Négociations dans le secteur public

DES IDÉES QUI POURRAIENT FAIRE ÉCOLE

La Presse a demandé à des acteurs du milieu de l'éducation de partager leur vision, leurs frustrations et des pistes de changement.

— Louise Leduc

Quelques idées pour l’éducation

Égide Royer

Professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval

« Le plus important, c’est d’intervenir dès qu’un enfant présente un problème langagier ou de lecture. Alors oui, il en faut, des maternelles 4 ans, et il en faut beaucoup.

« Les grandes décisions sur l’éducation au Québec n’ont pas à être liées aux négociations d’un contrat de travail. De l’orthophonie pour un élève qui en a besoin, c’est un droit, et ça ne doit pas être une revendication syndicale sur laquelle il peut y avoir marchandage.

« L’aide aux devoirs ? La taille des classes ? Ç’a peu d’impact sur la réussite des élèves. Oui, ça allégera la tâche des enseignants d’avoir moins d’élèves, mais pour celui qui a du mal à lire, qu’il soit dans une classe de 19 ou de 21, ça ne fait pas une grande différence. Pour l’enseignant, ce n’est pas tant une question de temps que de savoir comment s’y prendre. Or, à l’université, les jeunes ne reçoivent à peu près pas de formation en adaptation scolaire.

Quelques idées pour l’éducation

CLOÉ ROBILLARD

Mère d’une enfant à mobilité réduite qui s’est battue pendant trois ans pour que sa fille ait physiquement accès à sa classe

« Pour ma fille, je pense qu’il a dû y avoir quelque chose comme 25 plans d’intervention. Je ne compte plus le nombre de rencontres qu’il y a eu avec la direction, les enseignants, les spécialistes de toutes sortes.

« D’un côté, il y a tout ce niaisage administratif, toutes ces évaluations pour cocher une petite case, et de l’autre, il y a tellement de feux à éteindre, tellement de cas lourds pour les professeurs sur le terrain qu’ils n’y arrivent tout simplement pas.

« Pendant toute cette saga, j’ai eu l’impression qu’à la Commission scolaire [de la Capitale, à Québec], on riait vraiment de nous. »

Quelques idées pour l’éducation

ENSEIGNANTE AU PRIMAIRE

Enseignante en adaptation scolaire (qui a demandé l’anonymat)

« Je n’ai pas l’impression qu’il manque d’argent pour l’éducation, mais qu’il est tout le temps mal dépensé. On a juste à regarder les locaux des commissions scolaires et à les comparer avec ceux des écoles pour voir où va l’argent. Moi, dans ma classe, aucune des fenêtres ne peut être ouverte de plus de quelques centimètres, et c’est comme cela depuis des années.

« Je me désole par ailleurs de voir à quel point les programmes sont mal adaptés pour ceux qui ont de grosses difficultés d’apprentissage. À quoi bon leur donner à résoudre des problèmes mathématiques complexes alors qu’ils arrivent à peine à faire de simples opérations ? À quoi bon leur demander d’apprécier de façon critique une œuvre d’art ? Dans leur cas, ne pourrait-on pas aller à l’essentiel pour tenter de les rendre autonomes d’ici la fin de leur cheminement scolaire ? »

Quelques idées pour l’éducation

SYLVAIN MALLETTE

Président de la Fédération autonome de l’enseignement

« Si on n’avait qu’un dollar à investir en éducation, il faudrait l’investir dans la prévention en milieu défavorisé et dans les maternelles 4 ans.

« Pour le reste, il faudrait que le gouvernement investisse l’argent au bon endroit plutôt que de le dilapider n’importe comment. On a mis 1 milliard sur 10 ans dans un programme de décrochage scolaire, mais sans qu’une bonne reddition de comptes soit exigée. Résultat : des commissions scolaires ont pigé dans cette enveloppe pour rénover des salles de casiers.

« On a aussi gaspillé des sommes colossales dans une réforme pédagogique qui fonctionne peut-être pour les élèves qui ont de la facilité, mais pas pour ceux qui ont des problèmes d’apprentissage. Ceux qui ont osé s’y opposer se sont fait accuser d’être réfractaires au changement. »

Quelques idées pour l’éducation

NORMAND BAILLARGEON

Essayiste et ex-professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM

« D’abord, seule l’élite devrait être admise dans les facultés d’éducation, alors qu’aujourd’hui, les universités admettent le plus grand nombre possible d’étudiants pour avoir plus d’argent.

« Un grand ménage des facultés d’éducation s’impose aussi pour balancer tous ces cours bidon et pour ne conserver que les théories reposant sur les recherches scientifiques les plus récentes.

« Si j’étais enseignant aujourd’hui, je fermerais la porte de ma classe pour mieux mettre de côté la réforme [les nouvelles façons d’enseigner mises en place par Québec à la fin des années 90] et enseigner en me basant sur les meilleures données probantes en pédagogie. »

Quelques idées pour l’éducation

JULIEN PRUD’HOMME

Professeur associé au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie à l’UQAM

« Plusieurs projets prétendument fondés sur la science ont coûté des fortunes durant les 15 dernières années – le renouveau pédagogique, les tableaux blancs interactifs, etc. – et il serait temps de mettre en place des mécanismes de contrôle destinés à s’assurer que les décisions respectent des consensus scientifiques véritables.

« En ce qui a trait aux élèves handicapés ou en difficulté, les dollars engagés ces dernières années ont surtout gonflé le recours aux diagnostics et détourné des sommes importantes vers une débauche d’évaluations individuelles et un saupoudrage de services.

« On devrait détacher l’accès aux services de l’obtention d’un diagnostic et donner à un agent de l’école le rôle d’acteur-pivot pour suivre de façon adéquate chaque enfant en difficulté. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.