Opinion 

Loterie vidéo
Changer de politique au lieu de déplacer le problème

Réagissant à un article de La Presse qui indiquait que quatre dollars sur cinq insérés dans les appareils de loterie vidéo (AVL) provenaient de la poche de joueurs pathologiques ou en voie de le devenir, le premier ministre Legault nous apprenait qu’il « haïssait » ce type de machine.

De plus, il souhaiterait éviter que les loteries vidéo se retrouvent dans des zones où résident « beaucoup de personnes vulnérables ». Considérant que la loterie vidéo légalisée a entraîné le suicide d’au moins 401 personnes depuis sa mise en place, il s’agit effectivement d’un minimum, mais est-ce vraiment ce que le Québec peut faire de mieux ?

Ce type de machine place l’État devant une contradiction entre la mission commerciale de Loto-Québec qui le finance et celle de santé publique qui demande de protéger la population à risque. Or, rappelons que sans compter les revenus provenant des appareils dans les casinos, les AVL, qui pullulent dans de nombreux restaurants et bars un peu partout au Québec, rapportent près de 1 milliard de dollars à la société d’État. L’État n’est pas le seul à en profiter ; les commerces qui tiennent les AVL empochent 22 % de commission, une des plus importantes en Amérique du Nord. D’ailleurs, l’implantation d’appareils de loterie vidéo est l’un des moyens les plus simples pour Loto-Québec d’augmenter ses revenus, ce qui a historiquement plu aux différents gouvernements.

Qui réglemente le nombre d’AVL au Québec ?

Si plusieurs acteurs profitent de l’important nombre d’AVL, on imagine que ce sont des instances publiques qui réglementent leur nombre. On aurait tendance à croire que c’est la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) qui devrait déterminer le nombre de machines, mais il n’en est rien. C’est plutôt Loto-Québec qui, tel un pompier pyromane, détermine le nombre d’AVL accessibles au public de sorte à remplir les exigences financières du gouvernement. 

Bien que la société d’État fasse des efforts pour diminuer le nombre d’AVL sur le territoire, il est complètement absurde d’espérer que Loto-Québec fasse de la santé publique son objectif principal.

La somme ridicule de 33,4 millions investie en prévention par la société d’État et qui représente moins de 0,9 % de ses produits totaux le démontre.

Quatre propositions pour avoir un réel impact

Il faut dire que la RACJ ressemble à une coquille vide dont une part importante des régisseurs provient de partis politiques qui ont privilégié une hausse des entrées d’argent de Loto-Québec pour soutenir les baisses d’impôts de l’État. En ce sens, on comprend bien que sans une volonté politique, les choses ne changeront pas. Pourtant, il est possible pour le gouvernement d’agir de sorte à diminuer le nombre d’AVL tout en évitant une reprise du marché noir.

Tout d’abord, en donnant des dents à la RACJ, notamment en faisant une plus grande place aux experts indépendants en santé publique et en leur accordant la possibilité de fixer un nombre d’AVL maximum sur le territoire.

Ensuite, en diminuant la commission que les bars perçoivent sur les AVL. Cette politique diminuerait l’attrait de ces machines pour certains commerces tout en limitant les conséquences sur les joueurs de la proximité de l’alcool et des AVL.

Puis, le gouvernement Legault devrait s’inspirer de sa politique envers la Société québécoise du cannabis qui prévoit que l’ensemble des profits de celle-ci soient versés dans un fonds de prévention et de recherche en matière de cannabis pour exiger des efforts financiers beaucoup plus substantiels de Loto-Québec et ainsi promouvoir la prévention et l’éducation autour du jeu pathologique.

Finalement, et c’est le plus important, si vraiment M. Legault veut aider les personnes vulnérables, il devra rompre avec le principe de ses prédécesseurs qui était d’exiger des redevances importantes de Loto-Québec dans le but de boucler son budget ou de diminuer les impôts des contribuables.

Si les AVL ont peut-être été un mal nécessaire pour contrer le marché noir dans les années 90, aucune raison ne justifie de les considérer comme des vaches à lait du gouvernement aujourd’hui. 

Voyons à quel point M. Legault les hait vraiment.

* Bertrand Schepper-Valiquette est chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Simon Tremblay-Pepin est professeur à l’Université Saint-Paul et chercheur associé à l’IRIS.

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