« Employés fantômes » à l’Assemblée nationale

Le commissaire à l'éthique a ouvert une enquête sur deux députés de la Coalition avenir Québec dans la foulée d'allégations d'une ex-employée qui soutient avoir fait du travail partisan alors qu'elle était rémunérée avec des fonds publics.

CAQ

Une collecte de fonds organisée aux frais de l'Assemblée nationale ?

Québec — Un ex-attaché politique de la Coalition avenir Québec dit avoir organisé pendant ses heures de travail un lunch de financement auquel a participé le chef François Legault. Il soutient aussi avoir quitté son emploi « pour des raisons éthiques », mais le parti l’accuse d’avoir tenté d’orchestrer une « fraude » lors de son départ.

La semaine dernière, l’ancien président de la Commission de la relève de la CAQ, Yann Gobeil-Nadon, s’est lui-même identifié comme un « employé fantôme » du député caquiste de Groulx, Claude Surprenant. Il a allégué que ses tâches étaient « uniquement partisanes » même s’il était rémunéré à même les budgets de l’aile parlementaire caquiste.

En entrevue avec La Presse après le déclenchement d’une enquête du commissaire à l’éthique sur son ancien patron, hier, il a soutenu avoir été chargé d’organiser un lunch de financement sur ses heures de bureau.

Le 9 mai 2016, M. Legault a pris part à cette activité au restaurant La Verdura de Blainville. L’événement regroupait les plus importants donateurs de la CAQ, le « Club des bâtisseurs ».

« Au début, c’était [le directeur du bureau de M. Surprenant] Paulo Gervais qui était sur le dossier, a relaté M. Gobeil-Nadon. Il est venu me voir dans le bureau pendant que j’étais présent. Il m’a dit : “Je suis trop occupé, occupe-toi de ça.” »

Le même après-midi, M. Gervais aurait vérifié si son jeune employé avait contacté des restaurants.

« Ça, ça ne relève pas de l’Assemblée nationale. C’est purement partisan. »

— Yann Gobeil-Nadon

L’ancien employé affirme aussi qu’il devait alimenter la page web du député Surprenant, qui est hébergée sur le site de la CAQ. Ce site est entretenu par le parti, et non par l’Assemblée nationale.

M. Gobeil-Nadon a démissionné du bureau de Claude Surprenant en février dernier. Il dit avoir pris cette décision « pour des raisons éthiques ».

« J’étais pas mal certain que, selon moi, le député Claude Surprenant n’était pas éthique et je ne voulais pas être attaché à son bureau pour ne pas salir ma réputation », indique-t-il.

Tentative de « fraude »

Le porte-parole du chef François Legault, Guillaume Simard-Leduc, a mis en cause les motifs de M. Gobeil-Nadon. Courriels à l’appui, il a révélé que l’ancien employé avait demandé à être renvoyé du bureau de M. Surprenant au lieu de démissionner formellement.

« Cela augmenterait mes revenus en raison de l’assurance-emploi et des autres programmes », peut-on lire dans son courriel daté du 7 mars.

La CAQ a refusé la demande de son ancien employé.

« M. Gobeil-Nadon tente de changer le cours de l’histoire, a indiqué M. Simard-Leduc. Il a suggéré à un ex-collègue de commettre une fraude pour son propre avantage financier, ce qui lui a été refusé catégoriquement. »

« Depuis, les relations avec lui sont très mauvaises et il tente de discréditer ses anciens collègues. Nous déplorons qu’il ait choisi cette avenue. »

— Guillaume Simard-Leduc, porte-parole de François Legault

Au sujet des nouvelles allégations de M. Gobeil-Nadon, la CAQ a soutenu que ses employés politiques peuvent faire du travail partisan, mais uniquement après les heures de travail habituelles.

« S’il n’a pas respecté cette règle, il n’a que lui-même à blâmer », a indiqué M. Simard-Leduc.

Enquête interne

Yann Gobeil-Nadon est le conjoint de Julie Nadeau, une autre ancienne employée de M. Surprenant qui a dénoncé les pratiques de son ancien employeur.

Mme Nadeau a déclaré à Cogeco avoir travaillé lors de plusieurs élections partielles alors que son salaire était payé par les fonds publics. Elle a aussi allégué que des députés caquistes s’étaient faits complices du stratagème en organisant de fausses réunions pour lui permettre de réclamer des frais de déplacement.

Le chef caquiste François Legault a ordonné une enquête interne sur les allégations de Mme Nadeau. À la suite d’une plainte du Parti québécois, le commissaire à l’éthique a lancé à son tour hier une enquête sur les agissements allégués du député Surprenant et du whip de la CAQ, Donald Martel.

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