Transport par autocar

Fini, le prix unique

L’époque où tout le monde payait le même prix pour prendre l’autocar tire à sa fin au Québec. Après l’aviation et le rail, le transport interurbain par autocar s’apprête à entrer à son tour dans l’ère de la modulation tarifaire.

Orléans Express a ouvert le bal en janvier en introduisant trois classes de tarifs pour sa liaison Montréal-Québec, au moment où la société a lancé sa plateforme de vente en ligne. Certains départs sont offerts à 30 % et même à 50 % de rabais par rapport au plein tarif.

La filiale de Keolis Canada devrait bientôt avoir de la compagnie. La Presse a appris que deux autres acteurs majeurs du transport par autocar, Intercar et Autobus Maheux, se préparent à lui emboîter le pas, tandis qu’un troisième, Groupe Galland, prévoit le faire en 2017.

« On va déposer [ce mois-ci] une demande à la Commission des transports du Québec pour introduire la tarification modulée, explique Pierre Maheux, président d’Autobus Maheux, qui dessert Montréal, l’Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec. Pour nous, ce serait raisonnable de commencer en septembre. »

CONCURRENCER LE COVOITURAGE

Intercar, actif au Saguenay–Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord et dans la région de Chibougamau, a des intentions similaires. « On a une baisse de 50 % de chiffres d’affaires en 10 ans. Il faut se réinventer », dit son président, Hugo Gilbert. Intercar a lancé son site transactionnel le 14 juin et espère que la modulation tarifaire suivra dès l’automne. « C’est la deuxième étape. On fonde beaucoup d’espoir là-dessus », dit-il.

L’objectif est le même pour les deux entreprises : augmenter la fréquentation sur leurs différents parcours grâce à des tarifs plus proches de ceux du covoiturage, dont l’essor au cours des dernières années a rogné des parts de marché importantes au transport par autocar. (Lors d’un récent vendredi, on dénombrait pas moins de 143 départs de Montréal vers Québec sur le site de covoiturage Amigo Express !) 

« On pense que ça va nous permettre de mettre plus de monde dans les autobus », affirme le patron d’Intercar.

25 %

Proportion du chiffre d’affaires d’Intercar liée au transport interurbain

L’industrie n’a pas le choix, estime Michel Galland, chef de la direction du Groupe Galland, dont la filiale Galland Laurentides est présente entre Montréal et Mont-Laurier. « On est déficitaire [dans l’interurbain] depuis cinq ou six ans, dit-il. L’entreprise serait en faillite si elle ne pouvait pas compter sur le reste du groupe pour la soutenir. »

Comme la plupart des autres grands transporteurs, Galland est également actif dans des secteurs comme le transport adapté et le transport scolaire, dont les revenus permettent de compenser les pertes dans le marché interurbain.

RÉSULTATS ENCOURAGEANTS

De son côté, Keolis Canada se dit encouragé par les résultats obtenus depuis l’introduction de la modulation tarifaire, en janvier. « Sur la liaison Montréal-Québec, on visait une augmentation d’achalandage hebdomadaire de 10 %, et c’est ce qu’on a jusqu’ici », dit Marie-Hélène Cloutier, vice-présidente, expérience passagers. « On est satisfaits, mais la partie n’est pas gagnée, car ça continue à être difficile dans le reste de notre réseau. » Entre 2011 et 2015, les revenus d’Orléans Express provenant du transport interurbain de passagers ont chuté de 36 millions à 28,4 millions, selon des données présentées en mars à la Commission des transports du Québec.

20 %

Baisse de fréquentation d’Orléans Express sur le tronçon Québec-Montréal, en 5 ans

3,6 millions

Perte avant impôts d’Orléans Express en 2015

Dans un effort de redressement, Orléans Express a supprimé l’an dernier des liaisons en Mauricie et dans la région de l’Amiante et a réduit le nombre d’arrêts et de départs au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie. Une entente récente avec les MRC gaspésiennes, qui ont accepté de débourser 37 500 $ et obtenu une aide financière de 112 500 $ du ministère des Transports, ouvre toutefois la voie à une reprise en juillet de la desserte de Percé, abandonnée depuis près de 18 mois.

Keolis n’écarte pas la possibilité d’étendre la modulation tarifaire à l’ensemble de son réseau, qui comprend également la rive nord du Saint-Laurent, entre Québec et Montréal. « On va terminer notre analyse d’ici la fin de 2016 », dit Mme Cloutier.

La vente de billets en ligne facilite déjà la planification pour Orléans Express. « Avant, 90 % des achats de billets étaient faits le jour même du voyage. Aujourd’hui, on est rendu à 50 %. Ça a un impact important sur notre planification opérationnelle et nous permet de mieux gérer nos véhicules », dit Marie-Hélène Cloutier. On peut ainsi, par exemple, prévoir l’ajout d’un deuxième autocar pour les départs particulièrement populaires.

La modulation tarifaire actuelle est une modulation « très soft », souligne Mme Cloutier. Keolis souhaiterait en arriver à offrir différents tarifs à bord d’un même autocar, en fonction du moment où les billets sont achetés, un peu comme cela se fait dans l’industrie aérienne.

Service à la porte chez Limocar ?

Limocar, qui fait la liaison entre Montréal et Sherbrooke et dessert la région de Brome-Missisquoi, ne prévoit pas implanter la modulation tarifaire à court terme. Elle envisage par contre des ententes avec des entreprises de taxi locales qui lui permettraient d’offrir un service à la porte aux résidants de certaines municipalités où la fréquentation est très faible. Cela permettrait de rabattre les clients vers des arrêts plus fréquentés et d’éviter aux autocars de faire des détours inutiles, explique Dominique Lemay, chef de la direction de Transdev Canada, société mère de Limocar. « C’est gagnant-gagnant-gagnant : pour l’expérience du client, pour la pérennité de l’entreprise et pour les localités où le service n’est pas rentable, parce que ça évite de couper des services », dit-il. La clé, selon lui, est de permettre au voyageur un titre de transport complet, achetable à tout moment, sur son ordinateur autant que sur son téléphone. « L’industrie doit se renouveler, dit-il. Il est important d’offrir le déplacement porte à porte. »

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