Football universitaire

Futur médecin et footballeur à temps plein !

Étudier sérieusement tout en faisant partie d’un programme sportif d’excellence est un joyeux défi. Après les lauréats du Top 8 académique canadien, vendredi dernier, nous vous présentons aujourd’hui un autre de ces « phénomènes » qui brillent autant en classe que sur les terrains : Alex Cromer-Émond.

Il faut un rare mélange de talent et d’organisation pour combiner ses études universitaires et une participation à un programme sportif d’excellence. Chaque année, quelques dizaines de « phénomènes » réussissent quand même à se retrouver sur le tableau d’excellence académique du Sport interuniversitaire canadien avec des moyennes supérieures à 80%. D’autres font encore mieux en étant à la fois parmi les meilleurs de leur équipe respective et en réussissant dans des programmes d’études particulièrement exigeants.

Alex Cromer-Émond est de ceux-là. Capitaine de la formidable défense des Carabins de l’Université de Montréal, Alex Cromer-Émond est étudiant en médecine et a entrepris cette année son externat. Nous l’avons suivi il y a quelques jours à l’hôpital Sainte-Justine, où il effectuait un stage en cardiologie pédiatrique.

« J’ai appris récemment que j’étais probablement le premier étudiant athlète en Amérique du Nord qui faisait son externat tout en jouant au football, les deux à temps plein », dit Cromer-Émond.

« Je n’aime pas parler de moi-même et je ne recherche pas les compliments, mais j’avoue que j’étais fier de voir qu’un p’tit gars de Price [un village de 1000 habitants dans le Bas-Saint-Laurent] pouvait être arrivé là. C’est exigeant, bien sûr, mais je vis à 100 à l’heure et je ne voudrais pas faire autrement. »

Laurent Duvernay-Tardif, des Chiefs de Kansas City, a lui aussi combiné médecine et football, mais il ne s’entraînait pas régulièrement avec les Redmen de McGill lors de sa dernière saison avec l’équipe afin d’accorder la priorité à son externat. D’autres athlètes étudiants sont aussi inscrits en médecine, mais aucun n’est aussi avancé que Cromer-Émond sur les deux tableaux.

À Sainte-Justine, les jeunes patients – et ses collègues – sont évidemment surpris de rencontrer ce colosse musclé (5 pi 8 po, 205 lb), mais il trouve vite les mots pour convaincre tout le monde qu’il est à la bonne place.

Ce matin-là, il est à la clinique externe et rencontre les patients en consultation. Un médecin, le Dr Gregor Andelfinger, est là pour superviser Alex et trois autres étudiantes, Inas Slim, Ana Mendez et Hina Raza. Cette dernière terminera bientôt ses études et mesure avec admiration la charge de travail à laquelle s’astreint Cromer-Émond tous les jours.

« Des études en médecine sont terriblement exigeantes, aussi bien sur le plan des connaissances que des émotions, explique le Dr Andelfinger. Ce n’est pas facile de travailler avec des patients, des jeunes patients comme ici, et on est habituellement vidé à la fin de la journée.

« C’est donc très impressionnant de voir un jeune homme comme Alex partir d’ici en fin de journée pour aller s’entraîner avec son équipe de football. Et réaliser avec votre visite aujourd’hui qu’il excelle aussi sur les terrains m’impressionne encore plus ! »

Cromer-Émond retourne vite le compliment. « Les docteurs avec lesquels nous avons la chance de travailler sont tellement compétents. On en apprend plus en une journée à leurs côtés que pendant plusieurs semaines de cours. »

« Les jeunes patients m’apprennent tellement »

Cromer-Émond estime apprendre tout autant de ses patients, surtout les plus jeunes. « J’ai déjà fait des stages avec des adultes et c’était très intéressant, explique-t-il. Mais c’est complètement différent avec les jeunes. On nous apprend à l’université que le questionnaire qu’on soumet au patient est très important pour faire un diagnostic, mais quelle réponse peut-on obtenir d’une fillette de 2 ans ?

« Et en plus, les jeunes ont un autre rapport à la maladie, une sorte d’inconscience souvent. Il faut se fier aux parents, aux analyses, aux examens. Cela dit, les jeunes patients m’apprennent tellement. Je ne sais pas encore dans quelle spécialité je vais me diriger plus tard, mais ces journées ici à Sainte-Justine me montrent que je serais très à l’aise dans un tel environnement. »

Pour terminer sa matinée, Alex rencontre un dernier patient : Samuel Charlebois, 15 ans, qui a quelques problèmes de santé, dont une malformation à une valve du cœur pour laquelle il doit être suivi une fois par année. C’est la raison pour laquelle il est là ce matin et le rendez-vous se passe bien.

L’adolescent a mis fin le printemps dernier à sa « carrière » de gardien de but au hockey et cherche une autre activité sportive. La discussion tourne vite au sport et la mère de Samuel, Karine Gendron, ne manque pas de s’intéresser à un modèle si positif pour son fils, même si elle s’inquiète un peu de la santé de l’apprenti médecin.

Cromer-Émond la rassure : « J’ai la chance de n’avoir besoin que de six heures de sommeil par jour ! »

Devenir surtout une « bonne personne »

Deux jours plus tard, Cromer-Émond et les Carabins affrontent le Rouge et Or de Laval dans un match déterminant pour le championnat de la saison « régulière ».

Sur les terrains de football, Cromer-Émond a un rare flair pour savoir où iront ses adversaires, une qualité qu’il a peut-être acquise quand il jouait au poste de quart-arrière, à l’école secondaire à Mont-Joli. « J’aimais ça, mais les gars trouvaient que je cognais trop fort, rappelle l’athlète qui a pris beaucoup de coffre depuis son adolescence. Je me suis donc vite retrouvé secondeur et c’est à cette position que j’ai toujours joué ensuite, au cégep de Lévis-Lauzon, puis avec les Carabins. »

Membre de la formation championne de la Coupe Vanier en 2014, sa deuxième saison avec l’équipe, Cromer-Émond était blessé la saison dernière et n’a pu se faire justice sur le terrain. Écarté de l’alignement partant en début de saison, il a vite regagné son poste et est parmi les meneurs de son équipe dans toutes les catégories statistiques en défense.

Contre le Rouge et Or, il y a deux semaines, il est encore partout sur le terrain, mais les Carabins échappent la victoire en fin de match. Ce qui ne les a pas empêchés de remporter le championnat de la saison, hier.

À sa quatrième année avec les Carabins, Alex sera admissible au prochain repêchage professionnel, mais préfère ne pas y penser. « Mon objectif est d’être le meilleur joueur, le meilleur médecin et surtout la meilleure personne que je puisse être. C’est tout ce que je peux contrôler. Je donne toujours 100 %, dans tout. Ce sont les valeurs qui m’ont été transmises par ma famille. »

Après le match justement, il est rejoint sur le terrain par plusieurs membres de sa famille. Sa mère est là, venue spécialement de Price. « Les gens trouvent que j’en fais beaucoup, mais elle a travaillé encore bien plus fort que moi pour nous permettre de faire ce qu’on veut aujourd’hui », insiste Cromer-Émond.

« Ce n’est pas vrai, réplique Suzanne Cromer. Je suis tellement fière de le voir aller. Je suis dans l’enseignement et je sais à quel point c’est difficile d’étudier en médecine. Mais le plus important, c’est de voir qu’il est heureux dans ce qu’il fait.

« Quand on est parent, on souhaite voir ses enfants trouver une chose qui va les passionner. Alex, lui, en a trouvé deux ! »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.