Tragédie aérienne en Iran

Ottawa veut faciliter le rapatriement des dépouilles

Ottawa — Le gouvernement Trudeau est tout à fait disposé à mettre un avion des Forces armées canadiennes à la disposition des familles des 57 Canadiens qui ont perdu la vie à la suite de l’écrasement tragique du vol 752 de la compagnie Ukraine International Airlines, la semaine dernière, à Téhéran, afin d’accélérer le rapatriement au pays des restes des disparus.

Le ministre des Transports, Marc Garneau, a indiqué mercredi que cette option est actuellement à l’étude et qu’une décision définitive sera prise selon les souhaits des proches des victimes.

Il a souligné que l’identification des dépouilles n’était pas terminée et que le Canada devait compter sur la collaboration des autorités iraniennes pour mener à bien ce douloureux exercice.

« Il faut travailler avec le gouvernement de l’Iran qui a présentement les dépouilles en sa possession. La décision doit être prise par les familles des victimes, à savoir s’ils veulent rapatrier au Canada les dépouilles. Aussi, il y a des familles au Canada qui veulent aller en Iran pour voir les dépouilles. Alors toutes ces choses-là sont en marche en ce moment, et puis ça va prendre un peu de temps. Et puis on va le faire le plus rapidement possible », a dit le ministre.

En conférence de presse, M. Garneau a aussi invité l’Iran à ne pas créer des obstacles qui ralentiraient les démarches des familles souhaitant rapatrier les dépouilles. Les autorités iraniennes ne reconnaissent pas la double nationalité ; or, certaines des victimes détenaient à la fois la nationalité canadienne et iranienne.

« Un Canadien est un Canadien. Et les victimes qui avaient des passeports canadiens étaient des citoyens canadiens et ils auront droit à tous les privilèges et à tous les droits qui leur reviennent parce qu’ils sont des citoyens de notre pays. Nous allons nous assurer qu’ils soient traités de cette façon par le gouvernement iranien », a-t-il affirmé.

Urgence d'agir

De son côté, le secrétaire parlementaire du premier ministre Justin Trudeau, Omar Alghabra, a indiqué qu’il n’y avait pas eu de rapatriement de dépouilles canadiennes à ce jour. « Il y a une certaine urgence à agir. Selon la culture iranienne, on enterre les êtres chers le plus rapidement possible, voire le jour du décès ou le jour suivant », a dit M. Alghabra, qui a rencontré les familles des victimes à la demande du premier ministre.

« Je sais que cela a été une démarche très difficile pour les familles jusqu’ici. »

— Omar Alghabra, secrétaire parlementaire du premier ministre Justin Trudeau

Selon des médias iraniens, d’autres victimes du vol abattu par un ou deux missiles iraniens sont enterrées au cimetière Behesht-e Zahra, au sud de Téhéran.

L’avion qui a été abattu par les forces armées iraniennes la semaine dernière transportait en tout 176 personnes, dont 57 Canadiens. Tous les passagers à bord ont péri. Le New York Times a rapporté mardi que l’avion avait été frappé non pas par un missile, comme on le croyait au départ, mais par deux missiles lancés à 23 secondes d’intervalle.

À ce sujet, le ministre Garneau a réagi prudemment, disant ne vouloir tirer aucune conclusion au sujet des circonstances entourant cette tragédie tant que l’enquête ne sera pas terminée.

« J’ai certainement vu la vidéo. Maintenant, c’est pour ça qu’on veut compléter notre enquête avec toute l’information qui est disponible sur les boîtes noires. Nous croyons que ça va nous permettre de savoir plus précisément ce qui s’est passé. Et pour le moment, je crois que c’est important de ne pas arriver à certaines conclusions vis-à-vis ce qui s’est passé avant d’avoir examiné en détail toute l’information qui est disponible. »

Il a précisé que les deux enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) qui ont été dépêchés sur les lieux de l’écrasement de l’avion ont pu commencer à examiner les débris de l’appareil. Mais les informations recueillies par les enquêteurs jusqu’ici ne seront pas dévoilées tant que l’enquête ne sera pas terminée. Cette enquête sera longue et complexe, a averti lundi la présidente du BST, Kathy Fox.

Tragédie aérienne en Iran

Les nouvelles du jour

Admission de mensonge

Le gouvernement iranien a « menti » au peuple, a admis son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Durant trois jours, les autorités iraniennes ont nié qu’un missile avait abattu l’avion commercial. Selon le chef du programme aérospatial des Gardiens de la Révolution, cette décision a d’abord été prise pour protéger le pays. « Si nous avions dit cela, notre système de défense aérienne serait devenu inutilisable et nos hommes auraient douté de tout », a déclaré Amir Ali Hajizadeh. L’aveu survient dans un contexte de diffusion de nouvelles images des missiles et de manifestations de colère au pays.

Manifestations

Des Iraniens ont manifesté leur colère contre les autorités au cours des derniers jours. Les 11 et 12 janvier, de nombreux manifestants ont été blessés par les forces de sécurité iraniennes, selon Amnistie internationale. Les protestataires auraient été dispersés à coups de pied, de poing ou de matraque, et à l’aide de balles caoutchoutées, de gaz lacrymogène et de gaz poivre, a dénoncé l’organisme. Pour l’instant, le mouvement n’a pas l’ampleur de celui contre la hausse du prix de l’essence de la mi-novembre, réprimé sévèrement par le régime.

Un appel à la réconciliation

Le ministre des Affaires étrangères a déclaré que ni lui ni le président Hassan Rohani ne savaient, avant vendredi dernier, qu’un missile iranien avait abattu l’avion deux jours plus tôt. M. Rohani a d’ailleurs lancé un appel à plus de transparence et de pluralisme et à une « réconciliation nationale ». La colère du peuple et, surtout, les regards de la communauté internationale poussent l’Iran à un tel discours, selon la professeure en sciences politiques à l’Université de Montréal Marie-Joëlle Zahar. « Le régime n’a plus la liberté qu’il avait, il y a quelques semaines, lorsqu’il répondait par la force aux manifestations », croit-elle.

Accord sur le nucléaire

Au lendemain d’une procédure entreprise par l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni contre Téhéran, le ministre des Affaires étrangères iranien a accusé les Européens de ne pas respecter l’accord de 2015. L’accord visait à empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, lui permettant de continuer son programme civil contre une levée des sanctions. Or, les États-Unis s’étant retirés de l’accord, rétablissant des sanctions, l’Iran a cessé de remplir certaines de ses obligations. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni avaient accusé Téhéran de violer ses engagements.

Khamenei dirige la prière

Fait rare, l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique, dirigera la grande prière du vendredi à Téhéran. C’est la première fois depuis février 2012 qu’il accomplira cette tâche, qu’il délègue habituellement à d’autres, même s’il est officiellement l’imam de la prière de Téhéran. Il avait dirigé cette prière hebdomadaire le 3 février 2012, en pleine tourmente internationale au sujet du nucléaire iranien et pour souligner le 33e anniversaire de la Révolution islamique.

— Janie Gosselin, La Presse, avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press

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