Éditorial 

Posséder une auto ? Tellement XXe siècle… 

On a beaucoup entendu parler de la baisse de popularité du permis de conduire auprès des jeunes, une dynamique qui se confirme un peu plus chaque année au Québec. 

Mais ce phénomène en cache un autre beaucoup plus significatif : le désintérêt grandissant des 16-24 ans pour l’achat d’une voiture. Un phénomène majeur, qui est appelé à transformer la ville telle qu’on la connaît. 

Pas sorcier, les jeunes ne voient tout simplement plus l’auto comme un objet de désir et de liberté.

Et ils n’en ont plus besoin pour marquer l’entrée dans la vie adulte puisque le cellulaire joue ce rôle. 

Les milléniaux considèrent ainsi la voiture comme une dépendance plutôt que l’inverse. Ils ne veulent pas payer pour un produit dont ils ne se servent que 5 % du temps. Ils refusent d’être pris à la gorge par les mensualités, l’immatriculation et les assurances qui viennent avec la possession d’un véhicule. 

Ils veulent leur liberté, autrement dit, non pas un symbole de liberté. 

Or ce désintérêt pour l’achat (qui se manifeste aussi dans l’immobilier d’ailleurs) touche bien plus que les habitudes de consommation d’une génération qui fait les choses à sa manière. Il est appelé à bouleverser la ville, surtout qu’il s’observe parallèlement à un autre phénomène : l’essor de la voiture électrique, branchée, partagée… et autonome. Suffit de se rappeler que les milieux urbains sont aménagés depuis 60 ans autour de la voiture pour avoir une petite idée des perturbations à venir avec tous ces jeunes qui, déjà, optent en nombre grandissant pour les transports en commun, l’autopartage et le covoiturage urbain. 

Ajoutez le fait que les véhicules autonomes risquent d’accélérer le phénomène, et vous comprendrez qu’il y a de fortes chances que dans quelques années à peine… plus rien ne soit pareil. 

Parmi les 100 idées pour améliorer la mobilité, il faut donc compter celle-ci : se préparer dès aujourd’hui aux bouleversements urbains à venir. 

Des bouleversements auxquels nous commençons tardivement à nous intéresser, ici au pays. « Le Canada n’est pas prêt à affronter l’évolution fulgurante des transports », a conclu un rapport du Sénat canadien cette semaine. 

Les gouvernements ne sont pas prêts, le Québec n’est pas prêt, et les villes ne sont certainement pas prêtes. Alors que des voitures autonomes circulent dans les rues de Toronto, Montréal tarde par exemple à accepter les essais et projets-pilotes, qui sont pourtant nécessaires dans des conditions hivernales difficiles. 

Et pourtant, l’évolution se pointe déjà le bout du pare-choc dans nos rues. Prenez Car2Go et le service Auto-mobile : les quelque 1000 véhicules en libre-service qu’ils offrent sont archipopulaires à Montréal. Et ce, malgré tous les bâtons que l’administration Coderre leur a mis dans les roues ces dernières années. 

En parallèle, Communauto prépare le lancement d’une nouvelle offre dans les prochains mois, à l’image de la plateforme de location Turo :  un service qui permet de louer la voiture de parfaits inconnus. 

Autre indice qui ne trompe pas : tous les grands constructeurs d’autos se sont lancés récemment dans l’autopartage, comme General Motors avec son service Maven, BMW avec DriveNow et Peugeot, qui a investi dans notre Communauto québécoise. 

Même des entreprises qui ne se sont jamais intéressées à la mobilité tentent maintenant d’y faire une incursion, comme LG et Bosh. 

Pas compliqué, tout le monde se prépare, car « nous approchons de la fin de l’ère automobile », a affirmé l’ancien vice-président de GM Bob Lutz. 

L’avenir, en effet, est à la mobilité, non pas à l’autosolo. Les usagers remplaceront tranquillement les automobilistes.

L’emprunt supplantera l’achat. Et la voiture deviendra un service, non plus un objet inerte qui passe son temps stationné. 

Cela risque de transformer autant la ville que nos habitudes, si l’on se fie aux diverses études sur la question. On fait valoir une réduction du coût individuel du transport ainsi qu’une hausse du temps libre avec la fin de la conduite auto. On évoque la mise en disponibilité de milliers de cases de stationnement et la création de toutes sortes de services autonomes. On prédit une réduction de la pollution et même, la disparition des accidents de la route. 

Imaginez le bouleversement : les enfants qui naissent cette année pourraient ne jamais avoir à apprendre à conduire ! 

Tous ces changements (qui pourraient survenir ou pas) ne sont pas de la science-fiction : on les annonce pour demain. D’où l’importance pour les villes et gouvernements de se préparer dès aujourd’hui.

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