Police lunaire, de Tom Gauld

Les plaisirs de la mélancolie

Dans son deuxième roman graphique, Police lunaire, l’Écossais Tom Gauld mêle habilement humour et mélancolie pour parler de technologie et de solitude, de rêves d’enfance et de science-fiction, des années 60 et du futur. Tant et tant en si peu de mots, mais avec beaucoup d’images éloquentes. Virée dans l’esprit d’un dessinateur hors pair.

Roman graphique

« Mon premier roman graphique [non publié ici en français] raconte l’histoire de David et Goliath, mais de la perspective de Goliath. Il n’y a à peu près rien dans la Bible au sujet de Goliath. On sait qu’il est grand et que sa lance est longue, mais ce n’est presque pas un personnage. J’ai décidé d’en faire un fonctionnaire qui travaille dans la paperasse. »

The Guardian

« J’ai commencé à travailler pour eux il y a 10 ans avec un dessin hebdomadaire sur l’art et la culture. Le mardi, ils me suggèrent un thème, le mercredi, je leur rends la bande. Comme artiste, j’aime faire les deux. Le fait de travailler en ayant du temps ou le défi de le faire rapidement. »

Utopie spatiale

« Dans Police lunaire, je voulais revenir à cette idée enthousiasmante qui était, alors, de vivre sur la Lune, à cette idée des années 60 que la science allait tout rendre meilleur. On ne ressent plus cet optimisme maintenant. Police lunaire traite de cette tristesse de l’utopie spatiale.  »

Mélancolie

« Je voulais que ce soit drôle, mais aussi mélancolique. L’atterrissage sur la Lune est l’une des plus belles choses qui soient arrivées. Mais depuis 40 ans, personne n’y est retourné. Quand j’étais enfant, la Lune était une réalité plus concrète. Aujourd’hui, non. »

Humour

« J’aime que les sentiments sortent  de la BD sans les surligner. J’aime utiliser un humour pince-sans-rire en restant minimaliste, que les choses émergent naturellement.

J’aime que le lecteur puisse combler les espaces vides. Parfois, je me demande si j’en ai trop enlevé. Je me sens soulagé quand je vois que les lecteurs comprennent par eux-mêmes. »

Logique

« Je réfléchis beaucoup avant de dessiner à ce qu’il faut montrer ou pas. Il y avait une scène où le policier appelle sa mère sur Terre pour bavarder et je sentais que c’était une façon de dire comment il se sentait plutôt que de le montrer. Donc, je l’ai enlevée. Je ne veux pas que l’histoire s’étire. Elle possède sa propre logique, sa propre durée. »

Simplicité 

« J’essaie de maintenir une certaine simplicité, comme pour les couleurs, en espérant que cela rendra bien mon intention de départ. J’écris les bulles moi-même aussi. Je crois que les lecteurs sentent que c’est la même main qui a dessiné et écrit le tout. Je ne souhaite pas faire des BD que seuls les fans de BD peuvent lire. »

Silence

« Le silence est important. Sur la Lune, il n’y a aucun son. Les BD sont bonnes pour ça, pour laisser le lecteur être là, ressentir les choses, sans dire un mot. Juste en montrant les choses sans dire aux gens quoi penser. J’aime avoir un équilibre entre le dessin et le texte. S’il y a trop de mots, on éteint la partie de notre cerveau capable de lire les images. Si c’est le cas, pourquoi ne pas lire un roman, alors ? »

Science-fiction

« Quand j’étais petit, j’étais un grand fan de Star Wars. Les robots dans mon histoire sont inspirés de ceux de Star Wars. Mais 2001 : l’odyssée de l’espace représente probablement une plus grande influence encore. Le thème des choses qui se brisent sur la Lune, c’est comme 2001, 30 ans plus tard. » 

Adam et Ève 

« L’occupation lunaire se termine, pratiquement, dans le livre. Mais je voulais finir sur une note plus positive avec deux “possibles” amoureux. Pas trop, juste suggérer le fait que les choses, peut-être, vont s’arranger. Tout le monde partait de la Lune. Ça me semblait un peu cruel, trop déprimant. J’aimais trop le policier lunaire pour lui faire ça. C’est un bon gars. »

Police lunaire

Tom Gauld

Traduit par Catherine Leroux

Alto, 94 pages

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