Livre  Devenir

Michelle Obama superstar

L’ex-First Lady de passage à Paris vend des millions d’exemplaires de ses mémoires et ses shows littéraires déplacent les foules.

Elle entre en scène sous les acclamations, mais c’est par sa parole que cette diva subjugue le public. Dans la tradition très américaine des « orateurs inspirationnels », l’icône Michelle porte désormais aux quatre coins du monde ce parcours de battante qui l’a menée des quartiers populaires de Chicago à un grand cabinet d’avocats où elle eut comme stagiaire un certain Barack Obama… Son autobiographie Becoming (Devenir, en français), traduite en 31 langues, est désormais la plus vendue de l’Histoire. Le 16 avril, elle était à Paris pour assurer sa promotion. Facturées jusqu’à 225 000 $, ses interventions s’ajoutent aux 65 millions d’avance que le couple a reçus pour écrire ses livres et au contrat sans précédent de 50 millions signé avec Netflix. Avec les Obama, tout est décidément hors norme.

Des files d’attente sur plusieurs dizaines de mètres. Deux heures de flux pour remplir une salle de 15 000 personnes. Un sold out en moins de 48 heures. Des tickets revendus 10 fois leur prix sur le marché parallèle. Un compte à rebours, une attente, des selfies, une excitation, une hystérie collective. Et enfin, elle apparaît dans un véritable show son et lumière à l’américaine.

Nul besoin de jouer les stars pour Michelle Obama, elle en est une. Une vraie, une rock star. Inclassable. Depuis la sortie de Becoming et après un an de silence, l’ex-First Lady est sous les feux de la rampe, plus flamboyante que jamais. À Londres comme ailleurs, la frénésie Michelle Obama est palpable aussi bien dans la fosse que dans les gradins les plus éloignés. Elle capte aussitôt son public, face au journaliste qui l’interroge.

« Nous n’avons pas le droit à l’erreur »

Autant à l’aise sur scène que sur ses talons, elle charme et convainc hommes et femmes, jeunes et vieux, Blancs et Noirs. Standing ovation, portables en l’air, son charisme a de quoi faire pâlir les plus grandes vedettes. La femme de Barack sait jouer la fausse modestie : « Les gens ne sont pas là pour moi ce soir, mais parce qu’ils se reconnaissent dans mon livre. » C’est son parler vrai qui séduit, sa sincérité qui transporte. Elle dit tout des piliers de sa vie, qui font d’elle un gratte-ciel : son éducation, sa famille, son engagement. Pendant une heure trente d’échanges, elle fait preuve d’autodérision autant que d’émotion et de simplicité. « Beaucoup m’ont dit que je rêvais trop grand, que je parlais trop fort. » 

Elle ne se gêne pas pour provoquer les rires au détriment de Barack, prenant son public à témoin. À plusieurs reprises revient la difficulté d’être noire. « Nous n’avons pas le droit à l’erreur, nous devons être irréprochables. » Une phrase qui touche une large partie de son auditoire. Tracy, avocate black quinquagénaire venue à la conférence de Londres avec ses deux enfants, allégée de 500 livres : « Mes enfants pourront dire qu’ils étaient là. Dans ma vie, je ne verrai jamais plus un autre couple noir à la Maison-Blanche ; mes enfants non plus. »

Des ventes historiques

Une revanche pour tous, mais d’abord pour Michelle. Son livre est déjà le record mondial de vente d’autobiographies de tous les temps. Mieux que Nelson Mandela, de Gaulle ou n’importe quel président américain. Michelle a détrôné Hillary Clinton au plus fort de sa popularité. Avec 10 millions d’exemplaires vendus d’un pays à l’autre en à peine six mois, elle a affolé les compteurs, avant même qu’une version poche n’augmente encore ce score. Il n’a pas fallu longtemps à l’éditeur américain Penguin Random House pour comprendre que Becoming deviendrait un super best-seller. Lasemaine de son lancement, 1,4 million d’exemplaires se sont arrachés aux États-Unis, 6 millions aujourd’hui. Le titre est toujours en tête des ventes dans 13 pays. Et, comme si la liste des prouesses ne suffisait pas, ajoutons celui de la vente historique de livres audio : 1 million d’exemplaires !

Les Américains se sont rués pour entendre Michelle leur susurrer à l’oreille son texte, qu’elle lit de son timbre de voix un brin rocailleux. Personne ne s’attendait à un tel succès. Pas autant. Son éditrice française, Sophie de Closets, le confirme. « On n’avait jamais vu ça, pas si vite, pas si fort » : 360 000 exemplaires pour Fayard, une belle performance. C’est à guichets fermés, quasiment partout, que Michelle Obama se produit.

Face à un tel engouement, il a fallu revoir sa tournée en version XXL. À l’artisanat des débuts s’est substituée la très grosse machine parfaitement huilée. Des salles à plus grande capacité ont été ajoutées, de plus en plus vastes. Dépassée, la maison d’édition américaine a fait appel à l’organisateur de concerts Live Nation, établi à Beverly Hills, mais doté de filiales dans le monde entier. Et capable de monter, en un claquement de doigts, des spectacles grandioses pour d’immenses stars telles que Madonna. Sauf que la star, ici, est l’épouse de l’ancien président des États-Unis. Sauf que la star, ici, ne chante pas mais parle. 

Michelle Obama a accepté de poursuivre la promotion plus longtemps que prévu. Elle parcourt le monde tandis que Barack achève l’écriture de ses propres Mémoires. Dix-huit nouvelles dates s’enchaînent donc, depuis début mars, jusqu’au mois de mai. Un programme hallucinant. Après un premier « Book Tour » aux États-Unis, Michelle a mis le cap sur l’Europe et ses capitales : Copenhague, Stockholm, Oslo, Londres, Paris… Le tout en huit jours. Pas question de souffler après ce marathon, de nouveaux rendez-vous se sont additionnés à Montréal et Toronto. Et de nouveau aux États-Unis. Partout, c’est le même succès ; partout, pour une « conversation intime », Michelle fait salle comble devant 5000 à 15 000 personnes. Et jusqu’à 20 000, du quasi-jamais-vu pour une personnalité hors show-business.

Après l’annulation de sa présence à Paris le 5 décembre, pour cause d’obsèques de George Bush père, la machine américaine a repris en main sa venue, en prévoyant plus grand, l’AccorHotels Arena, une salle à la mesure de sa popularité. Mais, cette fois, avec un bémol : la veille encore, des places restaient à vendre entre 122 et 496 euros. Trop cher pour beaucoup. La barrière de la langue en a freiné d’autres. Et que vaut l’intimité d’une conversation pour ceux assis dans le lointain ? Elle offre du rêve, mais le rêve a un prix. Des entreprises ont acheté au tarif fort des places pour leurs clients, jusqu’à 750 euros, petits-fours et champagne compris. De nombreux politiques ont fait des pieds et des mains pour obtenir des billets de faveur, espérant en prime une photo-souvenir bonne à poster sur les réseaux sociaux. Mais tout se paie, avec les Américains. Business is business, et Michelle est bankable.

Aux États-Unis, les plus fortunés ont déboursé jusqu’à 3000 dollars pour être installés aux premiers rangs et serrer la main de la conférencière. Le groupe Kering a réservé à Paris 350 bonnes places pour des filles méritantes de banlieue, sélectionnées par des associations comme Emmaüs ou la Maison des femmes de Saint-Denis. Dix d’entre elles ont eu le privilège d’une entrevue avec l’ex-première dame en backstage. Mais chez Pinault, on garde jalousement secret le tarif de ce partenariat.

A star is a star, Michelle se déplace en avion privé d’une capitale à l’autre. Accompagnée par une dizaine de personnes, dont des membres du Secret Service, renforcé à Paris par le service de protection des hautes personnalités, elle est choyée comme une icône.

Il faut aussi gérer ses tenues de scène, hautes en couleur. À Copenhague, elle a surpris avec son tailleur-pantalon corail, rehaussé de perles de cristal, et ses ongles peints… en vert. Avant de s’afficher ailleurs avec une combinaison-pantalon en satin bleu pétrole, puis en jaune poussin et, plus tard, dans un top Stella McCartney agrémenté de perles dorées. La fashion fausse note n’existe pas chez les femmes libres.

« Vidée » après chacune de ses interventions, l’ex-First Lady sait se ménager des temps de repos. Elle refuse 90 % des sollicitations dans chaque pays et tient à distance les politiques. À Paris, aucun membre du gouvernement n’est allé l’accueillir à sa descente d’avion. Pas plus que l’ambassadrice américaine à Paris, Jamie D. McCourt.

Le couple Macron n’a pas eu de contact, Michelle n’en a pas fait la demande.

Mais ils ont été touchés comme tous les Parisiens par les mots de Michelle sur le drame de Notre-Dame de Paris, qu’elle avait visité avec Barack.

« C’est Lara Croft »

Mais son immense popularité fait des envieux. L’épouse de Barack Obama comptabilise 12 millions d’abonnés sur Twitter. Il suffit de lire les centaines de messages qui lui sont adressés pour comprendre ce qu’elle suscite chez les femmes. Des « Je vous admire » à chaque ligne, et « Je suis professeure en Pologne et vous êtes mon modèle », « J’habite en Suède et vous guidez ma vie »…Sur son compte Instagram à 29 millions d’abonnés – contre 22 pour Barack – , elle sait créer de l’intimité avec ses admirateurs, poster des photos personnelles comme avec son frère Craig lorsqu’ils étaient enfants. Mais ce qui touche avant tout ses fans, c’est le positivisme qu’elle leur insuffle. Que ce soit dans les pages de son livre ou sur scène, son mantra est « Restez fort », ou encore « Quand ils vont bas, nous allons haut ». Sophie de Closets, qui l’a vue à plusieurs reprises, confirme : « Elle a un immense charisme, son propos est à la fois tenu et libre. Elle est très forte, c’est Lara Croft. Quand on sort de sa conférence, on a envie de dévorer le monde ! »

Par son parcours, elle donne confiance à celles et ceux issus des milieux populaires. Désormais sans entraves, elle leur offre la possibilité d’un avenir. Les minorités sont les premières à lui vouer une admiration sans limites. Elle présente sa vie comme un message d’espoir, comme un défi. Et s’adresse à ses interlocutrices comme si elles étaient des amies de longue date, leur confiant ses épreuves et ses peines. Ce mélange de familiarité et de distance, qu’elle manie à la perfection, ravit les foules. 

Certains voient en elle un efficace renfort pour les démocrates à l’aune de l’élection américaine de 2020. D’autres l’espèrent non plus en ex-First Lady mais en First, tout simplement. Barack est désormais le mari de Michelle.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.