Huit cas de dentistes sanctionnés

Depuis trois ans, 8 des 5173 dentistes québécois ont été radiés pour avoir mal soigné des patients ou les avoir dépouillés. Tandis que 32 autres y ont échappé malgré des fautes graves. Voici huit cas tirés de décisions du Conseil de discipline.

Caries imaginaires

En Montérégie, Michèle Coutu a été radiée pour cinq mois en octobre dernier, pour avoir notamment obturé des dents saines. Le Conseil de discipline a rappelé qu’il est « malhonnête » de « mutiler » inutilement un patient à des fins pécuniaires. La même dentiste avait aussi ouvert – à tort – des « espaces énormes » entre les dents d’une patiente, qui a dû se présenter à 43 rendez-vous inutiles, dont 11 pour faire recoller des broches tombées. Même après sa période de radiation, elle n’aura plus le droit de pratiquer l’orthodontie.

Fonds « détournés »

Après neuf poursuites disciplinaires et trois périodes de radiation, Normand Vincent a perdu son permis pour de bon en 2014. L’ex-dentiste de Québec avait soutiré 316 000 $ à 16 patients, en convainquant plusieurs de s’endetter pour recevoir des traitements disproportionnés ou trop risqués. Il a aussi prescrit un médicament potentiellement fatal à une patiente pauvre et malade. Sans même avoir reçu les soins promis, celle-ci demeure coincée avec le prêt bancaire de 26 000 $ (plus 21 000 $ d’intérêts) que Vincent l’a poussée à contracter. Car le dentiste a échappé aux réclamations de tous ses patients en déclarant faillite.

Frôler la mort

À huit mois d’intervalle, deux patientes du Dr Jacques Verreault ont dû être hospitalisées d’urgence. Le dentiste de Québec les a laissées partir après avoir causé une infiltration d’air dans leurs tissus en arrachant leurs dents de sagesse. Leur visage a enflé de façon catastrophique et les poumons de l’une ont été atteints. « L’emphysème se rend dans le cou, dans le thorax, le long des vaisseaux cardiaques et même dans le péricarde ! Jamais vu ça ! », a précisé un médecin. Le dentiste s’est conduit de façon « irresponsable, voire désinvolte », a écrit le Conseil, qui l’a radié pour cinq mois en 2015 – sa troisième radiation – et lui a interdit de faire de nouvelles chirurgies.

Abandon et fausse signature

En plus de mettre ses patients en danger, le dentiste montréalais Gérald Bultz a manqué de compassion, a écrit le Conseil, qui l’a radié pour 45 jours et lui a imposé une amende de 11 000 $, en 2015. Le dentiste montréalais avait abandonné une patiente après une heure et demie de traitements. Et un de ses dossiers affichait une fausse signature de patient. Dix ans plus tôt, le même dentiste avait fait 37 « réclamations d’honoraires frauduleuses » à la Régie de l’assurance maladie. Le Conseil l’a radié pour quatre mois – soit neuf fois moins longtemps que ce que réclamait le syndic –, disant qu’on ne pouvait pas le priver trop longtemps de son droit de pratique, « avec toutes les conséquences professionnelles, financières et personnelles néfastes qui ne manqueraient pas d’en découler ».

Prolifération de caries

Le dentiste de Montréal Marc Tremblay s’est lancé dans un traitement à haut risque d’échec, puisque sa patiente avait une hygiène insuffisante et sautait des rendez-vous. « En enlevant le pont temporaire, il y avait tellement de caries que l’installation de couronnes était rendue impossible », a précisé le Conseil, qui l’a radié pour un mois et lui a imposé 23 000 $ d’amende en 2016. L’organisme s’est interrogé « sur les valeurs » du dentiste – déjà sanctionné six fois dans le passé –, celui-ci ayant arraché plusieurs dents à sa patiente, « alors que des traitements conservateurs lui auraient permis de conserver sa dentition naturelle ».

Désinvolture

« Négligence grossière », « sérieux manque de jugement professionnel », « désinvolture », « travail à l’aveuglette », « prise de risques inconsidérés » et « facturation d’honoraires injustifiés »… Face à ces constats du syndic, le Dr Philippe Villeneuve s’est défendu en disant avoir suivi plus de 450 heures de formation. « Comment se fait-il qu’[autant] de formation ne puisse pas avoir changé plus tôt sa façon de pratiquer ? », s’est inquiété le Conseil de discipline. L’organisme lui a imposé 12 000 $ d’amende en 2015. Une sanction « peu sévère à première vue », précise-t-il, mais justifiable, parce que le dentiste de Sainte-Anne-des-Plaines a accepté de « signer un engagement sérieux et coercitif […] de nature à protéger le public ».

Recyclage en médecine

Une octogénaire est partie en ambulance et a été hospitalisée une semaine après l’extraction d’une dent, parce qu’elle prenait des médicaments ayant causé une hémorragie. Annie Boileau – une dentiste de Drummondville déjà punie pour avoir dispensé des soins inadéquats – n’en avait pas tenu compte. Elle a toutefois convaincu le Conseil de discipline de ne pas la radier, en 2014, parce que cela lui aurait fait perdre son certificat d’immatriculation de nouvelle étudiante en médecine. Mme Boileau « a reconnu qu’elle n’avait pas les aptitudes requises pour exercer cette exigeante profession [de dentiste]. Elle a décidé de réorienter ses engagements professionnels. En ce sens, le Conseil n’a pas à tenir compte des risques futurs pour le public », a justifié l’organisme.

Publicité trompeuse

Le Dr Sylvain Boies a provoqué une inflammation qui a forcé sa patiente à voir cinq autres dentistes. La cause ? Une erreur de traitement « inexcusable » et des soins trahissant de l’incompétence, de l’irresponsabilité et une grave insouciance, a tranché le Conseil de discipline en 2014. Le dentiste de Repentigny faisait de la publicité trompeuse dans Le journal de Montréal et confiait illégalement l’exécution des traitements à une hygiéniste dentaire, sans même la superviser. Le Conseil écrit avoir « hésité à entériner la sanction suggérée » par les parties – soit une amende de 17 000 $ –, mais l’avoir fait parce que le dentiste a « décidé de ne plus pratiquer ni enseigner l’orthodontie ».

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