CRITIQUE
Riposte poétique
La Presse
La poésie peut-elle mettre le feu aux poudres ? Tant qu’elle n’est pas entendue, elle dort, dans l’attente de la détonation par la parole. En une heure et quart qui passe à la vitesse de l’éclair, le spectacle
, mis en scène par les sœurs Gabrielle et Véronique Côté, nous mitraille des mots soigneusement choisis d’une trentaine de poètes, pour la majeure partie contemporains, livrés par sept interprètes, parmi lesquels les metteuses en scène.Entre colère et espoir, c’est un appel à la beauté et à la résistance qui a été lancé sur la scène du Quat’Sous, la semaine même de la mort de son fondateur, Paul Buissonneau, qui avait le verbe fort. S’il y a un poème qui pourrait représenter ce spectacle, ce serait celui de Maxime Catellier : « Je m’ennuie de la parole/qui mettait en danger/à chaque syllabe/l’ordre du monde. » Car il y a dans cette proposition une certaine nostalgie d’une époque plus combattante et les Roland Giguère, Carole David et Gaston Miron sont appelés en renfort au milieu des voix actuelles.
Le spectacle s’ouvre sur le langage abîmé et violent d’extraits de radio-poubelle, où s’expose sans complexe la psychopathologie ordinaire. Dès lors, la poésie est présentée comme une réplique à ce charabia haineux.
Les sœurs Côté ont mis en application des idées scéniques très originales pour lier les poèmes. Ainsi, l’homme ou la femme de la rue, interrogés dans un
« pour la télévision », répondent à la vacuité de l’opinion par des vers gorgés de sens. Le résultat est étonnant et fait presque rêver.Car « nous sommes des êtres incommensurablement forts », rappelait Geneviève Desrosiers. La formule médiatique est ainsi détournée : c’est un poème lu comme discours de remerciement de gala, ce sont des téléphones cellulaires distribués dans le public pour répéter des vers, une jasette d’amis transformée en diatribe contre les destructeurs du langage.
Une jeune femme, dans toute la splendeur de sa grossesse, monte sur scène pour se faire réciter des mots remplis d’humanisme.
« Je te disais toujours le merveilleux possible », « je n’ai jamais vu de beauté dans ceux qui ont abandonné », « je dis
à ceux qui ne se sentent pas concernés, à tout ce qui ne brille pas dans vos vies », « on ne peut vouloir la révolution dans la sobriété », « il est grand temps de sortir des apocalypses »… Cela ressemble à un chapelet de courage, qui ne semble pas sans lien avec ce qui s’est réveillé au printemps 2012 et qui ne veut pas retrouver le sommeil., dans la froidure de l’hiver qui commence, appelle à de nombreux autres printemps vivants. Allez vous y réchauffer, puisque cette grenade n’offre que des dommages collatéraux désirables.
Au Quat’Sous jusqu’au 17 décembre