché que le gaz naturel. Le producteur utilise la chaleur des moteurs de la centrale thermique de 7,5 mégawatts alimentée à partir des biogaz s’échappant d’un lieu d’enfouissement. Les biogaz sont produits par la décomposition des déchets.

Les serres sont installées à l’extrémité de la propriété de Waste Management dans le secteur Saint-Nicéphore, à 2,5 km de la route. Pour s’y rendre, on circule sur un chemin de terre qui serpente au travers des talus verdis du lieu d’enfouissement.

Demers avait construit une première serre de tomates de 3,2 hectares en 2011 à l’invitation de Waste Management, propriétaire du lieu d’enfouissement de Saint-Nicéphore.

« C’est Waste Management qui nous avait contactés à l’époque, explique Jacques Demers. Elle répondait à un appel d’offres d’Hydro-Québec pour de la production d’électricité à partir de biomasse. Une condition était de trouver un utilisateur tiers pour récupérer une partie de l’énergie perdue. »

Serres Demers a néanmoins besoin de l’électricité du réseau d’Hydro-Québec pour ses besoins en éclairage de croissance. Les mesures annoncées dans le dernier budget ont le potentiel de réduire ses coûts annuels d’exploitation de 3 % pendant la durée du programme de quatre ans.

Répondre aux besoins des distributeurs

« On n’a pas le choix d’aller à la croissance si on veut prendre une position dans le marché et travailler en partenariat avec les chaînes : aller en circulaire, aller en promotion plus régulièrement avec nos produits génériques ou de spécialité », explique Jacques Demers.

« Quand on fait ça, on ferme une fenêtre pour le Mexique ou l’Ontario. Actuellement, on se trouve à offrir une portion minime du volume, 5 %, ou moins, de ce que les chaînes ont besoin pour une promotion. »

Pour les agrandissements subséquents, il faudra trouver d’autres lieux, puisque Saint-Nicéphore affiche complet avec le plus récent ajout.

« On va probablement évoluer vers d’autres productions : concombres et poivrons, en fonction des discussions qu’on aura avec les distributeurs. »

Forces

Masse critique dans la production de tomates de serre

Serres modernes ayant des coûts de production concurrentiels

Faiblesses

Vulnérabilité à des problèmes phytosanitaires (insectes, virus, etc.)

Besoins élevés en capitaux pour assurer la croissance

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