Arabie saoudite

Décapiter tout en défendant les droits de l’homme

La présence de l’Arabie saoudite à la tête d’un comité du Conseil des droits de l’homme a fait des vagues, la semaine dernière, alors que Riyad serait sur le point de décapiter et crucifier un jeune homme condamné pour avoir participé à une manifestation et que le blogueur Raif Badawi craint chaque semaine la reprise des séances de flagellation auxquelles il a été condamné pour ses écrits.

« C’est scandaleux que les Nations unies aient choisi un pays qui a décapité cette année plus de gens que le groupe armé État islamique pour diriger un comité clé sur les droits de la personne », s’est insurgé Hillel Neuer, directeur de UN Watch, qui a dévoilé le pot aux roses.

Mais ce n’est « pas une grosse nouvelle » aux yeux de Fannie Lafontaine, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux de l’Université Laval, qui a aussi travaillé au Haut Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU sous Louise Arbour.

Le comité consultatif que dirige l’Arabie saoudite, qui a pour tâche de recommander au Conseil des candidats aux postes de rapporteurs spéciaux, « n’a pas de pouvoir décisionnel réel », explique- t-elle.

« En siégeant au Conseil des droits de l’homme, [on s’expose] à être scruté par les autres [et] ça permet d’avoir une vitrine pour critiquer davantage. » — Fannie Lafontaine, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux de l’Université Laval

L’avocate y voit simplement un « prix de consolation » pour Riyad, qui convoitait au printemps dernier la présidence du Conseil des droits de l’homme, une nouvelle « moussée » par UN Watch, qui a « toujours eu [le Conseil] dans son collimateur ».

L’organisation non gouvernementale, dont l’ancien ministre canadien de la Justice et député libéral sortant de Mont-Royal, Irwin Cotler, siège au comité consultatif, dénonce « l’attention disproportionnée dont Israël fait l’objet à l’ONU », explique son site internet.

Fannie Lafontaine reconnaît que la présence de l’Arabie saoudite à ce comité « discrédite le Conseil », mais elle estime qu’il ne s’agit en aucun cas d’un cautionnement du bilan de Riyad en matière de droits de la personne.

DÉCAPITATION IMMINENTE

La nouvelle de la présence de l’Arabie saoudite à la tête de ce comité consultatif intervient d’ailleurs au moment où Riyad s’apprête à décapiter Ali Mohamed al-Nimr. Sa famille craint également que sa dépouille ne soit crucifiée, comme la justice saoudienne l’ordonne parfois pour les crimes les plus graves.

Ce jeune chiite de 21 ans a été déclaré coupable d’avoir participé à des manifestations contre le gouvernement en 2012, alors qu’il avait 17 ans, de possession d’arme, de vol à main armé et d’avoir attaqué les forces de l’ordre.

Les États-Unis ont dénoncé jeudi le sort du jeune homme, appelant le régime saoudien « à respecter les droits de la personne universels ».

« Nous sommes profondément préoccupés par le cas d’[Ali Mohamed] al-Nimr, qui a été condamné à mort alors qu’il était mineur lors de son interpellation, et par des allégations selon lesquelles [ses aveux ont été] obtenus sous la contrainte. »

— John Kirky, porte-parole du département d’État américain

La veille, le président français François Hollande avait pour sa part appelé Riyad à « renoncer à l’exécution » du jeune homme.

Ottawa n’a pas condamné la décapitation imminente d'Ali Mohamed al-Nimr. « Le gouvernement du Canada encourage l’Arabie saoudite à respecter les obligations de leur pays [sic] en vertu de la législation internationale des droits humains. », a écrit Amy Mills, porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Canada, dans un courriel à La Presse.

Plus de 130 personnes ont été mises à mort en Arabie saoudite au cours des huit premiers mois de l’année, estime Amnistie internationale, qui affirme que le royaume « compte parmi les pays du globe qui exécutent le plus grand nombre de prisonniers ».

— Avec l’Agence France Presse

PAS DE FLAGELLATION POUR RAIF BADAWI

Le blogueur Raif Badawi a évité la flagellation pour la 38e semaine de suite, a rapporté sa femme Ensaf Haidar, qui vit désormais au Québec. L’homme de 31 ans, qui croupit depuis maintenant plus de trois ans en prison, a été condamné à 1000 coups de fouet pour « insulte à l’islam ».

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