Élections provinciales Opinion

Qui gagne et qui perd ?

Après un départ très en douceur, l’environnement a finalement réussi à occuper l’espace public dans cette campagne électorale. Ce faisant, les préoccupations environnementales pourraient permettre à certains candidats et certains partis de gagner des votes. Pour d’autres, qui ont cru bon mettre de côté cet enjeu, il se pourrait bien que l’environnement soit leur talon d’Achille.

Quel vert pour quel parti ?

Alors que chaque parti se targue d’avoir des engagements environnementaux responsables, l’analyse des plateformes et des promesses électorales nous révèle un portrait tout autre. La protection de l’environnement, dans l’esprit de la Coalition avenir Québec (CAQ), se concrétise par l’utilisation de technologies pour pallier la surabondance de déchets et la réduction des gaz à effet de serre, ou par la vente de notre hydroélectricité. 

Mais la CAQ n’offre aucune solution concrète afin d’amorcer la transition énergétique nécessaire pour lutter contre les changements climatiques.

De surcroît, la question de la production des hydrocarbures sur le sol québécois demeure une possibilité de développement économique à peine voilée, qui pourtant semble à contre-courant d’un développement durable au Québec.

Le Parti libéral du Québec (PLQ), depuis le début de la campagne, s’est basé sur son leadership environnemental passé pour promouvoir ses penchants verts, comme son engagement à la protection de l’île d’Anticosti, le marché du carbone, le Fonds vert, ou même le lancement du Réseau express métropolitain (REM). Dans les derniers jours, il s’est aussi engagé à offrir la gratuité des transports collectifs aux aînés et aux étudiants, à moderniser les centres de tri et aussi à bannir les pailles de plastique.

Malgré ces quelques teintes environnementales, les récents propos du premier ministre sur la prépondérance à accorder à l’économie face à l’environnement, et aussi ses commentaires contre le discours environnementaliste peuvent nous laisser dans le doute quant aux réelles intentions du parti.

Au Parti québécois (PQ), on peut dire que l’environnement a été mieux intégré à leur plateforme électorale. Promettre de faire du premier budget un budget vert, d’adopter une loi-cadre sur les changements climatiques et de réformer l’appareil administratif et gouvernemental pour mieux lutter contre les changements climatiques n’attire peut-être pas de votes. Cela leur permet toutefois de confirmer leur sérieux dans leur démarche pour un réel développement durable. En termes de transports collectifs, le projet de « grand déblocage » offre aussi une alternative intéressante au REM, à un coût comparable et un achalandage estimé beaucoup plus important (environ 500 000 déplacements par jour contre 160 000 pour le REM).

Tous ces engagements ne leur assurent toutefois pas une cohérence parfaite. La promesse portant sur la diminution du prix de l’essence, par exemple, crée une certaine dissonance avec les discours de transition énergétique et de lutte contre les changements climatiques, et ce même si son chef n’y voit aucune contradiction.

Enfin, Québec solidaire (QS) peut se féliciter d’avoir fait une place significative pour l’environnement.

Sa plateforme est riche en promesses de toutes sortes. Créer des aires protégées sur au moins 20 % du territoire québécois, interdire la vente de véhicules à essence en 2030, développer la filière du biocarburant par la valorisation de la biomasse forestière, etc.

Si plusieurs de ces mesures ont le mérite de générer des débats sur des questions fondamentales pour le Québec, il n’en demeure pas moins que certaines de leurs promesses sont très radicales. Notamment, mettre fin au marché du carbone alors qu’il y a un consensus au Québec sur cet instrument, qu’il s’agit d’un engagement international important pour le Québec et qu’il est de plus en plus utilisé dans le monde nous démontre un idéalisme qui peut constituer un piège pour les électeurs. Souhaiter gouverner, c’est aussi faire le choix d’un réalisme budgétaire et politique, qui, couplé aux multiples engagements de QS, semble actuellement hors d’atteinte.

Talon d’Achille ou levier ?

Au terme de cette campagne, il apparaît évident que parler d’environnement constitue un levier important pour le PQ ou QS. Ces deux partis n’ont pas seulement choisi de faire une place à cet enjeu, ils ont choisi d’en faire l’un des fondements de leurs actions pour le Québec de demain, ce qui n’est pas rien.

De manière toute particulière, j’oserais même affirmer que le Parti québécois est celui qui a fait le mieux la démonstration d’un « art de gouverner l’environnement » dans sa plateforme.

Si le PLQ n’a intégré qu’à la marge les questions environnementales, on peut dire que c’est à la CAQ où le bât blesse. L’environnement est très certainement devenu pour lui un talon d’Achille qui pourrait faire pencher une partie des électeurs de plus en plus friands d’un gouvernement véritablement vert.

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