Alimentation

Les enfants ont-ils besoin de trois verres de lait par jour ?

Le lait est une bonne source de calcium, de vitamine D et d’angoisse pour les parents dont les enfants ne boivent pas les portions quotidiennes recommandées par les experts.

Il peut d’ailleurs parfois devenir difficile de s’y retrouver. Il est généralement reconnu que le lait est un aliment sain et utile pour les enfants, mais est-ce un aliment nécessaire ?

« Honnêtement, nous l’ignorons », répond le Dr Yoni Freedhoff, professeur à la faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, auteur de The Diet Fix et sommité canadienne en matière de nutrition. « Nous n’avons aucune preuve concluante dans un sens comme dans l’autre, dit-il, et les études longitudinales fiables sur le sujet sont rares. »

Certains vont même jusqu’à maintenir qu’une consommation laitière prolongée peut être nuisible – nous sommes après tout la seule espèce qui continue de boire du lait une fois l’allaitement maternel terminé. « Ce n’est pas un aliment magique et ce n’est pas un poison », tranche le Dr Yoni Freedhoff. « C’est juste un aliment comme les autres, une source de protéines et de calcium, tout comme la truite, d’ailleurs. La place d’honneur qu’occupe le lait dans notre société est due à un siècle de marketing particulièrement efficace, continue-t-il, pas à des preuves particulièrement convaincantes. »

« De nombreux enfants ici et ailleurs sont intolérants au lactose, se portent bien, et ne subissent pas plus de fractures que les autres, ce qui semble suggérer que d’autres sources de calcium sont tout à fait adéquates. »

— Le Dr Yoni Freedhoff 

Pour Hélène Baribeau, nutritionniste et auteure de Manger mieux pour être au top, « boire du lait, ce n’est pas essentiel, mais c’est plus simple. Dans le cas des enfants qui mangent de tout, précise-t-elle, qui mangent du saumon en conserve avec les arêtes, où il y a du calcium, qui mangent des amandes tous les jours, du brocoli, du yogourt et du fromage, disons que c’est moins préoccupant si, un jour, ils ne prennent pas leur verre de lait ». « Mais pour un enfant qui n’a pas beaucoup d’appétit, qui aime juste les pâtes et la sauce tomate, le lait demeure important », conclut-elle.

FINIS TON LAIT ?

Le lait est un concentré de nutriments pratique, parce que les enfants ont de petits estomacs mais d’énormes besoins nutritionnels. C’est une solution commode, mais que faire quand ça cesse de l’être, et que chaque gorgée devient un combat ?

« Pour le lait comme pour le reste , explique Stéphanie Côté, nutritionniste pour le projet Nos petits mangeurs d’Extenso et blogueuse pour Naître et grandir, l’aliment doit être offert dans un contexte positif, parce qu’il est possible que le processus de familiarisation prenne du temps. Pour cela, dit-elle, il faut que l’enfant soit exposé au lait ou aux autres aliments qu’il n’aime pas de manière régulière, sans pression, parce que dès qu’il y a une obligation, des négociations ou des chicanes, ça met un frein à l’acceptation de l’aliment. »

Le Dr Yoni Freedhoff est du même avis : « Mes enfants boivent du lait, dit-il, mais nous ne les forçons jamais. Ils ne sont pas obligés de finir leur assiette, et n’ont pas à finir leur verre non plus. Nous n’accordons aucune importance aux quantités quotidiennes de lait qu’ils sont censés ingérer », ajoute-t-il.

En guise de substitut ou de complément, on suggère d’abord les boissons de soya enrichies, parce que les boissons d’amandes et de riz sont moins nourrissantes et moins riches en protéines et en gras. La plupart des laits végetaux ont été enrichis de vitamine D comme le lait, ce qui aide à l’absorption du calcium qu’ils contiennent.

Hélène Baribeau nous rappelle qu’il faut bien agiter les contenants des boissons de soya enrichies, « parce que des études ont démontré que de 30 à 40 % du calcium qu’elles contiennent peut rester pris dans le dépôt au fond du contenant ».

LE LAIT AU CHOCOLAT PIRE QUE LE COCA-COLA

Stéphanie Côté nous conseille aussi de choisir les boissons de soya les moins sucrées possible, « les saveurs originale et vanille, par exemple, dont la teneur en sucre est très similaire à celle du lait », dit-elle.

Le Dr Yoni Freedhoff est du même avis, « particulièrement dans un contexte où l’obésité infantile et les maladies qui y sont associées sont en hausse. C’est un véritable problème !, lance-t-il. Prenez l’exemple du lait au chocolat dans les écoles : de voir que nous encourageons nos enfants à boire tous les jours une boisson qui, à quantité égale, présente le double des calories d’un coca-cola et 20 % plus de sucre, pour moi, c’est incroyable !, dit-il. Si je prenais un coca-cola et que j’y ajoutais du calcium, de la vitamine D et du sucre, personne ne suggérerait d’en servir tous les jours aux enfants. Je considère que l’équivalent en produits laitiers de deux verres de lait par jour est probablement plus que suffisant, conclut-il, et de toute façon, je préfère que mes enfants mangent leurs produits laitiers au lieu de les boire. Les calories liquides sont moins satisfaisantes, particulièrement lorsqu’elles sont bourrées de sucre. »

Il est possible de retrouver tous les nutriments présents dans le lait ailleurs, mais il s’agit alors d’être plus vigilant. Le calcium est relativement facile à dénicher, il y en a dans le poisson, le tofu, le jus d’orange, certaines noix et certains légumes, par exemple. La vitamine D, par contre, est plus difficile à se procurer par l’alimentation uniquement., « parce que c’est notre peau qui en fabrique grâce aux rayons du soleil », explique Stéphanie Côté. « Comme pendant plus de la moitié de l’année, notre exposition au soleil n’est pas suffisante, on a tendance à recommander des suppléments. » Pour le reste, elle suggère de consulter un site fiable comme Nos petits mangeurs ou Naître et grandir, ou de parler de ses préoccupations avec une nutritionniste.

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